Winterheim, tome 3 : La fonte des rêves
de Fabrice Colin

critiqué par Belial, le 7 décembre 2005
(Anvers - 45 ans)


La note:  étoiles
Belle trilogie aux accents tragiques
En dix ans, Fabrice Colin a fait du chemin et s’est affirmé comme un des auteurs incontournables des littératures de l’imaginaire. Touche à tout, il a exploré les champs variés que sont le steampunk, la fantasy humoristique, l’heroic fantasy, la littérature jeunesse ou blanche. Se distinguant généralement par sa sensibilité, son travail minutieux et créatif de la forme, il se frotte dans Winterheim aux ténors de la fantasy épique où preux chevaliers au sortir de l’adolescence s’en vont accomplir leur destin et sauver le monde connu de sa perte.
La fonte des rêves est un final de feu, à faire tourner la tête. Janes Oelsen entâme son long chemin de croix vers l’enfer pour y détruire l’Anthémion et libérer ainsi la Terre des anciens dieux. Dans le fond, la bataille s’intensifie et les hommes doivent affronter des légendes qui prennent soudain vie : dragons, géants de glace et arbres vivants en tête. Janes supportent le destin de l’humanité sur ses épaules et essayera de sauver son amour pour Livia.
Ce troisième tome est donc le plus enlevé de tous, où la guerre y est décrite avec le souffle épique récurrent dans ce type d’œuvres sans oublier les horreurs qu’elle génère. Le statut du héros évolue, Colin le mettant au centre de l’histoire et de l’univers et lui accordant un rôle de messie quasi-christique (libre interprétation, sachant qu’il se soulève contre les dieux et les religions…). En effet Janes perd progressivement son statut de personnage du récit pour acquérir celui de figure : il rappelle Orphée dans sa longue procession vers Winterheim, il est élevé au rang de mythe, de guide, et laisse filer sa vie pour devenir un symbole. La fonte des rêves confirme les propos anti-religieux ou athéistes que l’on devinait dans les tomes précédents : les dieux y sont présentés comme des intrigants dont l’existence est superflue pour les hommes. Si c’est la volonté de l’auteur, cet aspect est beaucoup plus subtil que chez bon nombres d’écrivains beaucoup moins fins dans leur discours.
Le cocktail qui était annoncé : « noces de la mythologie nordique, conte de fées et tragédie shakespearienne » est bien au rendez-vous. Fabrice Colin multiplie les références et le mélange, quoique un peu indigeste dans certains passages, est cohérent. Les dieux, dans leurs luttes intestines et familiales, font autant penser à l’Olympe qu’à l’Asgard, et si Rhéa est un anagramme de Héra, ce n’est peut-être pas un hasard. Colin a su recycler les ténors de la high fantasy (Tolkien en tête), et donner à ce thème récurrent qu’est la transition d’un âge mythique vers celui des hommes, une résonance particulière et originale. On peut sans doute regrette une trame un peu convenue et prévisible, seule ombre au tableau.
Extraits : « Ce n'était pas un rêve. Il n'y a plus de rêves, les gens ne rêvent plus, les esprits volent au-dessus des plaines, et il n'y a plus rien, tout est calciné, tout est en train de fondre. »
« Les dieux sont sortis, les dieux ont ouvert les portes de Midgard pour affronter leur destin. Ils croyaient conquérir le monde, mais c’est le monde qui les a avalés. »