Nouvel Angyo Onshi (Le), tome 01
de Youn In-wan (Scénario), Yang Kyung-il (Dessin)

critiqué par Belial, le 8 décembre 2005
(Anvers - 45 ans)


La note:  étoiles
Les belles choses de l’Asie…
Le nouvel Angyo Onshi est un manga dont la qualité tant les conditions de parution sont suffisamment atypiques au regard de la production actuelle pour qu’on s’y arrête quelques instants (et même un peu plus). Après l’explosion créative des années 80’ qui nous a donnés entre autres les mythiques Dragon Ball ou Akira, le succès grandissant du manga et de l’animation japonaise, reconnaissance internationale aidant, a hissé le genre au sommet. Mais celui-ci reste un colosse aux pieds d’argiles. On ne compte plus les shônen (mangas violents destinés aux adolescents) produits au lance-pierre, aux dialogues navrants, aux histoires fades, piochant à droite à gauche dans le seul but de donner l’illusion d’originalité, quitte à pondre des imbroglios mystiques mêlant n’importe comment mythologie grecque, judéo-chrétienne, science-fiction, chevalerie européenne, histoire médiévale japonaise, chinoise et j’en passe. Qu’on se rassure, le shôjo (manga pour adolescentes) ne vole pas beaucoup plus haut. La politique des éditeurs français est sans doute en grande partie responsable de son image par chez nous. Le manga étant un genre très segmenté au Japon, sa diffusion en France n’a au début pas rendu compte de la diversité de la production. Passons.
Le nouvel Angyo Onshi est une de ces perles qui brillent dans un océan de boue et montrent que le manga peut réserver de jolies choses si l’on se donne la peine de creuser un peu. Sa genèse est intéressante : les deux auteurs sont coréens, mais le succès fulgurant de la série au Japon les a incités à cibler directement et se faire éditer au pays du soleil levant. Les deux auteurs recyclent ici bon nombre de légendes coréennes et de faits historiques avérés et les revisitent de manière moderne et originale.
Dans la Corée médiévale, les Angyo Onshi étaient des envoyés de l’empereur qui circulaient à travers les terres afin de s’assurer de la bonne gestion des provinces. Ils étaient en quelque sorte des contremaîtres chargés de contrôler les actions des gouverneurs. Il s’agit bien sûr du thème central du manga, transposé dans un royaume asiatique imaginaire. Les légendes et le folklore coréen sont exploités de manière intéressante, enracinant fermement le manga dans l’Histoire tout en proposant des niveaux de lecture plus contemporains. Ainsi le héros, Mun-Su a la dégaine et l’attitude d’un jeune homme tout ce qu’il y a de plus actuel. En outre les auteurs n’hésitent pas à jongler avec les anachronismes, avec plus ou moins de bonheur, et piochent ponctuellement dans des inspirations extérieures. Qu’on se rassure, ici pas de Satan reconverti au taoïsme pique-niquant avec Hadès et Odin comme on peut le voir dans d’autres séries (j’exagère à peine). Il y a bien une prédominance de l’action, un humour dont la qualité m’échappe toujours, mais le résultat n’est pas entaché par ces quelques défauts. De bonnes intrigues, des personnages ambigus, des rappels culturels faisant le point sur les références coréennes du manga : on est en face d’un produit évolué et assez mature. Les dessins sont de toute beauté : précis, dynamiques, pleins et riches de détails, c’est bien au-dessus d’un manga ordinaire.
Précisons que le premier volume n’est qu’un tome d’exposition et est à mon avis le plus faible de la série. La trame générale ne démarre vraiment qu’à partir des deux tomes suivants. On a cependant l’occasion d’admirer la beauté du trait, la reconstitution historique subtilement accompagnée de mythes, et des histoires en apparence courtes et sommaires mais pas dénuées de finesse. Une bonne accroche qui a le mérite de présenter l’univers de manière honnête.