La tragédie du président : Scènes de la vie politique (1986-2006)
de Franz-Olivier Giesbert

critiqué par Jlc, le 16 mars 2006
( - 81 ans)


La note:  étoiles
Une tragédie française
Généralement, un biographe mène son travail de recherche et d’investigation après avoir décidé d’écrire une biographie. Franz-Olivier Giesbert, (FOG), crée, lui, un nouveau genre : écrire l’histoire d’un homme à partir des notes accumulées depuis plus de vingt ans. Ce que les hommes politiques lui ont confié a été scrupuleusement consigné dans des cahiers à spirales et aujourd’hui il met en forme l’essentiel ( avec parfois aussi le détail piquant) sous forme de « Scènes de la vie politique. 1986-2006 », biographie en mouvement, celle de notre temps.

On peut lire ce livre de plusieurs façons : l’une politique, l’autre littéraire.

En bon journaliste, « historien de l’instant », FOG fait la relation événementielle de ces deux dernières décennies, avec ses drames, ses acteurs, ses comédies, ses grands moments (trop souvent grands parce que médiatiques !), ses petitesses, la vie quoi ! C’est le jugement immédiat sur les hommes qui ont fait ou n’ont pas osé faire l’histoire de ce pays. Lu ainsi, c’est intéressant, souvent anecdotique (comme l’histoire des canards de l’Elysée, sujet majeur de l’entretien de passation de pouvoir entre un vieux président qui s’en va et son successeur !), très bien documenté (encore que les Français ne travaillent pas 597 heures par an ni les Américains 872 mais bien 1597 et 1872 !) et permettant de mieux comprendre pourquoi la France en est là aujourd’hui. Un président que l’on croit de droite mais qui se sentirait plus social-démocrate ou, mieux encore, radical-socialiste, vivrait ainsi une contradiction, source de bien des malentendus et des difficultés que ce pays n’arrive pas à surmonter.

Mais Franz-Olivier Giesbert est de ces journalistes qui sont d’abord des écrivains. Et j’ai préféré une lecture plus littéraire, relation d’une sorte de polar politique et plus encore comédie humaine où l’essentiel est moins l’histoire que ceux qui croient la faire. Les portraits dessinés par l’auteur sont souvent cruels mais saisissants de « vérité ». Si Mitterrand, sur qui il a écrit une remarquable biographie, est toujours aussi fascinant pour Giesbert, les autres sont décrits d’une pointe sèche qui ne laisse rien dans l’ombre comme ces écorchés du corps humain qu’on étudiait autrefois en classe de « sciences naturelles ». Si ce n’est bien sûr que l’écorché est subjectif. Ainsi, et entre autres, Balladur, qualifié de « tâteminette » (je ne sais pas ce que ça veut dire, mais le terme est plaisant), « d’une vanité dont il ne cesse de repousser les bornes », Villepin « prince de la dissimulation, Mozart de la manipulation », deviennent, sous sa plume, des personnages de roman plus que de simples politiciens. C’est la description d’un monde coupé des réalités, obsédé par la communication, où l’essentiel est de conquérir le pouvoir, moins pour l’exercer que pour le conserver.

Dans ce décor, un homme domine la scène. FOG décrit, avec talent, un « archaïque et moderne[…[qui] incarne un curieux mélange d’égotisme, de lucidité et d’auto dénigrement », mâtiné de « perfectionnisme masochiste et d’anxiété vétilleuse ».
Le personnage est beaucoup plus complexe qu’il y paraît au premier abord. « Il ne s’ouvre, ni se donne ». Marqué par des drames personnels, comme la maladie d’une de ses filles, cet homme qui est une incarnation trop superficielle de la joie de vivre est moins heureux qu’il semble, à la fois compatissant et « tueur » en politique, ayant le goût des autres mais enfermé dans le bunker de l’Elysée, lucide sur lui même mais toujours débordant d’activités, peut-être par peur de se rencontrer. C’est au fond l’histoire d’un « homme qui ne s’aimait pas » pour reprendre le titre d’un excellent bouquin d’Eric Zémour, et que FOG sait rendre finalement attachant, qu’on l’aime ou pas. Quelle trace peut laisser dans l’histoire cet « artiste du faux-fuyant », « girouette qui se prenait pour le vent » et qui a trop pratiqué « le culte de l’opinion publique »,? Peut-être un ou deux discours, ceux qui ont su aller à l’encontre de la fameuse « pensée unique ». Pour le reste…

Certes ce n’est pas du La Bruyère ou du Saint Simon et je regrette que l’auteur, pourtant très bon écrivain, ait parfois relâché son style, comme s’il voulait utiliser lui aussi vocabulaire et syntaxe de son « héros ».

