L'homme que l'on croyait
de Paul Pavlowitch

critiqué par Sibylline, le 26 novembre 2005
(Normandie - 74 ans)


La note:  étoiles
Passionnant
Je ne m’explique pas comment il se fait que ce livre n’est pas réédité. Nous avons tout de même là une pièce majeure du « dossier » Gary-Ajar et il me paraît extrêmement difficile de comprendre un peu ce qui s’est passé sans avoir lu ce récit de Paul Pavlowitch, le petit neveu qui a tenu le rôle d’Emile Ajar pendant les quelques années qu’a duré la mystification.
Faute de cet ouvrage, il ne reste plus au lecteur qui tente de comprendre, que la lecture d’essais, parfois fort bien faits, je ne le nie pas, mais qui ne sont que des commentaires de documents. Comment se fait-il qu’en à peine une vingtaine d’années les documents primitifs eux-mêmes disparaissent ?
Sur le micmac Gary/ Ajar, nous avons deux documents de premier niveau : « Vie et mort d’ Emile Ajar », rédigé par Romain Gary. Très court fascicule publié après sa mort, très intéressant, mais qui ne rentre guère dans les détails. Comment le pourrait-il en 30 pages format 12 X 18 ? Et cet «homme que l’on croyait» de Paul Pavlowitch. Le premier est encore trouvable, mais à 9€50 en ce moment, ce qui fait cher la page, quant au second, il ne reste plus aux amateurs qu’à le traquer chez les soldeurs (ce que je ne saurais trop vous conseiller de faire). Je ne comprends vraiment pas cette absence de réédition d’autant que je suis persuadée que les amateurs seraient nombreux à acheter cet ouvrage s’il réapparaissait à la vente.
Ca c’est le premier mystère. Le second, qui me contrarie moins mais me laisse un peu perplexe tout de même, c’est le titre : «L’homme que l’on croyait» Quel homme ? Gary ? Pavlowitch ? Celui que l’on croyait quand il disait quelque chose ou celui qui n’était pas l’homme que l’on croyait ? C’est ambiguë. Je ne saisis pas bien.
Pour le reste, par contre, nous avons là un ouvrage de plus de 300 pages, qui lui rentre dans le détail de l’aventure.
La crédibilité de Paul Pavlowitch a beaucoup souffert de l’image qu’a donné de lui le roman «Pseudo», mais pour ma part, j’ai eu, tout au long de la lecture de «L’homme que l’on croyait », à peu près la conviction de sa bonne foi. Il reconnaît trop de choses dévalorisantes pour lui pour que j’en doute, et puis, c’est dans le ton, dans la façon de dire. Je crois tout à fait ce qu’il raconte au moins, dans les grandes lignes. D’ailleurs, rien du peu de ce qu’a écrit Romain Gary n’est vraiment en opposition avec cette version. Et puis, qu’est-ce que la vérité dans une affaire aussi complexe ? Les deux ont pu avoir une vision différente des choses sans qu’aucun n’ait désiré mentir. C’est cela aussi qui rend cet ouvrage passionnant, cet autre angle de vue : pas celui de Gary, de la presse, ni des experts, non, l’angle de celui qui jouait le rôle d’Ajar. Ce n’est pas rien.
Autre intérêt majeur de ce livre : la description de l’activité créatrice chez Romain Gary. Ca, c’est tout simplement passionnant. Voir, par les yeux de Pavlowitch, qui lui servit de secrétaire, comment les choses se passaient et se mettaient en place, c’est unique et à ne pas rater.
Enfin, cet ouvrage donne de précieux renseignements sur l’historique et les circonstances des 29 romans de Romain Gary. Tous (me semble-t-il) sont évoqués, parfois rapidement, parfois au contraire, parce qu’ils sont au cœur de l’histoire, comme «Pseudo», avec beaucoup de détails et d’explications essentielles. Lire «Pseudo», sans savoir ce qui est dit ici, c’est l’assurance de peu et mal le comprendre.
Conclusion : Indispensable.