L'indien de la Tour Eiffel
de Frédéric Bernard (Scénario), François Roca (Dessin)

critiqué par Laudine, le 30 janvier 2006
( - 45 ans)


La note:  étoiles
l'amour est plus fort que tout
Paris, fin du 19ème siècle. Billy Powona, un indien venu travailler pour la construction de la Tour Eiffel et La Garenne, chanteuse au cabaret de Montmartre sont amoureux. Ils espèrent bientôt fuir Paris pour bâtir leur vie ailleurs. Seulement voilà, Billy est accusé d'un double meurtre...
Superbe album qui traite des sujets les plus graves : le racisme, l'injustice, la cruauté, la différence. Ces thèmes sont renforcés par des peintures en clair-obscur qui accentuent le côté mystérieux du Paris du 19ème siècle, et par des couleurs chaudes qui intensifient la passion qui lie les deux personnages principaux.
Magnifique !!! Réellement extraordinaire !!! 10 étoiles

Tout d’abord, il s’agit bien d’un album illustré. Oui, mais ce n’est pas pour autant un livre pour enfant. Illustré ne signifie pas non plus un ouvrage pour ceux qui ne savent pas lire ! C’est une histoire, tragique, sanglante et désolante, qu’un artiste a enrichi de son émotion pour que nous soyons encore plus bouleversés, touchés, anéantis. Bref, c’est tout simplement un livre plein et entier comme la littérature sait en offrir…

Le cadre est cette bonne ville de Paris, en 1889 à la fin de la construction de la tour Eiffel. Pour réaliser ce qui allait devenir un des symboles de la capitale française, l’ingénieur génial est allé chercher un grand nombre d’ouvriers indiens qui s’étaient illustrés dans la construction des immeubles nord-américains. Ces « rouges » n’avaient pas le vertige et ils pouvaient travailler à n’importe quelle hauteur sans aucune protection… Billy Powona va donc ainsi s’installer quelques temps à Paris… Un exilé de plus ! Un rejeté, victime du racisme, aussi.

Alice La Garenne, elle, est une chanteuse de cabaret comme on en comptait de très nombreuses dans ce Paris de la fin du dix-neuvième siècle. Elle chante si bien, elle déclenche tant d’émotion et de rêve, qu’on la nomme « le rossignol de Montmartre » comme la Castafiore de Hergé sera « le rossignol milanais ». Ces rossignols m’ont toujours laissé perplexe car, en fait, je l’avoue, je n’ai jamais entendu un rossignol chanter. Qu’importe, faisons confiance à Fred Bernard, Alice La Garenne chantait admirablement bien…

L’histoire racontée et illustrée, commence par un article de journal, tiré du « Petit Parisien » qui annonce le crime odieux commis par un Indien, Billy Powona. Trois meurtres et neuf policiers blessés. Suit alors, le rapport du commissaire Bourdelle qui nous donne une première version, celle qui sera retenue par tous et qui est le fruit à la fois d’un travail de police bâclé, d’un racisme ambiant et d’un soulagement ambiant. Le coupable est l’autre, l’étranger, l’Indien.

On entre alors dans le récit proprement dit. De longs textes – preuve absolue qu’il ne s’agit pas d’un album pour enfant – et des illustrations pleine-page d’une qualité extrême qui nous mettent en contact avec les personnages, les faits et l’ambiance pesante de ce Montmartre nocturne où fête et angoisse, solitude et vie sociale se mêle dangereusement…

Certes, vous aurez bien compris que l’histoire réelle sera quelque peu différente de celle de la police, mais je vous laisse découvrir cela…

Un album admirable, touchant, prenant que l’on a envie de garder chez soi pour le lire, le relire et le prêter à ceux que l’on aime… A vous de l’ouvrir, le lire et le diffuser aussi car il n’est jamais trop tard pour faire découvrir de si belles choses…

Rencontre avec les auteurs : http://www.critiqueslibres.com/blog/

Shelton - Chalon-sur-Saône - 68 ans - 30 octobre 2011