Ce livre est moins une biographique que le roman pathétique d’un homme qui n’a pas su être à la hauteur de son destin. Cet homme, qui aurait pu n’être qu’un personnage de roman, s’appelle Jacques Chirac et il est président de la République Française. Et c'est là où le politique et le littéraire se confondent.
Car ce livre est le récit d’une tragédie tant personnelle que celle d’un « cher et vieux pays,.. reclus d’épreuves », rongé par »le chômage, l’exclusion et l’illettrisme » où « le présent est du passé qui recommence ». Hélas!
Relecture 6 étoiles

En relisant ce livre, j'ai clairement l'impression que nous étions dans un autre monde. Chirac était une bête électorale, capable de mener d'invraisemblable campagnes. C'est devenu un Président passif, incapable de prendre une décision ou n'en prenant que sous l'influence de ses conseillers ; influence... car peut-on parler de conseils de ses conseillers quand on repense à la dissolution de 97, largement influée, pour ne pas dire imposée par M. de Villepin ! Nous étions au 20ème siècle. La politique française a bien changé !
Franz-Olivier Giesbert relate parfaitement cette période Chiraquienne.
J'ai eu grand plaisir à relire ce livre.
N'hésitez pas à en faire autant...
Seb

Sebseb - - 51 ans - 20 mai 2011


Un bilan ambigu 7 étoiles

Un règlement de compte ?

En lisant cet ouvrage paru en 2006, on se rappelle les articles parlant de la santé du président Jacques Chirac. Sans trop se gêner et manquant parfois de tact ou de respect, ceux-ci avaient l’habitude de mettre en question non seulement l’état de santé de ce dernier, mais également sa légitimité en faisant croire aux Français qu’ils étaient gouvernés par un malade mental. En gros, on avait droit à de véritables règlements de comptes tellement certains journalistes ont abusé de leur compassion dissimulée. On craint de tomber sur le même genre de littérature en regardant la couverture. Ce n’est pas le jeune loup des années 1970 qui se présente la cigarette à la main. L’éditeur avait préféré illustrer « la tragédie du président » avec une photo aux couleurs ternes montrant l’ancien président en vêtements grisâtres et sombres, plus en adéquation avec ses cheveux. Ces craintes se révéleront infondées à partir des premières pages qui font le portrait d’une bête politique active qui a la faim dévorante de Gargantua.

A-t-on le droit de savoir ?

Comme Franz-Olivier Giesbert annonce dans la préface, on ne se méfie jamais assez des journalistes. De par son ambiguïté, cet axiome pose problème. Il peut être compris comme une autocritique de l’auteur mettant mal à l’aise le lecteur qui a du mal à prendre position. Soit il y approuve au prix de sa crédibilité, soit il s’en distancie en sacrifiant sa morale. Et pourtant, l’existence de cette remarque dans la préface est bien justifiée vu le contenu qui suit dans les chapitres parlant de la vie privée de l’ancien président de la République. A-t-on le droit de s’intéresser aux revers de fortune et aux souffrances de toute une famille à partir du moment où l’un de ses membres accède à la plus haute sphère du pouvoir politique ? Sans doute, la question semble mal posée en vue de la présence à profusion des autobiographies de gens politiques. Dans la mesure où certains choix politiques sont inspirés par des expériences relevant de la vie privée, le citoyen a le droit de savoir. La quasi-biographie de Giesbert rappelle que l’accès pouvoir et donc au premier plan médiatique se fait au détriment de la vie privée, l’un étant parfois indissociable de l’autre.

Peut-on savoir ?

En perçant les mystères de la plus haute sphère politique, celle de l’Elysée, de Matignon, de Beauvau et de tous ces lieux politiques d’habitude fermés hermétiquement au public, une autre question se met en avant : peut-on savoir ? Le lecteur se perd dans les nombreuses intrigues politiques sans pouvoir se repérer pour vérifier ce qu’il lit. Abandonné à la seule source d’information disponible, on est renvoyé à l’essence de toute information : sa précarité.

