Le voyage des grands hommes
de François Vallejo

critiqué par Tistou, le 6 janvier 2006
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Au 18ème ...
Nous sommes au 18ème siècle. Les grands hommes sont trois. Il s’agit de Diderot, Rousseau et Grimm. Une amie, maîtresse, bienfaitrice commune, Mme d’Epinay, leur donne les moyens d'entreprendre ensemble un voyage vers l’Italie. Pour leur faciliter les choses, outre son carosse et de l’argent, elle met à leur disposition Lambert, un de ses valets de confiance. C’est Lambert qui nous raconte les tenants et aboutissants, les péripéties de ce voyage. Histoire-fiction.
L’essentiel du roman raconte la préparation du voyage, les relations entre les trois grands hommes en voyage, leurs aventures en Italie. Il est agréable, vivant, inventif.
L’ « habillage » de l’histoire, puisqu’on n’a pas directement affaire à Lambert mais à un descendant direct qui met à notre disposition les feuillets dudit Lambert. C’est inutilement compliqué et n’apporte pas grand chose.
Par contre F. Vallejo se fait manifestement plaisir à jouer avec les caractères de nos trois grands hommes et à réécrire l’Histoire !
« C’est vers cette époque, peut-être avant, autour de 1747 ou 1748, que j’ai pris pour la première fois dans une antichambre le chapeau des mains de notre grand homme. M. Rousseau, le jour où il m’a tendu son chapeau, chez M. et Mme d’Epinay, je n’aurais pas juré qu’il était ni même qu’il deviendrait un grand homme ; ce que je savais encore bien mieux, c’est qu’il ne faisait pas partie de ce qu’on appelait les grands. Ne poussez pas vos cris de bêtes à l’étable, si j’affirme qu’à sa manière de me tendre son chapeau j’ai bien vu que M. Rousseau était même tout le contraire d’un grand. »

« C’est M. Rousseau, je crois, qui nous a amené un de ses amis des plus étroitement liés à lui, décidé à devenir un grand homme plus certainement que M. Rousseau, et surtout à jouir de la meilleure place auprès de Mme d’Epinay, et, d’après ce que j’ai appris dans la suite, auprès de toute l’Europe.
Il s’est présenté comme un gentilhomme d’Allemagne : d’Allemagne, il l’était, mais gentilhomme … On ne me trompait pas. Je ne veux pas mentir, il avait l’aisance plus naturelle que M. Rousseau, avec une souplesse pour me tendre son chapeau, mais avec ce petit rien d’impatience dont se dispense l’homme de condition assuré d’être servi. Il a jeté son nom au milieu de la société, Grimm, Frédéric Melchior Grimm, comme s’il était lesté d’une particule allemande. »

« Je n’aimais pas bien, en ce moment, cet homme qui en prenait à son aise avec ma maîtresse, rabaissait ma livrée et croyait son Encyclopédie plus universellement célébré que les Evangiles. Il ne portait pas perruque et ses cheveux jaunes se mêlaient en tous sens comme de l’herbe sauvage desséchée. Je ne me voyais pas marcher avec un tel homme, guère plus qu’il ne se voyait marcher avec moi dans ma livrée.
M. Diderot s’est levé de sa table et sa figure m’a surpris : un gaillard presque de ma trempe, n’atteignant pas mes six pieds, il s’en fallait d’un pouce ou deux, et des épaules, un embonpoint comme je n’en possédais pas, épais comme un portefaix. L’impression que M. Diderot produisait sur moi en se levant et en me poussant hors de son cabinet était des plus fortes. »

Trois philosophes du 18ème siècle au quotidien, considérés à hauteur de vue de leur valet. Voilà ce qu’est ce « Voyage ».
Voyage en Italie au siècle des Lumières 10 étoiles

Pour les accompagner lors d’un court voyage en Italie, la marquise d’Epinay a prêté son valet Lambert ainsi que son carrosse à trois amis : Rousseau, Diderot et Grimm.

Dans ce roman tout plein d’humour, et maniant une langue d’époque superbement rendue, Vallejo, en faisant parler Lambert, nous découvre certains aspects de la vie intime de ces grands hommes, aux prises deux mois durant avec de surprenantes aventures italiennes.

A force de fréquenter ses maîtres, Lambert acquiert avec la sagesse un art consommé de la diplomatie, ce qui lui permettra d’apprivoiser le quotidien et d’affronter d’improbables coups du sort.

Parallèlement, le lecteur se familiarisera avec les modes de transport de la France du XVIIIè siècle, avec le processus des lettres de change qui au fur et à mesure regarnissent les bourses, mais aussi avec l’engouement pour la musique italienne, avec les mœurs diverses des grandes villes traversées ou également avec le port de la perruque et l’application des poudres aux visages masculins …

Dans le sillage de son autre opus (‘Ouest’), c’est à regret que nous quittons cet excellent roman de François Vallejo, aux dialogues extrêmement raffinés et qui évolue dans l’intimité de personnages qui, à défaut d’être attachants, auront marqué l’Histoire.

Ori - Kraainem - 88 ans - 25 avril 2011


jubilatoire 8 étoiles

J'ai lu ce livre l'an dernier et j'avais beaucoup aimé, il y avait aussi beaucoup d'humour quand le valet doit céder aux caprices de chacun. La fin du livre met bien en avant les contradictions de ces trois grands hommes qui finalement si ils ont eu des idées grandioses ne se les sont pas appliquées à eux-mêmes pour autant.

Zondine - - 57 ans - 20 janvier 2006