Un dimanche à la piscine à Kigali
de Gil Courtemanche

critiqué par Vigno, le 16 juin 2001
( - - ans)


La note:  étoiles
Prix des Libraires du Québec 2001: voyage au bout de l'horreur
Journaliste québécois chevronné, Gil Courtemanche s'est surtout intéressé à la politique internationale.
Il a obtenu en 1998 le prestigieux National Magazine Golden Award for Political Reporting. Il a parcouru et « couvert » tous les grands drames de cette fin de siècle : Ethiopie, Liban, Algérie. Il séjourne à plusieurs reprises au Rwanda, avant et après le génocide. Il réalise un documentaire en 1993 : « l’église du sida » qui lui vaut le prix du meilleur documentaire du Festival Vues d'Afrique 1993.
Sous l’oeil des choucas, des corbeaux et des buses, la piscine de l’Hôtel des Mille Collines, au centre de Kigali, est le lieu de rencontre de tous les coopérants et diplomates en poste au Rwanda. Bien entendu, les prostituées et les petits potentats du Rwanda s’agglutinent à cette faune. Autour de l'hôtel, la mort rôde. Le sida fait partie de la vie quotidienne des Rwandais. De plus, une vaste campagne d'incitation au génocide est propagée par les médias. Au début des années 1990, Bernard Valcourt, journaliste québécois désoeuvré et désabusé, accepte de mettre sur pied un service de télévision au Rwanda. Lui aussi fréquente la piscine de Kigali, mais avec un regard distancié. Il s’éprend d'une Hutue au corps de Tutsie. Impuissant, il assistera à la folie meurtrière qui s’empare des Hutus, au nettoyage ethnique qui n’épargne personne.

Un dimanche à la piscine à Kigali est d’abord un témoignage où le journaliste engagé qu’est Gil Courtemanche nous permet de comprendre ce qui s’est passé au Rwanda. « Il montre à l'œuvre la force de la haine raciale, la pusillanimité des médias internationaux, l'hypocrisie des services diplomatiques. Il montre comment l’ignorance et la pauvreté contribuent à la diffusion d’une épidémie mortelle, mais aussi que la folie meurtrière des hommes est plus redoutable que n'importe quel virus. » Mais Gil Courtemanche, le romancier, a réussi à dépasser le reportage. Son roman donne un visage humain aux bourreaux et aux victimes. Ce sont des personnages qu'on a appris à aimer qui sont charcutés à coups de machettes.
« Valcourt monta avec Victor, qui d'une main tenait le volant et de l'autre égrenait un chapelet. La présence du Blanc et ses papiers du ministère de l'Information ne pouvaient que lui faciliter la tâche. Dès la première barrière, Valcourt blêmit et pensa s'évanouir. Un long serpent de corps longeait l'avenue de la Justice. Devant eux, des miliciens et des gendarmes ordonnaient à des passagers de sortir de leur véhicule. Souvent, un seul coup de machette suffisait, et des adolescents traînaient le corps encore frémissant vers le côté de la chaussée. Les cadavres des hommes faisaient des taches noires et blanches, ceux des femmes s'étalaient, les jambes ouvertes, les seins dénudés, la culotte rose ou rouge encerclant les genoux. Plusieurs d'entre elles vivaient encore. Valcourt les voyait trembler, les entendait râler et gémir. On tuait les hommes, d'un coup de feu ou d'un coup de machette, savant et précis. Mais les femmes n'avaient pas droit à une mort claire et nette. On les mutilait, on les torturait, on les violait, mais on ne les achevait pas, comme on l'aurait fait avec des animaux blessés. On les laissait aller au bout de leur sang, sentir venir la mort, râle par râle, crachat par crachat, pour les punir d'avoir mis au monde tant de Tutsis, mais aussi pour les punir de leur arrogance car, à tous ces jeunes qui tuaient, on avait raconté que la femme tutsie se croyait trop belle pour eux. »
Courtemanche dénonce sans ménagement l'insouciance sinon la bêtise révoltante de certains membres des corps diplomatiques, de certains coopérants, des congrégations religieuses, tous privilégiés du système. « Ce n’est pas la mort qui est horrible, mais la dissimulation que l’on construit autour d’elle, une manière de nier officiellement [.] » On comprend enfin comment un tel drame a pu naître, être mis en place, se développer jusqu’à l’horreur.
Un roman nécessaire. Un roman dont on ne sort pas indemne.
Un dimanche à la piscine de Kigali 8 étoiles

J'ai trouvé ce roman vraiment troublant. Je me suis aussi rendu compte à quel point je ne connaissais vraiment rien de cet horrible carnage. Je me demande vraiment comment on peut encore en venir là après avoir vu l'horreur de l'Holocauste. Ce qui est aussi troublant c'est de voir l'inaction et même l'indifférence des pays occidentaux face à ce génocide.