Les aléas de la politique

Au fil de la lecture des différents chapitres constituant « la tragédie du président », on se rend compte de l’arbitraire de la vie politique. Il est question d’un bon nombre de carrières politiques gâtées, de tant de « gâchis politique » pour reprendre les mots de l’auteur.
A force de s’intéresser aux personnages arrivés au sommet de l’État, on est amené à croire à la prédestination des femmes et hommes politiques, à l’instar de la montée politique de Nicolas Sarkozy. L’évidence que ce dernier a choisi de devenir président en poursuivant son objectif avec cohérence et sans plus de difficulté que François Mitterand et Jacques Chirac, est susceptible de cacher que tant d’autres n’avaient pas réussi alors qu’ils avaient également les qualités de femme ou d’homme d’État. Dans ce contexte, Franz-Olivier Giesbert cite souvent Raymond Barre ou encore Alain Juppé dont il dit que, à l’opposé du premier, il aurait devant lui une carrière prometteuse : « Contrairement à ce qu’espérait Villepin, on n’a en tout cas pas fini d’entendre parler de Juppé. Il sera au moins, à droite, l’un des hommes clés de l’après-Chirac. Le Commandeur ou plus encore… »[1] Nous savons aujourd’hui qu’Alain Juppé a dû prendre un sérieux coup de revers lors des élections législatives ce qui l’a obligé de quitter le gouvernement en juin 2007.

Un rappel terrifiant

L’ouvrage de Giesbert se lit également comme un témoignage anthropologique ou psychologique tant il traite des intrigues et des trahisons propres au monde politique. Les illustrations de la capacité de Jacques Chirac à mentir à son interlocuteur en regardant dans ses yeux sont frappantes. Ces passages aident à mieux comprendre un milieu où, comme dans tant d’autres, les mécanismes relationnels et les individus y participant ne privilégient pas la franchise et la fidélité. Sans vouloir diaboliser un monde mal connu par sa distance, il nous est présenté un environnement parfois très violent et, à maints égards, hostile à la bonté naïve de l’homme. Affreuse révélation que de se rappeler que notre propre environnement est peuplé de la même espèce.

Que cela en finisse

Il est difficile de savoir si Franz-Olivier Giesbert a préféré sortir son livre avant les élections présidentielles afin de les influencer ou s’il a voulu simplement devancer les autres auteurs. Peu importe, ses propos laissent deviner sa prise de position politique. Fustigeant le « ninisme » de Jacques Chirac et de François Mitterand, il se garde cependant de faire campagne ouverte pour les successeurs au centre et à droite, à savoir François Bayrou et Nicolas Sarkozy. De ces deux bêtes politiques difficiles à abattre, il dessine néanmoins un portrait plutôt favorable. Quant à la gauche, Giesbert se moque de l’ambiguïté et de l’incohérence des femmes et hommes politiques par rapport à leur programme commun. Selon lui, Dominique Strauss-Kahn aurait été, malgré lui, à l’origine des 35 heures qu’il avait réintroduit dans le programme du PS sans beaucoup se soucier des conséquences : il croyait les élections perdues pour les socialistes. Quoi qu’il en soit, au bout des 400 pages, on n’a envie qu’une seule envie : c’est que cela en finisse avec le ninisme Mitterando-Chiraquien.

Lucien De Brot

Ldebrot - - 38 ans - 25 juin 2007


vive Chirac 8 étoiles

Vous parlez du coup de poignard de l'auteur. Oui, nous découvrons tout au long du livre des coups de poignards de la part de tous, on comprend mieux la politique à sa lecture.

Cependant, peut-être à l'inverse que ce que veut nous faire penser l'auteur, ce livre m'a permis d'avoir un nouveau regard sur Chirac, regard plutôt admiratif. Cette homme, ce politicien à la différence de beaucoup a une soif de pouvoir constante. Il a appris la politique à ses dépends en face de Mitterrand. Il se bat pour arriver à ses fins, tombe parfois, se relève tout le temps. Au point de vue purement politique, il est très fort, c'est peut-être aussi cela le problème. Il veut se faire élire mais une fois élu, la magie s'estompe. Tant pis l'homme est toujours le même, expert en diplomatie, c'est un français du terroir, même s'il a su profiter des sous publics pour augmenter son patrimoine en région.
L'homme n'est pas une machine, on perçoit le côté humain, là où certains s’évertuent (en pleine campagne présidentielle) à détruire les adversaires plutôt que de s'autopropulser sur un piédestal.

Enfin, nous percevons bien une plume sarkozyste à l'oeuvre. Bernard2 affirme que tout le monde est atteint.Ou sont les attaques contre Sarkozy à part d'affirmer et de réaffirmer qu'il ne doit rien à personne??

Ce livre nous décrit la face cachée du pouvoir dont le grand public n'a parfois aucune idée. Le mot politique est employé à bon escient, tragédie un peu moins.

