Carême, tome 1 : Nuit blanche
de Christophe Bec (Scénario), Paolo Mottura (Dessin)

critiqué par Shelton, le 23 janvier 2006
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Belle rencontre...
Lorsque l’on referme ce premier album de la nouvelle série Carême, on ne sait pas quoi dire… Un silence profond nous envahit, des larmes d’émotion glissent lentement le long du visage et on se demande quelle est la nature des sentiments qui nous tombent dessus… Est-ce la beauté du récit, sa profondeur, son humanité, la justesse des mots… ou l’admiration sans limite de ce dessin qui a su s’adapter immédiatement à une histoire atypique dans ce monde de la bédé…
D’ailleurs, est-il juste de continuer à parler de récit atypique ? Une bonne fois pour toutes, la bande dessinée est un art narratif qui, parvenu à une maturité indiscutable, peut s’attaquer à toutes les histoires, même quand elles sont intimes, humaines, banales, tristes, dramatiques…
On a bien compris que celle-ci serait un drame puisqu’elle commence par l’enterrement du dénommé Aimé Carême. Mais ce jour-là, l’assistance n’est pas très fournie, un homme seul qu’une magnifique limousine attend à l’extérieur du cimetière…
Tout le récit est à la première personne, Martinien Fidèle, l’homme de la cérémonie initiale, nous raconte sa rencontre improbable avec Aimé Carême, un soir enneigé dans une auberge pas très sympathique…
Aimé est un homme hors norme, du moins par son physique… car il est tout simplement énorme !
Mais sa graisse emballe une sensibilité, elle aussi, colossale, une gentillesse de même nature et une envie de lier sympathie, d’entrer en contact avec ces hommes, dits normaux, mais qui le rejettent à cause des apparences…
Très rapidement, l’amitié va naître entre ces deux hommes et cette histoire, Carême, est probablement, avant tout, une très belle histoire d’amitié et une description de la bêtise humaine, car des imbéciles, on en rencontre un grand nombre dans ce conte philosophique, car c’en est un aussi…
Ce récit est aussi truffé d’humour, surtout si vous avez une relation particulière avec les endives… mais je ne vous en dit pas plus sur cette question alimentaire existentielle…
Il y a aussi un petit quelque chose de fantastique dans cette histoire, en particulier avec ces apparitions annonciatrices de la mort. La mort est un aspect important de cette rencontre entre Aimé et Martinien. C’est subtil mais très fort aussi, car cette légèreté poétique n’en est pas moins provocatrice du questionnement fondamental : pourquoi sommes-nous là à subir les autres, leurs regards stupides, pourquoi faut-il vivre, souffrir et, enfin, mourir ?
Ce premier volet des aventures de Martinien et Aimé est délectable et je vous promets un très agréable moment de lecture, mais si vous n’avez pas la « pêche », abstenez-vous, attendez le moment idéal, celui qui vous permettra de plonger dans un univers merveilleux mais qui ne laisse pas indemne…
Il me semble impossible de donner une note inférieure à cinq étoiles à ce travail, et encore, il me semble que je sois un peu sévère…