Monsieur de Phocas
de Jean Lorrain

critiqué par Joachim, le 5 avril 2006
( - 44 ans)


La note:  étoiles
PHOCAS
Lecteur de Huysmans et cousin littéraire de l’auteur d’A Rebours, Jean Lorrain a réussi un roman qui se présente sous la forme de lettres-mémoires. Bourré à craquer de références littéraires, de Barbey, Gide…, c’est l’entrée dans l’univers des esthètes « décadents » et du dandysme 1890 qui se mire dans les gazettes artistico-mondaines, au rythme chaotique de fragments de journal.

Un roman dur et intense sur le sacrifice, sur l’art et les drames artificiels. On y croise le peintre anglais et nain Claudius Ethal aux goûts dégénérés, l’imaginaire peuplé de scènes d’empoisonnements, collectionneur de poupées sinistres récoltées en Hollande.

Lassé des tournée de cafés et des maisons closes, Fréneuse, contrairement à des Esseintes, entreprend. Il se rend en Normandie, y retrouve pour son malheur le fond de sa lignée fin de race. Thomas Welcôme sera la tentation de se sauver dans tous les sens du terme, une sorte de réapparition baudelairienne des « voyages » qui pourrait envisager la vérité du maléfique et fantastique Ethal tout en l’incitant à s’en détourner.

Des Esseintes est une sorte de demi-frère pour le duc de Fréneuse, un demi-frère hypocondriaque et nerveux qui ne connaît le meurtre que par procuration.

On hésite à voir dans ce roman une grande mystification ouvragée, au raffinement éblouissant et cruel comme sait en concocter Ethal à l’intention de ses auditeurs. Sa fin est très réussie, visions de l’Inde « hallucinée », puis apparition de la Figure ovale, « intangible », et l'évocation de la triade féminine « Astarté, Acté, Alexandrie » qui débarrassera le duc de Fréneuse de ses visions vert émeraude.