Juan Rulfo écrit sur la vie des péones. Ces travailleurs agricoles, bien qu'instigateurs actifs de la révolution, restent souvent déçus par la répartition des terres soi-disant équitable. Il a suffi pour mettre le feu aux poudres, d'un gouailleur plus fort en gueule que les autres, pour entraîner la masse populaire dans un combat sanglant, meurtrier (un million de morts pour quinze millions d'habitants).
L'auteur se promène parmi ces gens, tel un journaliste photographiant ça et là des scènes de la vie courante, s'inspirant d'histoires rarement bucoliques, mais plutôt dramatiques.
En France nous avons les paysans des Causses du Larzac, en Argentine les gauchos de Patagonie, au Mexique les péones du Llano. Juan Rulfo visite ses habitants usés par la révolution. Meurtris dans leur chair, trop contents de posséder ou de louer le lopin de terre attribué par le gouvernement, ils baissent la tête et aménagent leur tranquillité en travaillant la terre aride, les cailloux brûlants, la parcelle ingrate. À travers ce recueil de nouvelles, l'auteur donne la parole aux gens simples, aux survivants résignés, teigneux avant d'être taiseux. Dans un environnement séchant, la désertification des campagnes accentue la froideur de ceux qui restent. Les valeurs essentielles des survivants, justice, vérité, équité, ne doivent pas être bafouées par un quelconque étranger sous peine de représailles immédiates, tragiques.
Il suffirait de commencer certaines nouvelles par « il était une fois » et Juan Rulfo à la manière d'un conteur construirait l'histoire pour transmettre de génération en génération la vie commune de ses péones devenant au fil du temps les héros de légendes immuables.
Bertrand-môgendre - ici et là - 69 ans - 14 avril 2008 |