L'homme démoli
de Alfred Bester

critiqué par Vda, le 20 janvier 2006
( - 49 ans)


La note:  étoiles
Lorsque le passé nous parle d'un futur dépassé, les années 60 âge d'or de la science-fiction
D’alfred Bester, il n’existe en français que deux courts romans. Pour ne pas vous prendre en traitre, pour les non initiés, Alfred Bester se range à la catégorie science-fiction dans les rayonnages des bibliothèques. Et, n’en déplaise à certains, il y fait bonne figure.
Cette critique porte sur L’homme démoli, car non seulement, je l’ai relu il n’y a pas si longtemps, mais j’en possède un exemplaire. Et pourtant, je considère Terminus les étoiles comme supérieur (il est hélas aujourd’hui épuisé, le catalogue de Denoel a été vendu à Gallimard, alors merci aux bibliothèques).
Nous sommes dans un futur merveilleux puisque plus aucun délit n’y est commis. Oh, ce n’est pas que les humains se soient amendés, angélisés ou je ne sais quoi. Seulement, aucun délit ne peut plus y être perpétré, des « extrapers », ressentant la culpabilité du futur délinquant empêchent tout acte délictueux avant qu’il ne se soit produit (ça a un petit côté Minority report de Dick ou de Spielberg, je sais).
Mais voilà, les hommes ne se sont pas amendés, et il en est un, Ben Rich, riche, son nom l’indique, qui ne veut pas être ruiné. Seul un meurtre le sauverait de la faillite, mais dans ce monde surveillé par des hommes doués de pouvoirs psychiques, comment éviter au châtiment ? Car, s’il veut rester riche, Ben Rich n’a aucun désir d’être découvert par une police omnisciente.
Trêve de suspense, dans ce court volume, il y a un tour dans un parc de jeux lunaire, on va sur Mars, et il y a un meurtre. Mais comment Ben Rich arrive-t-il à commettre son crime, comment tient-il en échec la police, et surtout, quel est ce châtiment qu'il redoute?

Précision importante, l’auteur est né en 1913, le livre a été édité pour la première fois aux Etats-Unis en 1955, et en 1972 en France.
Alors, il n’y aura pas d’ordinateur miniature partout, la technologie décrite est désuète, obsolète avant que d’avoir été. Le livre est symptomatique de la science-fiction de cette période, et c’est une période d’or pour la science-fiction aux Etats-Unis (Asimov, Vance, Van Vogt…).
Le thème de l’homme développant des pouvoirs psychiques, autre alternative à l’alliance de l’homme avec la machine, est commun à cette époque de la SF. Ce thème est par ailleurs au centre de Terminus les étoiles.

Pourquoi lire L'homme démoli aujourd’hui alors ? si je dis que c’est un classique, cela n’engage que moi, y a-t-il des classiques science-fictionnesques autres que les 1984 d’Orwel et Farenheit 451 de Bradbury, dont l’un est édité par folio dans la littérature blanche et donc réhabilité en tant qu’œuvre littéraire! Ceci est un autre débat.
Une raison purement égoïste de ma part, si les derniers exemplaires de L’homme démoli encore disponibles se vendent, cela incitera-t-il Gallimard SF à rééditer Terminus les étoiles, que je pourrais alors acheter au lieu de le contempler avec envie sur les rayons des bibliothèques quand je l’y vois ?
Autre raison, il me semble que Bester n’est pas connu à sa juste valeur, les deux volumes que je cite reposent trop souvent sur les rayons précités des bibliothèques. Or, si un livre ne sort pas, il est relégué à la réserve. Ayez pitié de ces deux romans, ils ne sont pas épais comme les derniers Silverberg, ils ne sont pas à l’infini comme La compagnie des glaces d’Arnaud, évitez-leur la relégation.
Et puis, ils sont vraiment bons.
Un monde où l'on ne peut cacher ses pensées ... 6 étoiles

Voici un bon roman d'anticipation, écrit en 1955, qui repose sur le postulat qu'une frange de la population a la possibilité de lire les pensées de ses concitoyens.

Le fil rouge de l'histoire est une personne qui va assassiner un de ses concurrents, alors que le mode de gestion télépathique de la société devrait amener à son arrestation immédiate et à sa démolition (qui sera expliquée à la fin de l'ouvrage ...). Il rejoint ainsi le film Minority Report, lui même inspiré de l'oeuvre de P.K. Dick. Il sera donc intéressant de voir comment le protagoniste échafaude ses plans afin de passer à travers les mailles du filet tendu par ses poursuivants télépathes.

L'auteur profite également de son histoire pour poser des questions sur l'avenir et les devoirs de la société, ce qui classe ce roman parmi les œuvres remarquables de science-fiction : doit on réguler la société par une police de la pensée (cf Orwell en 1948) ou au contraire faire profiter la société de ces nouveaux dons télépathiques (altruisme).

Une bonne histoire bien ficelée, dont l'intrigue et le style n'ont pas (trop) souffert du poids des ans.

Bleizmor - Bretagne - 54 ans - 16 juin 2010