Le rire des goélands
de Eric Menten

critiqué par Kinbote, le 29 janvier 2006
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Vues en élévation
Entre ciel et terre, à six étages au-dessus du sol, Marlène, férue d’astronomie, et David, enclin au rêve, se rencontrent sur le toit de l’usine de montage d’automobiles pendant leur temps de pause.
David, pour briller aux yeux de la jeune femme, s’invente des histoires à lui raconter, une enfance tzigane, un grand-père abattu par un arbre, et cela le conduit à fréquenter la bibliothèque, où, de fil en aiguille, il découvrira Neruda, le Chili, pour y emporter Marlène... En même temps, David nous dépeint son quotidien moins glorieux entre son logement à la cité des Marronniers et l’auberge accueillante avec ses cients attachants tenue par la généreuse Lise. A l’usine, une collègue est victime d’une licenciement abusif ; tout le monde se mobilise pour lui faire réintégrer l’usine...

Eric Menten nous raconte un voyage entre fiction et réalité, entre terre et étoiles. Le mari dela femme licenciée esacalade la façade de l’usine pour y étaler un banderole revendicative; dans leur voyage imaginaire au Chili, David et Marlène côtoient des oiseaux de toutes sortes, et des goélands au rire dont on ne peut déterminer la nature (joyeux, cruel, moqueur) ; les complices habitent en hauteur, ils se rencontrent sur le toit de l’usine, ils feront l’amour au 11ème étage de l’immeuble de David.

C’est comme si les protagonistes devaient ne jamais mettre pied à terre, mais demeurer en élévation, en train de grimper, occupés à combattre la pesanteur. Chez Menten, les surfaces, les volumes sont comme vus en élévation, fiction égale prise de hauteur, espace mental gagné sur le terrain de l’histoire vécue. Les deux catégories, cohabitant, s’alimentant réciproquement, sont réunies dans une dimension supplémentaire qui les englobe. Le monde de Menten intègre cette part de fiction, sans quoi les objets du cosmos n’atteindraient jamais au statut d’histoire, d’intemporalité: il convertit l’étendue en durée.

Un beau premier roman par un auteur qui, s’il a dépassé l’âge de son héros, sait de quoi il parle : « Formé au journalisme, il a travaillé sur une chaîne de montage d’automobiles et a animé des formations pour les ouvriers, les demandeurs d’emploi et les jeunes des cités. »

L’illustration de couverture est signée Sébastien Boureau.
(à voir sur www.memor.be)