Agatha Christie, tome 03 : Dix petits nègres (version BD)
de Agatha Christie, François Rivière (Scénario), Frank Leclercq (Dessin)

critiqué par Shelton, le 27 novembre 2005
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Même eux, on les a mis en bédé !
Je ne sais pas si Agatha Christie avait en conscience, en 1939, d’écrire un roman qui allait devenir – je ne dirais même pas culte, tant le succès fut fort et demeure encore – mythique… Oui, un roman policier qui est étudié au collège, sert encore de référence aux romanciers, est l’objet d’études universitaires de tout niveau… quelle réussite !
Mais un tel chef d’œuvre pouvait-il être adapté en bande dessinée… Un tel mécanisme diabolique résisterait-il à la mise en images sur papier ? Je dirais même plus, une telle adaptation resterait-elle crédible et intéressante à lire, sachant que tout le monde semble connaître l’histoire et son dénouement à rebondissement ?
Alors ouvrons cet album de bédé, et pour commencer offrons quelques éléments du scénario pour ceux qui n’auraient aucune idée sur ce roman Dix petits nègres… Dix personnages, arrivant de toute l’Angleterre, se retrouvent sur l’île du Nègre. Ils ont été invités ou embauchés par un mystérieux couple, Monsieur et Miss O’Nyme… qui se permet de ne pas être là pour les accueillir. Le premier soir, on retrouve huit personnes pour le dîner, un couple, les Rogers, pour les servir… C’est là que le suspense commence à se mettre en place… Un disque préparé à l’avance offre le réquisitoire le plus étonnant qui soit… Imaginez le tableau, les dix personnages de l’île sont accusés chacun d’un crime… L’affaire est sérieuse, mais ils n’auront pas beaucoup de temps pour trouver une réponse à leur interrogation – qui peut bien savoir tout ça sur eux que leur veut-on ? – car, quelques instants plus tard, en prenant un doigt de whisky, Anthony Marston s’étouffe et meurt…
« Dix petits nègres allèrent dîner, l’un d’eux s’étouffa et il n’en resta que neuf… »
J’ai oublié de vous dire que dans chaque chambre on peut trouver un cadre avec un poème qui explique comment dix petits nègres trouvent la mort, tous de façon assez violente ou surprenante… Or, à partir de la mort de M Anthony Marston, on assiste à la disparition, pour chaque mort, d’une statuette de nègre appartenant à un groupe de… dix statues identiques… exposé dans la salle à manger.
Ce qui est oppressant dans le roman, mais dans la bande dessinée aussi, c’est le moment où les six survivants, après la mort de Thomas Rogers, comprennent que tous les évènements sembles organisés et méticuleusement calculés, prémédités : chacun meurt comme le prévoit la chansonnette des dix petits nègres, et ils comprennent que chacun finira par mourir de la main d’un d’eux. Il n’y a personne d’autre sur cette île, obligatoirement, donc, l’assassin machiavélique est l’un d’eux…
Je ne dirai rien de plus sur le mécanisme du roman, sur la solution qui arrivera bien à la fin comme dans tout bon roman policier… Pour ce qui est de l’adaptation en bédé, elle est sans surprise, classique.. Mais il manque un petit quelque chose pour que ce soit parfait… On aurait aimé que les auteurs, Rivière et Leclercq, nous surprennent avec une narration graphique légèrement plus rythmée ou différemment organisée que celle du roman. Je pense que c’était possible… en particulier avec les dernières planches de l’album qui sont beaucoup trop statiques…
Néanmoins, comme il s’agit d’un grand classique, ce peut être aussi une façon de donner envie à un jeune lecteur d’aller prendre le roman dans la bibliothèque de ses parents (c’est bien la seule chose que mes enfants ont le droit de me voler, enfin de m’emprunter…).