La vie à en mourir : Lettres de fusillés, 1941-1944
de Guy Krivopissko

critiqué par Alandalus, le 30 novembre 2005
(BORDEAUX - 67 ans)


La note:  étoiles
UN DEVOIR DE MEMOIRE
Je me limite à citer le texte de quatrième de couverture, en espérant que certain des lecteurs de CL de viendra pas y mettre son fiel.

Avec toute mon émotion et mon respect pour ceux et celles grâce auxquel(le)s nous pouvons encore écrire le mot liberté.

« Avec mes camarades nous avons été jugé ce matin à Fresnes, et comme je m’y attendais, nous avons tous les vingt-cinq été condamnés à mort. » « Adieu la mort m’appelle. Je ne veux ni bandeau, ni être attaché. Je vous embrasse tous, c’est dur quand même de mourir…» Pour le reste, tu as vécu ma vie. Elle fut tragique et j'étais marqué par le destin, mais nous nous sommes bien aimés, n'est-ce pas, ma grande chérie ?...» Léon Jost, Gabriel Péri, Henri Bajtsztock, Guy Môquet, René Bompain, Louis Honoré d’Estienne d’Orves, Tony Bloncour, ils sont des milliers de résistants, célèbres ou anonymes, fusillés pendant l’Occupation, victimes des Allemands et de Vichy. La veille de leur exécution, ou à quelques heures de mourir, ils adressent à leur famille, à l’être aimé, à un(e) ami(e) leur dernière lettre. Ils parlent pour les milliers d’autres - les massacrés, les déportés, les victimes d’exécutions sommaires - qui sont morts sans laisser la trace d’une dernière parole. Leurs lettres ont été parfois retenues par la censure, parfois transmises aux destinataires par la voie officielle, souvent aussi passées par des aumôniers, français et allemands, par des gardiens de prison, par des avocats qui agissaient au péril de leur vie. Ces 130 lettres de résistants fusillés proviennent des collections du Musée de la Résistance nationale (à travers les versements de l’Association des familles de fusillés et des Amicales des anciens prisonniers des centrales françaises), des Archives nationales, des musées et bibliothèques de région parisienne et de province, enfin de familles. Elles sont inédites aux deux tiers (celles déjà publiées avaient, en outre, fait l’objet de coupes et d’une réécriture).
On y lira un portrait de la Résistance. Des hommes - les femmes ont très rarement été fusillées en France - de tous âges (seize à soixante ans) ; de tous milieux, même s’ils sont généralement issus des classes populaires ou des professions libérales ; de toutes origines, Français, Italiens, Espagnols, Arméniens, Polonais... Tous ne sont pas, contrairement à la terminologie nazie et vichyste, des « partisans », des « francs-tireurs » : ils sont, le plus souvent, envoyés à la mort comme otages, pour distribution de tracts ou actes de solidarité. Ils appartiennent à tous les partis, si tant est que la notion d’idéologie ait un sens dans l’action résistante. Car comment qualifier un curé de campagne, des plus traditionnels, engagé dans les FTP communistes ?

Ces lettres de la dernière heure constituent un acte de résistance. Elles sont destinées à être lues, répétées, au sein de la famille, et dans un cercle plus large. Ces hommes se tiennent debout, sans regrets, face à la mort. Ils redisent inlassablement leur amour à ceux qui resteront. Ceux-là, surtout, les préoccupent : de quoi vivra leur femme, leurs enfants feront-ils de bonnes études, trouveront-ils un bon métier ? Ils parlent philosophie, foi, sacrifice, ils apprivoisent la mort. Souvent, ils nous étonnent. Fertet, un gamin fusillé à Besançon, répartit bouquins et soldats de plomb. Beck, un communiste polonais, s’étend sur l’ordonnancement posthume de son jardin. À quelques heures du trépas, ces combattants de la liberté livrent une inoubliable leçon de ténacité, de courage, de dignité.


Merci à elles/eux.