C'est un livre vraiment dur à lire, surtout pour la seconde partie. En même temps, c'est important de ne pas laisser à l'oubli un événement aussi horrible.

Exarkun1979 - Montréal - 44 ans - 21 septembre 2012


l'amour pour avaler la pilule 9 étoiles

Tout est dit sur le livre, l'histoire du génocide. L'histoire d'"amour" n'est que secondaire, en tout cas pour moi, il aide peut-être à avaler la pilule très amère de la vraie histoire, celle de Rwanda.

Joanna80 - Amiens - 67 ans - 15 août 2012


Récit dur et crûment raconté 8 étoiles

La mort de l’auteur, Gil Courtemanche, survenue le mois passé m’a fait réaliser que je n’avais rien lu de lui. Je crois être tombée sur le plus dur de ses écrits, à un point tel que j’ai failli fermer le livre sans le terminer. Mais j’ai continué pour les deux points de vue de l’auteur : la haine et le sida. Ce roman, raconte les pires événements historiques, politiques et culturels du Rwanda entrecoupés d’une histoire d’amour entre un Québécois Bernard Valcourt, le personnage principal, et Gentille qui est Hutue quoique les gens croient qu’elle est Tutsie, pour sa beauté et son allure. Ils se marieront au bord de la piscine, un dimanche à Kigali, d'où le titre.

Le Rwanda est divisé entre les Hutus et les Tutsis considérés un peuple pauvre. En ce jour d’avril 1994 commence cette guerre qui durera 2 mois et fera 800 mille morts. On ne peut s’empêcher de penser à l’holocauste par les nazis. Ce roman choque par la violence barbare, la description des tortures et de la corruption. La cruauté de ces gestes inhumains nous révolte. Qui sont les responsables de ce génocide? Le narrateur dénonce: «la France, le Canada les Nations unies qui ont laissé sans dire un mot des nègres tuer d’autres nègres. Ce sont eux les véritables assassins, mais ils ne sont pas à ma portée ». Toujours selon Valcourt, des experts du FMI sont aussi cause de ces horreurs. Ils ont réussi à assainir les finances publiques de ce pays, laissant les gens dans une grande pauvreté. Les décès de tous ces gens, qui meurent du sida ou de la malaria, faute de médicaments, nous touchent.

L’histoire d’amour, si prenante, m’a laissée perplexe. Valcourt est-il vraiment amoureux? Il part seul, alors que Gentille désirait l’accompagner. Dans le cas contraire, le destin de Gentille aurait-il été autrement? Qui a lu le livre, comprendra. De tels sujets sombres en font une lecture difficile, pourtant on ne peut quitter avant la fin. Il est évident, que l’auteur veut transmettre un message humaniste, pour que tous gardent en mémoire jusqu’où la haine peut mener et qu’une telle horreur ne se reproduise plus. C’est ce premier roman qui a propulsé la carrière de l’écrivain Courtemanche, et bonne lecture.

Saumar - Montréal - 90 ans - 31 août 2011


On peut aimer les nègres mais pas au point de les sauver 7 étoiles

Un dimanche à la piscine à Kigali. Qu'en dire qui n'ait été dit. Certains se sont émus de la belle histoire d'amour entre Valcourt, le journaliste canadien, le Blanc, et Gentille, douce et jolie Tutsie, la Noire. Mais de quelle histoire d'amour parlez-vous donc? Je n'y ai vu qu'une histoire de cul entre un Blanc colonisateur et une Noire désireuse de sortir de sa condition. Où est-elle donc cette histoire d'amour. Valcourt a vu l'horreur se dessiner, il a vu la tragédie vers laquelle on se dirigeait. Jamais il n'est intervenu. Il a continué son petit travail misérable sans joindre sa voix à ceux qui tentaient de dénoncer. Pourtant, il était journaliste. A-t-il tout fait pour sauver celle qu'il prétendait aimer? Même pas. Il lui refuse même l'accès à son pays (sans toutefois se priver de ses fesses) qui l'aurait mis à l'abri. "Non, non, ma chérie, vivre au Canada te changerait trop" dit-il. Toute une histoire d'amour. J'aime mieux que tu crèves ici. En d'autres mots, on peut aimer les Nègres, mais il y A toujours bien une limite à aimer une Noire. Il ne l'a pas mis à l'abri alors qu'il savait que c'était justement les femmes Tutsies qui étaient visées par les meurtriers. Il est retourné à Kigali en sachant que la tempête était déjà commencée. Il la leur a livrée. Qu'auriez-vous fait si la femme de votre vie avait été retenue prisonnière et qu'on vous aurait assommé pour vous sortir du pays? J'y serais retourné immédiatement par n'importe quel moyen (à pied, en char ou en ski doo, comme dirait Plume Latraverse). Pas trois ou quatre mois après une fois que tout est fini. Et auriez-vous laissé votre amour mourir seule comme le fait Valcourt? Moi non. Même avec le SIDA, même avec les seins tranchés, je l'aurais accompagnée jusqu'au bout. Pas vous? Même le mariage n'en était pas un puisqu'il savait que le mariage religieux n'était qu'une mascarade puisqu'il avait déjà été marié au Canada. Je n'ai pas été touché par cette histoire d'amour parce qu'il n'y en avait pas.
Courtemanche nous a cependant fait découvrir l'horreur de ce génocide et il nous a fait voir, même dans son héros, comment nous, les Blancs, avons volontairement laissé faire. Il nous trace aussi un portrait des HutuS et des Tutsis pas très reluisant. À le lire, on a l'impression qu'ils ne pensent qu'à une chose: baiser partout et avec n'importe qui.

