L'amour de moi
de Ishikawa Takuboku

critiqué par Sahkti, le 9 décembre 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Le tanka
"L'Amour de moi" est la première partie d'un recueil de tanka ("Une poignée de sable") paru en 1910 et regroupant plus de 500 poèmes de Takuboku écrits en 1908, alors que l'auteur a 22 ans et qu'il vient de rentrer à Tokyo.
De ce volume, les éditions Arfuyen avaient déjà publié deux parties: "Fumées" et "Ceux que l'on oublie difficilement".
Le tanka est un poème court, qui apparaît déjà dans des recueils poétiques du VIIIe siècle, et qui comprend 31 syllabes réparties en 5/7/5/7/7.
Takuboku utilise cette structure poétique pour parler du monde, de la vie et, dans le cas présent, surtout de lui-même et de ses émotions. Tout en conservant le procédé ancestral de présentation, il en modernise considérablement l'écriture en refusant d'être prisonnier de la métrique fixe. Pour lui, la poésie doit également dépasser les thèmes liés à la tradition, les ancêtres et l'histoire, pour aborder des sujets qui nous touchent tous, dans ce que nous avons de plus intime. N'oublions pas que nous sommes alors dans le Japon du tout début XXe siècle, dans une société encore très engluée dans ses repères traditionnels.
Il est indiscutable que Takuboku arrive parfaitement à se saisir de cette forme poétique pour faire passer ses divers états d'âmes. La brièveté du poème convient à des pensées fulgurantes, des instants éphémères par définition, et progressivement, la poésie se fait prose si on lit les poèmes les uns après les autres. On y décèle les fragments d'un journal intime.
Un procédé de lecture intéressant, mais qui ne doit cependant pas remplacer la lecture par petits morceaux, pour en apprécier à leur juste valeur l'essence et la beauté.

Quelques extraits:

"J'aimerais avoir une boule de cristal
je la poserais devant moi
j'aurais de quoi penser"

"Monté au sommet d'une haute montagne
j'ai agité mon chapeau sans raison
et je suis redescendu"

" Une bille de cristal suffit à m'amuser
mon pauvre coeur
de quelle sorte est-il donc"
Pauvre de moi 4 étoiles

Hélas pour moi, la poésie demeure un art fuyant.
Pourquoi mon âme ne s'élève t-il pas à la lecture de ces mots endormis sur le papier ? Malgré mes lèvres qui les murmurent sans jamais parvenir à les éveiller en moi.

Si la poésie c'est le regard émerveillé de ma fille scrutant l'horizon en quête de promesses.
Si la poésie c'est le vol de l'oiseau brisant la ligne d'horizon.
Si la poésie ne s'incarne que dans le mouvement et la lumière.

Alors, il me semble, qu'aucun mots ne sauraient suffire à révéler tout cela sans altérer les vibrations extatiques qui émanent de toutes choses, quelles soient animées ou inanimées.

Heyrike - Eure - 56 ans - 2 août 2006