Le goût de l'immortalité
de Catherine Dufour

critiqué par Julius, le 17 décembre 2005
( - 51 ans)


La note:  étoiles
le goût du dégoût
"Les plus de cent ans possèdent le pouvoir décisionnel et le poids économique, en plus de l'expérience, et qu'en font-ils ? Après tout, que peut-on attendre de gens qui, au bout de cent années d'existence, ne sont morts ni d'amour, ni de dégoût, ni d'épuisement ? Un peu de sagesse ? J'en cherche les effets autour de moi et je ne vois rien. Que peut-on espérer d'un monde que dirigent d'inusables vieillards ? Nous qui avons le temps, la connaissance et le pouvoir, nous ne savons que durer. Nous n'avons appris qu'à nous survivre. Nous sommes des monstres, mon ami."

"Pardonnez-moi mais je ne crois pas à cette sagesse des anciens pour laquelle vous avez tant de respect. Car les vieillards sont ceux qui ont beaucoup vécu et donc beaucoup souffert. Je suis morte et j'ai tué, j'ai vu tuer et mourir, j'ai eu un temps immense pour la douleur et la méditation, ai-je pour autant grandi en force morale ? En discernement ? La souffrance n'élève pas, elle abaisse. Elle ne rend pas intelligent, elle abrutit ; elle ne rend pas plus fort, elle fêle ; elle n'éclaircit pas la vue, elle crève les yeux ; elle ne mûrit pas l'esprit, elle le blettit"

La vie est une drogue terrible.
4 étoiles parce que lecture difficile.
Docteur Jeckill & Mister Hyde 7 étoiles

En Chine, en l’an de grâce 2213, au 42e étage d’une des tours gigantesques de la ville de Ha Rebin, se cache un ancien entomologiste appelé c-matic. Dans une longue lettre adressé à un vieil homme, une jeune handicapée, victime d’une intoxication au plomb, raconte sa vie et celle de quelques autres personnages. Elle-même souffre de graves lésions de la peau, d’une certaine forme de rachitisme et d’une vision en noir et blanc. Seule une potion infecte procurée par une voisine plus ou moins sorcière et trafiquante de chair humaine lui permet de se maintenir en vie. La narratrice ne survit que grâce à une indemnité de misère. Sa propre mère a dû se prostituer pour leur permettre de suivre. C-matic avait été envoyé avec son assistant shi en Polynésie française pour enquêter sur une étrange épidémie provoquée par un moustique manipulé. À cet étage de l’immeuble, chacun survit difficilement, mais dans les profondeurs des sous-sols, dans le monde des refugee, c’est bien pire. Cela ressemble même au dernier cercle de l’Enfer de Dante !
« Le goût de l’immortalité » est un roman d’anticipation dystopique très noir et même très gore par moment. La description du monde des refugee est d’une monstruosité glaçante et à fortement déconseiller aux âmes sensibles. On y viole, on y tue, on y torture et on y trafique de la chair humaine sous la férule d’une entité totalement diabolique ! Si le style de Catherine Dufour frôle l’excellence, il comporte néanmoins quelques caractéristiques qui n’aident pas à la compréhension et au plaisir du lecteur. Pas de majuscules aux noms propres (coquetterie inutile à mon sens) et surtout une accumulation de concepts et de techniques définis par un nom fabriqué de toute pièce sans la moindre définition. Du point de vue de l’intrigue, le lecteur a l’impression d’avoir affaire à deux nouvelles accolées, n’ayant que peu de rapport l’une avec l'autre. Si on y ajoute un parti pris de noirceur et de pessimisme à couper au couteau, on comprendra que le lecteur ait eu énormément plus de plaisir à lire l’autre Catherine Dufour, l’auteure de « Blanche-Neige et les lance-missiles », notre Pratchett ou Gaiman française.

CC.RIDER - - 66 ans - 21 février 2021


Un roman de SF puissant et noir 9 étoiles

C’est mon premier livre lu de Catherine Dufour, auteure que je ne connais que tout récemment, et autant dire qu’il décoiffe ! Cela m’a donné clairement envie de découvrir un jour ses autres écrits. Avec ce premier livre, je peux déjà dire que je tiens Catherine Dufour pour une écrivaine de grand talent. Est-ce qu’elle tient la route sur ses autres romans ? C’est ce qu’il me faudra découvrir…

