Martin Scorsese : Biographie, filmographie illustrée, analyse critique
de Patrick Brion

critiqué par Jlc, le 19 février 2006
( - 81 ans)


La note:  étoiles
Un maître
Patrick Brion, ce bienfaiteur des cinéphiles qui, depuis trente ans nous a fait découvrir tant de chefs d’œuvre oubliés ou négligés, a écrit une quinzaine d’ouvrages, tous consacrés bien sûr à sa passion. Et il fallait de la passion, mais aussi de la distance, pour écrire sur ce maître du cinéma actuel, Martin Scorsese.

Scorsese est, si vous me permettez l’expression, un « bon client » pour qui veut écrire sur lui. Il a fait de nombreux films, a beaucoup parlé et écrit sur le cinéma, celui qui l’a formé comme celui qu’il fait, qui a thésaurisé avec ce pragmatisme typiquement américain. « Je n’ai jamais voulu faire de films de type classique. Mes films ne vont pas de A à B puis à C. » D’où l’attrait de ce livre qui nous initie à un parcours moins linéaire.

C' est passionnant. Outre la richesse iconographique sur son cinéma, celui qu’il fait et celui qu’il aime (essentiellement américain ou italien), Brion met en perspective ce metteur en scène majeur. La partie biographique est centrée sur l’essentiel, les films, et non pas, comme dans beaucoup de biographies faites par des Américains, sur des détails superflus censés montrer qu’on a fait une étude sérieuse et exhaustive du sujet : savoir si Martin mange au non des corn flakes au petit déjeuner n’a aucun intérêt sauf si cela expliquait tel ou tel plan de tel ou tel film. En revanche son court passage au séminaire sera déterminant par la suite, si on pense à « Boxcar » ou « La dernière tentation du Christ ». Brion a préféré le séminaire au corn flakes et il a eu évidemment raison.

La filmographie détaille tous les films et se termine, en 2003, sur le projet Aviator. Le choix des photos est tout à fait remarquable et qui a vu et aimé ses films retrouve les moments forts de chacun ou un détail qui avait échappé et auquel Patrick Brion rend toute sa valeur. Ainsi du regard inquiet de Robert de Niro, de sa main quand il étreint Ray Liotta dans « Les affranchis ».

L’analyse critique, enfin, reprend film par film le travail de Scorsese. On y trouve ou apprend ce qu’il a voulu faire. Ainsi, « Les affranchis » est pour lui une sorte de documentaire sur la vie quotidienne des gangsters « et il faut être italo-américain pour comprendre ça. » C’est très riche d’informations, petites ou grandes, thèmes structurants d’une œuvre (la famille par exemple) ou curiosités. Ainsi, juste pour la curiosité, savez-vous combien de fois le mot « fuck » est prononcé dans « Les affranchis » ? 240. Quand je vous dis que ce film est un documentaire sur la vie des gangsters !!

Ce livre vous invite donc à revoir ses films avec peut-être une approche différente même si votre vision personnelle reste la même.

Je ferai toutefois un (petit) reproche à Patrick Brion. Il s’est, bien modestement, totalement effacé derrière Martin Scorsese et ne donne jamais son avis personnel sur les films. Sans être hagiographe, il est resté trop historien. C’est dommage car je suis sûr qu' un éclairage plus personnel nous aurait révélé bien d’autres facettes de ce maître du cinéma actuel. Sa préface est remarquable mais j’aurais souhaité qu’il aille plus loin. Peut-être lira-t-il un jour ces quelques lignes et en tiendra-t-il compte pour une édition actualisée et augmentée.

Mais il n’est pas nécessaire d’attendre celà pour vous plonger dans l’univers fascinant de Scorsese, superbement mis en scène par Patrick Brion.