Le poids du monde
de Joseph Hansen

critiqué par Sibylline, le 27 mars 2006
(Normandie - 74 ans)


La note:  étoiles
«Un blond évaporé»
Joseph Hansen et Dave Brandstetter sont bien autre chose que des chochottes qui papotent. Quand ce prof d’université californienne entama sa série des enquêtes de Dave Brandstetter, dans les années 70, il n’enfonçait pas une porte ouverte, comme cela pourrait être le cas aujourd’hui. Il lançait en fait un magnifique pavé dans la mare. L’homosexualité était un sujet, sinon tabou, du moins de mauvais goût et presque toujours ridicule. Elle n’était pas admise comme une chose commune. Etre homo, c’était être «spécial», limite anormal. Lancer le premier enquêteur de polar homo, ce n’était pas rien. Moi, je me souviens, cela m’avait complètement «soufflée».
Que cet enquêteur tint le premier rôle, qu’il ne soit dénué ni de courage, ni d’intelligence, qu’il soit loin d’être comique, tout cela sortait quelque peu du cadre convenu. D’autant que loin de se placer constamment dans des situations exceptionnelles, son homosexualité était présentée au fil de cette série de polars, dans sa réalité, je dirais dans son train-train quotidien. «Ces gens-là» pouvaient donc avoir un «train-train quotidien» comme vous et moi ? Faire leurs courses et la vaisselle ? Pour les néophytes totaux (dont j’étais) ce fut la première occasion de se poser la question et de s’apercevoir qu’on se répondait évidemment «Et pourquoi pas ?» Simplement, on n’y avait pas vraiment songé avant.
Hansen est et restera le précurseur des coming out. C’est un pionnier de l’antidiscrimination sexuelle mais il n’a pas agi par de grandes manifestations spectaculaires, non, simplement en en parlant comme si cela allait de soi. Et c’était le cas effectivement, il le montrait.
Je ne parle même pas du style littéraire de Joseph Hansen qui est plus que bon. Une petite musique file ses romans. N’oublions pas que cet homme là publia de la poésie, avant de se lancer dans le polar. Je n’ai jamais éprouvé de difficulté à suivre ses dialogues ou à saisir ses personnages. La finesse psychologique les marque tous, au contraire.
Ici, Dave enquête sur la mort, ou du moins la disparition d’une vedette de radio dont la voiture a été retrouvée dans un ravin. S’en suit une enquête minutieuse menée par notre détective favori (du moins pour cette série). Nous retrouvons ici un Brandstetter taciturne et renfermé qui traverse une période difficile et tente de surmonter le deuil du décès de son compagnon après une vingtaine d’années de vie commune.
Une version allégée de ce roman avait été publiée en France sous le titre de «Un blond évaporé». Bibliophiles à vos bouquinistes, ce titre n’est plus distribué.
Né en 1923, Joseph Hansen est mort en 2004.
Un morceau d’anthologie 8 étoiles

Ce roman est intéressant pour le contexte historique dans lequel il fut originalement publié comme le décrit bien la critique principale. Oser parler d’homosexualité à cette époque était courageux. La traduction fut d’ailleurs l’objet de censure. Heureusement pour la société et peut-être malheureusement pour ce livre, les mœurs ont évolué. Ainsi, le polar de Hansen est devenu, avec les années, presque conventionnel, si ce n’est que l’enquêteur principal interroge au nom d’une compagnie d’assurance et non de la police. Depuis ce titre avant-gardiste, la liste des limiers gay s’est allongée. On les retrouve en tête d’affiche notamment chez Joe Lansdale, Michael Nava et R.D. Zimmerman.

Le premier de cette série est dans la pure tradition du ‘hard-boiled’. Un enquêteur viril et une succession d’entrevues dans le but de découvrir ce qui a pu devenir du ‘golden boy’ Fox Olson. C’est du suspense psychologique car les techniques policières n’étaient pas développées. Un polar qui se lit tout seul, axé sur le dialogue. Quelque chose d’intelligent et avec du cœur au ventre.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 19 février 2008