Myrkos, tome 1 : L'ornemaniste
de Jean-Charles Kraehn (Scénario), Miguel de Lalor Imbiriba (Dessin)

critiqué par Shelton, le 18 décembre 2005
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
L'âge d'or d'Anétha...
Cette bande dessinée est assez étonnante et d’une grande qualité. Le thème, s’il fallait le résumer en quelques mots, sans faire peur au grand public – expression plutôt sympathique chez moi – mais en restant objectif, est l’aventure de l’artiste dans une société de type occidental…
Oui, Myrkos est bien un artiste, enfin, un apprenti artiste puisqu’il appartient à la très fameuse Scola impérial des Arts. Il deviendra ornemaniste, c’est à dire spécialiste des motifs ornementaux pour les temples de la cité. Mais de quelle cité parle-t-on ici ? Anétha ! Et donc, vous comprenez bien que nous allons parler de la Grèce antique, à mots cachés ce qui permet aux auteurs, Kraehn et Miguel de s’en donner à cœur joie sans avoir peur des critiques des historiens trop rigides…
Myrkos est élève mais il est aussi très curieux. Il ne veut pas se limiter aux simples savoirs enseignés, il veut comprendre, tout comprendre de son art, le dessin. Alors, bien sûr, il va énerver grand nombre de ses maîtres, en particulier Maître Carcantx qui représente tout ce que vous pouvez imaginer de conservatisme et rigidité, pour ne pas dire d’intégrisme et de traditionalisme… Il faut dire que dans cette cité les ornemanistes sont à la fois des artistes et des religieux car l’image est le premier lien entre les hommes et les dieux… Myrkos pour améliorer son dessin, son coup de main, passe des nuits entières dans les bouges les plus infâmes de la ville à dessiner des femmes nues… Quel scandale ! Il est aussi en train de découvrir les difficiles règles de la perspective… Quelle horreur de vouloir avoir la prétention de représenter la réalité telle qu’elle est ! Le dessin n’est en fait autorisé que pour représenter les divinités selon les codes admis par les prêtres depuis toujours…
Cette série va nous raconter comment l’artiste ne peut pas accepter de se laisser enfermer dans ces canons rigides et stéréotypés. Mais cela deviendra aussi une bande dessinée d’aventures car les tenants du pouvoir religieux, artistique et politique n’ont aucune envie de se laisser mener par le bout du nez par un jeune apprenti…
Cette histoire me semble d’une grande qualité car avec des airs légers, voire, parfois quelque peu érotiques, elle aborde des questions de fond d’une société. C’est une sorte de catalogue illustré des valeurs d’une société démocratique : les libertés individuelles, la démocratie avec le respect des personnes plus fort que les intérêts individuels, la place de la religion, la place de l’artiste, l’amour, la vie, la mort…
Le dessin est plutôt plaisant et la narration graphique est agréable à lire, ce qui n’est pas étonnant de la part d’un élève de Léo, le fameux dessinateur de Trent et le créateur de Aldebaran et Betelgeuse… Le scénario est très solide, très documenté et pertinent, ce qui permet d’affirmer que Jean-Charles Kraehn est bien une des valeurs sûres de la bédé contemporaine (Tramp et Gil Saint André).
Contrairement à l’idée que l’on peut se faire trop rapidement en survolant cette critique ou la bande dessinée, cette série est aussi faite pour un public adolescent car l’un des moteurs de l’histoire repose aussi sur l’amitié et la trahison…
Beau travail qui mérite attention et lecture approfondie.