L'homme de l'art : D.-H. Kahnweiler, 1884-1979
de Pierre Assouline

critiqué par Ulrich, le 29 décembre 2005
(avignon - 49 ans)


La note:  étoiles
Elle est géniale
Permettez-moi de faire dans le cliché. Cette biographie est géniale. Sa vie est un roman. Cette bio se lit comme un roman. C’est une merveille. Le style coule. La vie de DH Khanweiler est passionnante ; celle d’un homme qui a su découvrir, comprendre l’avant garde cubiste ; celle d’un homme dont la fidélité en amitié est sans limite ; celle d’un homme sûr de quelques convictions dont il ne se départira jamais ; celle d’un homme qui a fait de la maîtrise du temps une philosophie ; celle d’un homme pas forcément toujours drôle.

Pierre Assouline nous emmène avec talent dans le Montmartre d’avant guerre et d’avant garde. Vraiment, rien que pour ce passage et même si vous n’aimez pas les cubistes, sa description du bateau lavoir fait rêver, fait envie. Imaginer Gris, Braque, Picasso révolutionnant la peinture du haut de Montmartre ; merveilleuse et frissonnante description. Mais il y a tout le reste de sa vie, celle du découvreur des cubistes, le marchand des cubistes et notamment celui de Picasso. Celle d’un homme qui alla jusqu’au bout de son rêve, être un marchand d’art, qui ne transigera pas sur ses conceptions artistiques. Certains diront sans doute, trop raide, peut-être mais sa fidélité envers ce courant artistique est sans faille, comme une amitié qui confine parfois à l’aveuglement mais qu’importe.

Sa vie se fond dans le siècle ou en tous les cas dans sa première moitié. Plus comme un spectateur qu’un acteur d’ailleurs. Sa vie est en elle-même passionnante. Et puis il y a le talent de Pierre Assouline. Il donne envie, envie de lire cette immense bio, de connaître la suite.

Quel force dans la description des tableaux cubistes. Certains passages sur ce qu’est le cubisme, comment DH Khanweiler percevait cette rupture fondamentale de la peinture sont époustouflants. Je n’ai plus qu’une envie, revoir ces tableaux de Picasso, Braque, Gris, Leger que j’ai aujourd’hui classé aux rayons des vieux dinosaures de la peintures. Oui, vous savez, les « Merci d’avoir existé, vous avez été utiles mais franchement aujourd’hui vous êtes dépassé». Se donner envie que livre Pierre Assouline tout au long de ce livre est vraiment incroyable. A découvrir pour l’histoire de l’Art et pour le plaisir tout simple de la lecture.
Un marchand d'art bien de son siècle 9 étoiles

Ce marchand d'art au caractère bien trempé devient la référence dans le microcosme de la peinture, avant la Grande guerre, avec un creux avec la crise et l'occupation, pour exulter et devenir réellement incontournable à la Libération. Juif autrichien, il est contraint de bouger et de pratiquer un "exil intérieur", pour devenir un monstre sacré du marché de l'art, quasi-ami de Picasso, quasi-intime de Juan Gris. Il devient vite un personnage haut en couleurs, sachant renifler les talents et maîtrisant parfaitement les règles de ce monde très particulier.
Le style est vif, sec, fort dynamique, ce qui renforce, il est vrai, l'effet de roman de cette biographie. Mais aussi est-il souvent oral, voire relâché, ce qui atténue, mais à peine, les qualités formelles de l'ouvrage, qui demeure très richement documenté, et avant tout très attrayant. Certes, ces époques foisonnantes de la création artistique y contribuent, mais cette présentation est fort bien menée.

Veneziano - Paris - 46 ans - 25 septembre 2013