La mondialisation et ses ennemis
de Daniel Cohen

critiqué par Veneziano, le 3 décembre 2005
(Paris - 46 ans)


La note:  étoiles
Une vision originale malheureusement réaliste
Ce Normalien agrégé d'économie a le chic de démontrer avec vrio ce qui agace. C'est ce qu'il fait ici à propos de la mondialisation : si le libre-échange permet de tirer vers le hausse la croissance mondiale, cela ne se fait pas forcément en réduisant la fracture nord-sud. Il reprend l'expression d'économie-monde de Fernand Braudel, à propos de l'apparition du phénomène avec les grandes découvertes et les révolutions industrielles.
Voilà, ça paraît assez réaliste, eh bien, l'auteur le prouve économiquement, et en se basant sur l'histoire, car, à l'affaire, le temps ne fait rien de bon : en gros - même en très gros - , établir des infrastructures en Afrique finirait par ne plus devenir rentable et à ne pas valoir la peine. On pourrait déduire de ce constat que le sous-continent noir serait juste utile pour le coton, le sorgo, les fruits tropicaux, l'artisanat folklorique, et, éventuellement, la délocalisation de certains services.
De plus, il prend des exemples terrifiants : les infrastructures qui ont pu être créées dans les anciennes colonies ont eu des effets pervers terribles, en raison de l'explosion démographique, elle-même due à la forte baisse de la mortalité infantile, que ces investissements ont pu produire, si bien que même les bons sentiments s'avèrent néfastes.

D'autre part, dans la concurrence Etats-Unis - Europe, il pointe du doigt la faille qui les sépare, qui consisterait dans le manque d'innovation européenne. Ce qui sauverait l'Europe du naufrage, ou plutôt d'un décrochage insurmontable et définitif, ce serait sa capacité à exporter ses productions immatérielles, essentiellement les services, ainsi que des médicaments, des baskets, des logiciels et des films.
A propos de santé, il rappelle la calamité de l'absence d'une coopération internationale qui favorise la pandémie de SIDA, qui touche surtout les pays du Sud, ce à quoi l'OMC - ni d'ailleurs pas davantage l'OMS au passage - ne peut rien.

Tout cela fait grincer des dents, mais relève de l'analyse et d'un réalisme les plus froids.

Pas rassurant, mais très instructif, ainsi que très clair.