Le reflux de la nuit
de Jean-Pierre Andrevon

critiqué par Malic, le 4 avril 2006
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Glaçant...
Pierre Merlin se rend plusieurs fois par semaine au cimetière afin de parler à la seule personne avec qui il ait encore le désir de communiquer, sa femme Christine, morte depuis un an. Pierre Merlin est un veuf inconsolable qui vit muré dans son chagrin. Un soir, il rencontre au cimetière un étrange personnage, sorte de mage qui lui propose moyennant finance de faire revenir sa femme. Après bien des hésitations, car c’est un homme raisonnable, il accepte. A partir de cet instant, il va progressivement sombrer en plein cauchemar. Je laisse au lecteur le plaisir ( et l’horreur) de découvrir l’idée jubilatoire développée par l’auteur, idée qui s’apparente à un véritable « gag tragique » ou « vaudeville macabre » et qui assure le crescendo de l’intrigue.

Le récit nous enferme très habilement dans le monde solitaire de Merlin, fait de tristesse, de chagrin et peut-être de folie : la ville où se déroule l’histoire reste anonyme, souvent voilée par la pluie et la nuit, avec pour seuls bruits le ronronnement des voitures et les cloches tristes des églises. Quand aux rapports de Merlin avec ses collègues de bureau ou ses voisins, ils sont pratiquement inexistants. Ses seules conversations un peu longues sont celles avec le mage Jéobald Bornimus, un personnage dont on se demande s’il est vraiment de notre monde. D’ailleurs, tout au long du roman, nous sommes le plus souvent à la frontière du réalisme et du fantastique, incertitude qui ne fait que renforcer le trouble du lecteur.

Le style d’Andrevon est simple mais terriblement efficace. Il sait aussi bien montrer l’horreur que la suggérer, laissant à l’imagination du lecteur le soin de faire le reste. Et si malgré le « gag tragique » évoqué plus haut ce roman nous communique angoisse et panique, on perçoit cependant l’ironie sous-jacente de l’auteur. Il prend en effet le contre-pied de toutes ces histoires d’amour au delà de la mort que nous avons pu lire ou voir. Le malheureux (vraiment très malheureux ! ) Pierre Merlin, homme de bon sens et de passions sages n’était sans doute pas fait pour une telle aventure. Mais qui donc aurait résisté à ce qu’il va vivre ici ?