Gabbs92 - - 37 ans - 27 février 2007


Pauvre de lui 4 étoiles

Je ne suis pas fan de ce genre de livre mais je me suis dit qu'avant les élections, il fallait quand même que je lise celui-ci.
Et je l'ai lu. Voilà. Basta.
On y apprend juste que la France est dirigée par de gros filous. Est-ce vraiment une surprise ?
Avouez qu'on s'en doutait un peu, non ?

Muchado - Paris - 43 ans - 6 septembre 2006


Une petite trahison de plus dans une histoire cyclique 9 étoiles

On a beaucoup glosé sur le coup d'épée dans le dos que Franz-Olivier Giesbert faisait à Chirac. Ce n'est avant tout qu'une petite trahison de plus, dans une histoire cyclique, qui ne s'avère composée que de cela. Et celle-ci s'avère assez vénielle, puisqu'elle ne fait que servir la profession de l'auteur, et l'histoire : ce livre s'avèrera fort utile dans quelques années, pour tous ceux qui voudront découvrir le contexte d'une époque envers les contemporains que nous sommes manquons probablement un peu de recul.

Finalement, on apprend assez peu de choses. Beaucoup d'anecdotes sont déjà connues et la primeur qu'offre l'ouvrage tient aux phrases dites oralement à l'auteur, et datées. La méthode n'est pas si amorale : Chirac n'est pas le seul visé par le procédé. Et si l'actuel Président est la cible principale du livre, vu qu'il en est l'objet central, tout le monde s'en prend pour son grade, comme Balladur - au portrait fort durement brossé - , Sarkozy, Villepin, et même Bayrou, et y compris Mitterrand et Jospin.

Evidemment, chacun d'entre nous sera frappé par des choses différentes dans ce livre et en retirera principalement des aspects divers.
Pour ma part, deux choses m'ont marqué : la relation ami-ennemi de Chirac avec Mitterrand, et son sentiment dépressif de déroute après la présidentielle de 1988.
J'avais bien perçu la tactique de Chirac en 1981 pour favoriser Mitterrand pour faire battre Giscard d'Estaing, en vue de prendre l'ascendant à droite. Je me souviens bien que Mitterrand avait joué les Tout-sauf-Balladur en 1995. Mais cette sorte de connivence presque complice est étonnante, surtout quand on rentre à ce point dans les détails des conversations. Leur prescription, me semble-t-il, mérite bien, qu'on les révèle, au regard de l'histoire.
Sa quasi-dépression après la présidentielle de 1988 est également assez impressionnante. J'ai été surpris qu'il ne passât pas la main, pour placer un de ses proches à la tête du RPR et essayer, par la suite, s'il le désirait, revenir, en déplaçant l'homme-lige. Il a bien pensé à passer la main, mais c'est suite à des conversations avec ses proches et une comparaison qu'il finit par être convaincu de rester, et c'est à dessein qu'est employée ici la voie passive. Il était abattu et avait l'impression d'avoir raté sa vie, professionnelle, politique, et personnelle, vu qu'il l'avait sacrifiée pour la première.
La rencontre en 1988 avec Jean-Marie Le Pen, avant le premier tour est assez truculente : je l'ai appréciée.

Toute polémique mise de côté, cela me semble être un bon livre.

Veneziano - Paris - 46 ans - 5 juin 2006


le crépuscule des illusions 7 étoiles

F O Giesbert avait déjà écrit dans les années 90 un ouvrage sur Jacques Chirac.
Comme il est dur de vieillir, d'être un homme en fin de carrière. Si la première biographie était particulièrement élogieuse la dernière frôle le pathétique.
Comment peut on changer autant d'avis sur un homme que l'on côtoyer de si près ?
Les avis négatifs ou positifs selon tel homme politique en vue peuvent laisser l'impression qu'il ne s'agit pas réellement d'un simple récit de journaliste, qu'il y a une volonté probable de démolition ou de mise en valeur (selon le personnage concerné).
Néanmoins reconnaissons à l'auteur une habileté, un style, une érudition que l'on trouve rarement dans les livres politiques.

Richard - - 78 ans - 16 mai 2006


L'Etat, c'est moi 8 étoiles

Vingt années de politique, de trahison, de manipulation et d’immobilisme. Le constat est pathétique et, à défaut de dégoûter de la politique, donnerait presque envie de s’y impliquer pour mettre en œuvre les théories de management par la rupture…

Cet ouvrage est écrit avec une plume très acide et finalement assez drôle dans un style avenant mais assez cru; il est structuré en chapitres très courts qui se dévorent. S’il semble centré sur le président, tout le monde en prend pour son grade, de droite comme de gauche ; malgré tout, on sent, comme précisé dans les critiques précédentes, que l’auteur est quelque peu partial, mais compte tenu du ton de l’ouvrage, cela n’est pas surprenant.