Fable - - 66 ans - 16 mars 2006


UN LIVRE ÉMOUVANT 10 étoiles

Un dimanche à la piscine de Kigali est avant tout un livre émouvant, qui décrit le génocide Rwandais de 1994, vu par les yeux d'un journaliste canadien, qui se trouve sur place à ce moment là.

Ce livre est avant tout une chronique des jours qui passent, et où l'on voit le malheur se rapprocher de plus en plus et s'abattre tour à tour sur tous les amis du personnage principal, jusqu'à frapper sa propre femme...

S'il est vrai que les scènes de sexe sont parfois un peu crues, l'histoire d'amour entre Valcourt et Gentille est elle vraiment très belle, et pas du tout "fleur bleue".

De plus, l'auteur bien que nous faisant vivre une histoire d'amour avant tout, nous décrit par le menu détail, les tenants et les aboutissant de ce massacre, et on ressort de ce livre avec une vue plus que globale de l'enchainement des évènements de l'époque.

Notamment comment le fait que l'ancien colonisateur A privilégié une ethnie par rapport à l'autre, se retrouve avoir des répercussions des années plus tard, mais aussi comment le fanatisme de quelques6uns se propage (notamment à travers la radio) pour envahir et remplir tout un peuple de haine...
Haine qui fera se massacrer des voisins, des familles, des villages, des villes entre eux... et plus d'un million de victimes!

Le plus intéressant dans le livre étant la description des moeurs des gens qui fréquentent la fameuse piscine...
Le silence apathique des médias présents, qui ne dénoncent rien, ne parlent de rien, la non intervention des troupes de l'ONU qui ne font rien pour prévenir oU arrêter les massacres, les diplomates étrangers, plus préoccupés par leur carrière et à boire de la bière qu'à aider la population, les coopérants, qui font ce qu'il peuvent avec très peu de moyens, la population locale qui se meurt à grande vitesse du SIDA et qui n'a pas les moyens de s'acheter des médicaments hors de prix...

Toute une série de petits "riens" qui entrainera un des plus grands génocides de tous les temps (à mettre d'ailleurs en parallèle avec la situation actuelle en Irak).

On peut tout reprocher au livre de M. COURTEMANCHE, reste qu'on se laisse rapidement prendre dans l'histoire et que l'on ne s'en sort pas indemne... et qu'il s'agit là d'un grand, très grand livre!

Septularisen - Luxembourg - 56 ans - 9 mars 2006


L'amour au temps du génocide 4 étoiles

Courtemanche est avant tout un journaliste et on s’en rend compte dès la première page. Toutes les phrases sont longues. Les dialogues sont pratiquement absents. Pourtant, avec un sujet comme le génocide rwandais, il aurait été souhaitable d’avoir un texte qui respire.

Ceci étant dit, il réussit à nous transporter au cœur du Rwanda et nous faire vivre la période. Mais moi qui voulait en apprendre sur le sujet, j’ai été rapidement déçu. Car en fait, la majorité du roman est consacrée à l’histoire d’amour niaise entre un journaliste blanc et une ingénue noire qui travaille à l’hôtel. De plus, l’auteur se préoccupe de nous parler constamment des mœurs sexuelles du pays et nous faire la morale au lieu d’explorer les causes du conflit.

Les noms des dirigeants sont mentionnés. Il y’a quelques tentatives d’explications, mais de nombreux éléments importants ne sont pas abordés comme les enjeux politiques, la formation des milices et l’histoire de la région. Vraiment dommage.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 54 ans - 4 décembre 2004


Dur mais nécessaire 8 étoiles

Courtemanche a choisit le roman pour témoigner de l'horreur et des mécanismes du génocide rwandais des années 1990. En décidant de raconter la vie de personnages plus ou moins fictifs plutôt que d'écrire un essai ou un reportage, son but avoué était de toucher le lectorat le plus large possible.

