Pourquoi ma mère me rend folle
de Françoise Laborde

critiqué par Voni, le 20 décembre 2005
(Moselle - 64 ans)


La note:  étoiles
Folie contagieuse ?
“Grâce au bon docteur Aloïs Alzheimer on peut enfin nommer ce qui est innommable. On accepte mieux ce qui est défini comme une maladie, donc curable, à la différence de ces démences irréversibles. C’est beaucoup plus pratique pour les familles…”
Ce livre est l’histoire d’une famille éprouvée par la maladie aliénante de la mère (78 ans). Son affection mémorielle fait ressortir, au sein familial, toutes les vieilles souffrances enfouies sous le masque des convenances, les vieilles rancœurs accumulées depuis l’enfance par les trois filles. Parce que la mémoire maternelle est atteinte et de plus en plus défaillante, elles ont un besoin existentiel de reconstruire leur histoire jusqu’alors détenue intrinsèquement par la mère. La narratrice (la benjamine) “déroule ainsi les mémoires d’une vie de famille tout en faux-semblant” avec ses humiliations et multiples déchirures. Une phase incontournable de règlements de comptes vis-à-vis de l’éducation et des comportements maternels passés semble s’imposer afin de pouvoir appréhender les ravages de la dégénérescence qui affecte l’ensemble de la famille. La dégradation de la personne atteinte engendre bien des tensions au sein du groupe qui doit pourtant faire face, et dont chaque membre a sa manière propre de réagir.
Un livre dont le sujet est certes dramatique mais construit avec tellement de recul, semble-t-il, et sur un ton si cocasse par moments qu’il a le pouvoir de créer des bouffées de réconfort. Parce qu’il ne sombre pas dans la compassion et le misérabilisme, il peut se révéler aussi bienfaisant qu’une thérapie de groupe. Certaines évocations d’incohérences verbales ou comportementales qui dans un tout autre contexte seraient qualifiées de rocambolesques, permettent souvent d’en sourire jusqu’à en rire parfois. Elles sont aussi extrêmement rassurantes et déculpabilisantes pour tous ceux qui sont frappés autour d’eux par ce traumatisme car ces symptômes sont apparemment communs.
Beaucoup de grâce dans ce roman capable d’insuffler une légèreté bien appréciable à ceux qui, comme moi, sont affectés de près ou de loin par cette maladie. De plus, le titre est judicieusement choisi et colle parfaitement à l’ensemble des ressentis.