critiqué par Sahkti, le 27 mars 2006
(Genève - 50 ans)

La note: étoiles

Alechinsky en toute simplicité

J’aime beaucoup la manière dont Pierre Alechinsky considère ses deux mains. Deux entités autonomes et pourtant indissociables, deux outils de travail certes, mais bien plus que cela, des compagnes de vie qui lui donnent pas mal de fil à retordre et aussi beaucoup de bonheur.

Pierre Alechinsky raconte tout cela avec beaucoup de simplicité et d’humour dans un recueil de souvenirs ne ressemblant pas aux biographies conventionnelles. Pas d’académisme ici, mais de la spontanéité et une belle leçon de vie donnée à travers des textes courts et piquants, des notes disséminées ça et là, de la correspondance, des dessins, des photos, des montages… un portrait hétéroclite et touchant de l’artiste qui nous raconte ses amis et apporte une vision emplie de sérénité et d’expérience sur le monde de l’art. Dans ce domaine, le talent de Pierre Alechinsky n’est pas à démontrer et c’est peut-être ce qui lui apporte cette forme de sagesse, ce recul qu’il possède par rapport à son art et aux artistes. Car des artistes, il en a rencontrés beaucoup. Bonnes ou moins bonnes rencontres, plaisirs partagés, amitiés naissantes ou durables, projets fous… beaucoup de respect mais aussi d’ironie sous la plume de Pierre Alechinsky pour parler de ses pairs, de l’époque trépidante de la réussite, de sa perception de l’œuvre et de la toile.

Un extrait:
"Je suis gaucher. Vous vous en fichez ? Vous avez tort. Il y a là-dessus de quoi penser des pages et des pages. Je n'ai pas dit écrire, ce n'est pas mon jour de clavier, j'ai plutôt une envie de dessiner. Je n'aime pas ma main droite, celle qui écrit, en vieille contrariée qu'elle est, à la plume et tant moins bien que toujours mal.
Je préfère "l'autre main", celle que les professeurs ont laissée intacte, qui de dextre à senestre dessine, peint et grave.
Des deux mains en même temps, je peux sans effort d'attention particulier faire diverger une phrase à partir d'un point central."

""L'autre main" celle que les professeurs ont laissée intacte"...

Je ne saurais trop recommander ce livre de Pierre Alechinsky à tous les gauchers contrariés. C'estsimple, pur, comme son trait. Merci, Sahktia, d'avoir choisi ce passage qui met l'accent sur la part intacte de nous-même, celle qui crée. Je ne sais pas s'il est permis ici de conseiller des lectures, mais j'ai lu et relu, il n'y a pas si longtemps, un ouvrage d'un chercheur en biologie consacré à la musique, avec un long passage sur les gauchers qui jouent du piano. Sur les arts graphiques, ou plastiques, en revanche, c'est bien le premier texte que je lis. Or Léonard de Vinci et Michel-Ange étaient gauchers contrariés...

Aurelia Labrunie - Paris - 59 ans - 28 mars 2006