Effectivement, ce roman est plus facile à lire que ne le serait un essai. Cependant, certains éléments affaiblissent un peu la force du discours de l'auteur. Je suis complétement d'accord avec Saule en ce qui concerne l'histoire d'amour entre Valcourt et Gentille qui sombre parfois dans la caricature et éloigne le lecteur du réel sujet du livre: comment et pourquoi !

Malgré cela, ce livre atteint son but et constitue un éclairage nécessaire sur cette tragédie.

Tophiv - Reignier (Fr) - 48 ans - 12 février 2004


La colonisation qui a divisé les Rwandais 9 étoiles

C'est un roman merveilleux, plus intéressant que ceux que j'ai lus sur le même thème. C'est moins froid que Michaël K, sa vie, son temps de J, M. Coetzie; c'est moins décousu et mieux écrit qu' Allah n'est pas obligé et Monnè, outrages et défis d'Ahmadou Kourouma; c'est plus percutant que Les Causes perdues de Jean-Christophe Rufin. Je classe ces oeuvres que j'ai appréciées un cran sous celle de Gil Courtemanche. L'auteur québécois couvre plus de terrain. Ce reportage est intégré au romanesque avec brio. Plusieurs dénoncent la faiblesse de l'élément amoureux du roman. Mais je le reconnais, mais il est normal qu'il soit peu exploité du fait qu'il s'agisse d'une fiction politique. Il faut connaître les mésaventures des Québécoises qui ont tenté, par internet, de trouver l'âme soeur dans les pays exotiques. Les amours les plus improbables ont vu le jour ainsi, et l'auteur a connu sinon l'amour du moins l'amitié pour cette Rwandaise aucunement fictive.

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 27 décembre 2003


Un des aspects 8 étoiles

Selon Fralon, dans son livre sur Baudouin, il semblerait que les missionnaires se soient d'abord appuyés sur les Tutsis qui étaient "plus évolués et plus capables" pour administrer. Ils ont donc fait de cette minorité la partie dirigeante de l'administration locale. Par la suite, ils les ont trouvés peu réceptifs à la religion catholique, alors que les Huttus l'étaient bien davantage. Aussi quand le général Huttus s'empara du pouvoir, ils eurent tendance à laisser faire. Il faisait partie du mouvement "charismatique" fort en vogue et donc certains étaient peu enclins à le suspecter... Faire se déchaîner les Huttus majoritaires contre les Tutsis, minoritaires, mais qui les avaient dominés n'était pas fort difficile. Je pense que ceci n'est certainement pas la seule explication, mais qu'elle peut en être une. Elle peut aussi expliquer de des religieuses se soient retrouvées sur le banc des accusés.

Jules - Bruxelles - 79 ans - 10 juillet 2001


Chronique d'un génocide annoncé 7 étoiles

En avril 1994, est organisé au Rwanda le plus grand génocide depuis l'holocauste; 1 million de Tutsis (la minorité ethnique) ainsi que des hutus modérés et des opposants au régime sont massacrés.
L'intérêt principal du livre de Gil Courtemanche est de nous expliquer comment cela a été possible; établissement de listes de personnes à tuer, indifférence de la communauté internationale (suite au massacre des dix casques bleus belges, la Belgique retire l'ensemble de ses troupes du pays), le rôle de la radio mille-collines qui exhorte la population au massacre... du livre il ressort que le drame était largement prévisible et donc évitable.
Le livre est un mélange de reportage et de roman; les faits sont réels, les personnages cités sont authentiques mais l'auteur entoure le tout d'une histoire d'amour entre un journaliste désabusé (lui-même ?) et une jeune Rwandaise très belle. L'avantage est que c'est plus facile à lire qu'un vrai reportage mais en même temps cette histoire d'amour improbable déforce un peu le livre à cause de son aspect par trop invraisemblable, l'auteur ayant tendance a forcer le trait (le journaliste cynique qui lit des poèmes d'Eluard à sa jeune amoureuse en extase).
Devant tant d'horreur on serait tenté de qualifier ces gens de sauvages et d'expliquer le drame par leur instinct tribal, comme le fait un personnage du livre. Il semble cependant que le drame a été organisé par un petit groupe de gens désireux de conserver leur privilèges et qui ont su jouer sur la peur et sur l'instinct de tuer qui sommeille en chaque être humain pour aboutir à l'extermination presque complète d'un peuple. C'est effrayant. Sur le même sujet je conseille vivement le livre 'Allah n'est pas obligé' que j'ai trouvé quand même un cran au-dessus.

Saule - Bruxelles - 58 ans - 10 juillet 2001