Mais venons-en à ce livre-ci, « Le goût de l’immortalité ». Je disais donc qu’il décoiffe, et c’est bien vrai et pas qu’un peu. Avec un style recherché, étrange, soutenu, froid, inventif, tout cela à la fois, l’auteure nous raconte l’histoire d’une femme, vivant en l’an de disgrâce 2213, dans un futur éloigné donc, où l’évolution de l’humanité n’est pas des plus radieuses. Cette femme écrit le récit de sa vie, à ses débuts, une centaine d’année plus tôt. Eh oui, en ces temps futurs éloignés, on peut vivre très longtemps si on en a les moyens et même si on n’en a pas ! Et c’est sombre, noir, violent, d’un cynisme extrême et d'une grande puissance. Une espèce de no futur avec peu de joie et beaucoup de désespoir. Clairement pas pour les enfants ! Et qu’on doit craindre que c’est ce qui attend nos descendants…

L’entame est jouissif, véritable coup de poing littéraire, où je suis resté scotché par ce que je lisais. Puis le récit devient un récit dans le récit, un peu plus classique, puis passe à un autre où on a l’impression de lire du manga pour revenir enfin à son témoignage initial, où au final tout se tient. C’est d’une grande complexité, c’est étrange, morbide, cruel. La performance littéraire est indéniable, quoiqu’on a un peu l’impression d’un roman découpé en trois tranches, qui casse un peu le rythme, même si tout s’explique et se réunit à la fin. En tout cas, une expérience de lecture peu banale. Et qui entre en résonnance avec notre époque : manipulations politiques et génétiques, catastrophes environnementales, épidémies mortelles (les rota 8 et 10 lointaines descendantes du covid 19 ?), luttes sanglantes entre multinationales et entre secteurs de la société fragmentées, inhumanités diverses,...

Catherine Dufour nous livre là une vision personnelle de l’évolution future de l’humanité qui mérite le détour et la lecture, et que je recommande.

Cédelor - Paris - 53 ans - 22 novembre 2020


Un grand SF 10 étoiles

Le Goût de l'Immortalité de Catherine Dufour.

Nous sommes en 2113, le ciel azur et l'air frais ont été remplacé par un ciel jauni de toxines.
Les animaux ont disparu et seul restent leurs traces Adn, soigneusement conservées. Les humains, eux, sont plus divisés que jamais par leurs classes sociales. Des barres protéines les alimentent, ainsi que de rares molécules d'eau réservées au gens d'en « Haut ». Bienvenue dans ce futur qui pourrait bien être le bon.

L'aventure nous est narrée au XXIVème par une adolescente de 200 ans et des brouettes. Elle vit paisiblement en compagnie de sa mère à Ha Rebin. C'est une frêle jeune fille, au physique maigre et ingrat, apparemment malade. C'en est au point que même la mère est ré pulsée. Seule la jardinière de l'étage, ainademar, la considère comme un être vivant.
Un jour, elle fait la rencontre de cmatic, jeune entomologiste et tous deux vont être inéluctablement embarqués dans un conflit interracial -vous verrez que les vraies motivations sont tout autres-. Ils tomberont sur Shi, entomo et ami de cmatic. Leur curiosité naturelle les mettra sur une piste d'un moustique mutant à tendance exterminateur et ils soupçonneront une organisation d'être derrière tout ça.
La narratrice fera également connaissance avec Cheng dans le taudis du niveau zéro à Shangaï, où un grosse menace virale, le rota, guette.

L'histoire est bien ficelée, Catherine Dufour ne perd pas le nord mais s'attarde d'avantage sur ses personnages que sur ce qui les intrigue . Le texte est en majeure partie descriptif et narratif, rarement argumentatif. Comme si tout ce qu'accomplissaient les acteurs était futile, qu'il ne restait qu'à admirer l'humanité partir en vrille.
La lecture est facile, pas de phrases de 4 pages, l'auteur va droit au but, pas de gnangnan. Pas de termes trop techniques non plus si l'on excepte quelques mots scientifiques ou asiatiques qui rebuteront les non-adeptes , c'est le seul problème du livre.
On remarquera les majuscules et minuscules judicieusement dosées comme pour accentuer le côté sacré des choses disparues , les Fruits, les Animaux etc. Ou le fait que les protagonistes ne sont que des pions, de vulgaires êtres vainement vivants, des miséreux qui ne méritent pas leurs noms en majuscules. Je vais peut-être un peu loin, mais c'est mon ressenti.
Rien ne gêne à la lecture, l'édition Mnemos est parfaite, on accroche du début à la fin, impossible de lâcher le livre. Attention à ne pas déranger, coup de boule sinon!

