Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?
de Christiane Singer

critiqué par Macréon, le 28 mai 2001
(la hulpe - 90 ans)


La note:  étoiles
L'amour ne rend pas aveugle, il rend visionnaire.
Christiane Singer, d’origine austro-hongroise, est un(e) écrivain(e) relativement prolifique, de sensibilité chrétienne imprégnée de sagesse orientale, qui s'abstient de donner des leçons de morale et exclut tout dogmatisme.
Elle a suivi l’enseignement de Graf Karlfried Dürckheim, (disciple lui-même de C.G.Jung), fondé sur la méditation qui ouvre le chemin du divin en soi, aide l'homme à en revenir à la notion de maître intérieur, cette force surnaturelle en chacun de nous. Dürckheim est mort en 1988.
Après des études de lettres à Aix-en-Provence, Christiane Singer enseigne ensuite aux Universités de Bâle et de Fribourg. Elle fut secrétaire-générale du P.E.N. Club autrichien, de 1990 à 1998 et vit aujourd'hui dans son château médiéval de Rastenberg, non loin de Vienne. Ses parents sont originaires d'Europe Centrale.
“A l’écart de toute institution ou foi établies, déchirée entre l'extrême beauté du monde et sa cruauté aussi extrême", Christine Singer doit donc beaucoup à l'enseignement du comte Dürckheim. Ce dernier fut lieutenant dans l'armée allemande pendant la guerre 1914-1918, notamment à Verdun, où il connut les affres de la solitude, de l'absurdité et de la mort. En 1923, Dürckheim est reçu docteur en psychologie et part pour l’Italie, afin de mieux s’approprier les sortilèges de l'art, indispensables à la compréhension de la psychologie de la personne envisagée dans son entièreté. Il est ensuite nommé professeur de psychologie à Breslau en 1937. Banni par les nazis, il part pour le Japon et est attaché d’ambassade jusqu’à la fin de la guerre. Avant son retour en Allemagne, il est emprisonné par erreur par les Américains pendant seize mois. Une douloureuse confrontation encore, avec l’absurde et la solitude.
1948: retour en Europe. Il crée son centre de psychothérapie dans la forêt Noire (Todtmoos-Rutte).
Revenons à Christiane Singer. Comme celle de son mentor et maître, son oeuvre et sa réflexion personnelles sont toutes entières centrées sur la prise en compte nécessaire du risque spirituel qui couve dans le coeur de chacun. “Les religions établies sont trop souvent impuissantes à offrir des remèdes adéquats."
Elle est obsédée par l’enfance de nos pays dont le territoire est en butte à un pilonnage sans merci et qui est la cible de notre ordre social et industriel qui ne vise rien d'autre que son extinction. "L'avalanche de gadgets et de machines diaboliques que nous déversons sur eux avant qu'ils n'aient atteint l'âge de l'abstraction est une entreprise de destruction: les yeux s'éteignent, deviennent carrés comme les écrans et pleins d’images mortes et mortifères.Nous sommes alors délivrés de leur regard !"
L’amour de la femme et de l’homme n’est plus qu’un espace miné. Les panneaux publicitaires couverts du corps des femmes apparaissent parfois comme un étendage de peaux sous le couteau des équarrisseurs. En un mot, tout ce qui est sacré, secret, est retourné comme peau de lapin , écorché, profané, dérisoire.
Mais allons plus loin dans l'analyse de Christiane Singer : "Nous sommes enfermés dans une prison et une voix nous dit: “Sors". Nous répondons: "Impossible, la porte est verrouillée", et la voix nous dit: "Oui, mais elle est verrouillée de l’intérieur, regarde et ouvre !“ Le Réel, lui, n'a ni porte ni fenêtre, il est l'infini de l'infini de l'infini des possibles.
Christiane Singer vient d’être interviewée par un journaliste du club "le Grand livre du Mois" . Ses réponses sont percutantes et radicales. Question : "ne peut-il y avoir d’arrangement entre matérialisme et spiritualité?
Réponse: “l’opposition est irréversible. Le premier fonctionne sur le manque, l’autre sur la plénitude. Le premier nous propose un saladier plein de bonbons sirupeux: impossible de s'arrêter de mettre les bonbons à la bouche... L’accès à l’intériorité me révèle au contraire que je suis “entier". Il faut tenter de reprendre pied en soi-même, de retrouver ses racines intérieures. La dimension religieuse de la vie vient parfois d'elle-même, lorsque le coeur est pacifié. La religion, il ne faut pas lui courir après. Un jour, on s’aperçoit qu'on tient debout sur elle.On découvre les fondations de son être."
En plus des nombreux livres qu'elle publie régulièrement surtout aux Editions Albin Michel, dont le récent “éloge du mariage, de l'engagement et autres folies", Christiane Singer donne des stages, des séminaires et des conférences très suivies. Elle cite souvent l’Ancien et le Nouveau Testament, des textes du bouddhisme, de l’Islam, le Zen... Ses analyses sont raffinées, son style limpide.
On lui demande enfin: n’êtes-vous pas tentée par l’oecuménisme, par la tendance des croyances diverses à se combiner, à se rapprocher? Réponse: "pas une religion ne m’est étrangère. Je suis une voyageuse passionnée. Mais de grâce, que chacune reste dans sa lumière propre !"