Pourquoi lire ce livre ? Il se focalise sur ces hommes qui nous gouvernent et nous les révèle a priori dans leur totalité (à travers le prisme de l’auteur, forcément déformant par ses commentaires et ses choix dans les propos des intervenants) ; l’ouvrage ne véhicule pas ou peu de théorie sur les principes ou les mécanismes mis en œuvre (à part les déficits publics). On ne s’intéresse qu’aux hommes et à leurs « relations » tous micros débranchés ; c’est le complément nécessaire à l’image forgée par les experts en communication, ils en deviennent plus humains, plus perfectibles.

On passe donc un très bon moment à la lecture ce cet ouvrage, son seul défaut est de ne pas inciter à aller voter ; sa qualité première est de faire réfléchir le lecteur sur la rupture nécessaire dont l’Etat a besoin (c’est bien sur là où l’auteur devient partial dans son choix des candidats potentiels pour l’incarner…)

Manu_C - - 55 ans - 10 mai 2006


Mal aimé, je suis le mal aimé ! 8 étoiles

Jacques CHIRAC, maître es trahison, trahi à son tour...
Dans ce milieu où les pseudo-amitiés ne sont que des liaisons d'intérêt, les attaques sont inévitables. Dès qu'une personne gêne ou ne sert plus, on "l'exécute".
GIESBERT exécute ici sans retenue, usant peut-être trop de phrases assassines, juste là pour faire un effet de style (ex : Ses traits défaits, ses muscles relâchés, la tristesse de ses yeux. On dirait un décapité qui, après son exécution, aurait remis sa tête sur son cou pour faire croire qu'il est vivant).
Tout le monde y passe, BALLADUR, FABIUS, GISCARD, JOSPIN, JUPPE, MITTERRAND, SARKOZY, VILLEPIN (ordre alphabétique, pas d'impair !), et bien d'autres. CHIRAC nous est présenté comme un être fourbe, vulgaire, bâfreur, soiffard, volage... bref aux maigres qualités étouffées par d'énormes et multiples défauts. Un être méprisable, qui a tout raté, sa vie familiale comme sa vie publique.
Portrait peu reluisant. Exact ? En partie peut-être, mais le livre semble vouloir en faire trop.
Ce déballage peut faire sourire ou inspirer la pitié. Mais le lecteur n'est pas spectateur d'un combat de boxe. En tant que citoyen il est sur le ring et prend les coups. Et c'est là où le livre est inquiétant, car nous sommes les victimes directes de cette mafia qui égoïstement, elle, sait s'en sortir. Quand il faut réformer ou faire des efforts, ces éléphants de la politique parlent des autres...
De tristes sires (mot approprié). Si une réforme s'impose, c'est celle de l'ENA, manifestement incapable de nous fournir les responsables dont le pays aurait besoin.
Deux extraits, représentatifs du livre :
- "Jacques CHIRAC peut rester prostré des heures dans son bureau. Le reste du temps, l'habitude aidant, il continue de prodiguer, avec le même sourire commercial, les promesses, les poignées de main ou les baisers aux enfants. Mais il n'y croit plus........ Les Français.... ne me trouvent pas suffisamment humain. Je ne vois pas pourquoi je devrais continuer à m'accrocher comme ça. Quand je pense à toutes ces heures perdues à courir partout en rabâchant les mêmes choses...... ".
- " BALLADUR aime les blagues et le bon vin, mais ce sont là sans doute ses seuls points communs avec CHIRAC. Ils déjeunent ou dînent souvent ensemble, en couple, bien que leurs femmes ne s'entendent pas, dans une ambiance guindée, au milieu des anges qui passent. On se demande ce qui peut bien les porter l'un vers l'autre. L'intérêt sans doute. Leur amitié est utilitariste, comme la plupart des amitiés politiques où l'on jette le vieux compère au rebut après qu'il a bien servi, quand il ne lui reste plus de jus. CHIRAC en sait quelque chose, qui a déjà expédié tant des siens dans les poubelles de l'Histoire. Les deux hommes vivent dans un univers où les individus sont des marchepieds grâce auxquels on finit par accéder, un jour, aux sommets. Ils sont l'instrument l'un de l'autre. Le levier, l'escabeau ".
Au-delà des ses excès, le livre est excellent et instructif. A lire avant de prendre un bulletin de vote...

Bernard2 - DAX - 75 ans - 21 mars 2006