En ce qui concerne les protagonistes, ils sont tous travaillés et ont tous une part d'humanité sauf probablement -je n'en ai pas vu une once, perso- la nécromancienne.
La narratrice, victime d'une tragédie, on compatit complètement. Elle tombe sous le charme de cmatic immédiatement mais se le refuse. C'est le personnage le plus étonnant, surtout à la fin, je laisse découvrir.
Cmatic, c'est le gentil chercheur qui trouve les emmerdes sans les chercher, si je puis dire. C'est lui qui est le plus décrit dans le récit, normal quand on sait qui est à la plume.
Shi, la pierre, son nom reflète sa personnalité. Dur comme un roc, talentueux, la confiance entre lui et cmatic est inébranlable. Il n'hésiterait pas à se sacrifier pour son ami.
J'avais mentionné plus haut la jardinière, c'est l'unique rayon de soleil du roman, elle éblouit de blanc les pages noires de sa présence et de sa simplicité.
Au rez-de-chaussée de shangaï réside cheng, jeune musicienne rêveuse, qui est forcée de se réfugier chez les refugee pour échapper au rota 10. C'est là qu'elle rencontre nakamura et le dragon rouge path.
Passons le premier, et attardons nous sur le deuxième, Path. C'est un dictateur sanguinaire, il tue comme il respire les malades du rota: femmes, enfants, vieillards, qu'importe... il viole, il sème la terreur. Mais au-delà de sa cruauté, il rêve d'être à la tête d'une suburb montante et conquérante.
Et enfin, le personnage le plus énigmatique et manipulateur, la nécromancienne iasmitine, sans qui la narratrice serait incapable de vivre. « Quelque chose de lointain, d'obscur, d'africain pour tout dire, guettait au fond de cette eau calme.»


Les thèmes abordés dans le Goût de l'Immortalité? L'immortalité déjà, il faut attendre les derniers chapitres pour connaître le sens du titre. « La vie est une drogue terrible. »
L'auteur parle, en outre, de xénophobie -haine interraciale éternele caractéristique de la bêtise humaine-, de trafic humain, de misère, des différences sociales, de l'amitié et de l'amour: « Il est mort bêtement, et ce n'est pas une chose qu'on pardonne à quelqu'un dont on avait besoin pour vivre ».

Des problèmes qui ne sont ni plus ni moins que les fléaux immuables de notre monde, à part les deux derniers qui sont plus du domaine du bonheur et ça nous sauve de la dépression.

Au final, ce roman de S.F est tout bonnement extraordinaire, glauque au possible, dur pour les habitants de ce monde futuriste. L'auteur fait déborder l'imagination des lecteurs et sait les captiver. Un bouquin d'anticipation qui déboîte de l'épaule et mériterait un bon 10/10.

Selfie_T - Lens - 40 ans - 2 novembre 2010


Un récit extraordinairement fort. 9 étoiles

Oui, une histoire bien sombre ,au sein d'un univers encore plus obscur et désespérant, mais aussi et surtout, un récit extraordinairement puissant et au style brillant.
Bien sur ,il nous percute de plein fouet et nous y laissons quelques plumes. Questionnements multiples sur la nature humaine, sur l'avenir de notre planète, sur nos propres illusions ...
Effectivement ,ça nous décoiffe !.
Catherine DUFOUR découpe notre sensibilité au scalpel avec ses personnages ,son atmosphère de fin du monde et cette angoisse latente qu'elle distille si bien tout du long.
Je n'ai pu ,personnellement , lui résister très longtemps et c'est tant mieux !
Son livre nous interpelle sans ménagement ,mais n'est-ce pas cela ,dans le fond ,la vie?.

Boris52 - nice - 72 ans - 4 juillet 2010


Décevant malgré de bonnes idées 3 étoiles

Je l'ai –péniblement- terminé. Terminé, parce que j’ai espéré jusqu’au bout comprendre le contexte «politique» complexe en toile de fond de ce roman.
Un livre dont la lecture est ardue, sans pour autant que le style apporte quelque chose : des majuscules pour Graines, Pollen, mais pas pour les noms propres.

Et pourtant, de bonnes idées sur un futur qui nous attend peut-être, avec des pandémies, des zones (près du sol) abandonnées aux « suburbains » , des « refugees », réfugiés des pandémies, à la fois protégés des maladies et esclaves de path, un des peut-être futurs maîtres de ce monde noir et désespérant.

Ludmilla - Chaville - 69 ans - 1 novembre 2007