Ombres blanches (Les)
de Hervé Carrier

critiqué par Sahkti, le 3 novembre 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Les ombres de la mémoire
L'histoire d'un homme-mémoire qui lit une seule fois un livre avant de le détruire et le connaît par coeur. Ce qui lui permet, sous la houlette d'un imprésario peu scrupuleux, de se produire sur scène en qualité d'attraction savante.
Seulement voilà, notre homme finit par se perdre entre réalité et fiction. Les nuits deviennent les jours et ses rêves prennent vie sous ses yeux ou dans sa tête, on ne sait plus trop, compliqué de distinguer ce qui est lu de l'invention ou de la réalité.

Dessin en noir et blanc pour Hervé Carrier, une ligne sobre qui se partage de case en case au fil des histoires que nous raconte le héros. Pas très joyeux, assez désabusé avec une réflexion intéressante à mener: à quoi ça sert de tout savoir? Surtout si on devient prisonnier de cette culture qui empêche de douter et donc de vivre.
Il y a des parallèles frappants entre ce monde imaginaire qui débute l'ouvrage et des scènes du quotidien qui se glissent ci et là. De quoi faire ressentir le mal-être du narrateur et les difficultés de vivre dans une bulle entourée du temps qui passe et de la Terre qui tourne.
Par moments un brin confus, à l'image de ce qui doit se passer dans la tête de cet homme qui retient tout et en souffre plus que ne veulent bien le croire ceux qui viennent l'écouter.
Une certaine inégalité entre els chapitres, tant dans le rythme que dans la qualité du dessin.
Au final, un album intéressant à découvrir pour la réflexion qu'il amène sur l'utilité de la connaissance et sa perversité.
L'ombre de la mémoire sur le Murr 6 étoiles

Je n'ai malheureusement aucune référence en matière de bande dessinée, à peine quelques Astérix et Tintin lus par pur hasard et sans véritable passion. Je n'ai jamais été attiré par ce genre d'ouvrage et je n'en tire aucune fierté. Ajouté à cela que la poésie ne m'éveille pas non plus. Ce qui, je le reconnais volontiers, commence à faire beaucoup pour une seule et même personne. Reste l'immense galaxie en pleine expansion de la littérature, et ça, c'est déjà beaucoup.

Revenons donc à l'ouvrage de Carrier. Le graphisme, ainsi que le traitement en noir et blanc m'ont plu tout de suite, tout comme le sujet. Le héros, à l'image d'un ancien conteur du pays de Caux ou d'un sage africain assis sous l'arbre à palabre, incarne le passeur de mémoire. Grâce à sa prodigieuse faculté a pouvoir conserver dans le labyrinthe de son cerveau tous les ouvrages qui lui sont donnés à lire, il est devenu le dépositaire de la mémoire collective.

En abordant les thèmes de la fragilité de la mémoire et l'importance de la transmission du savoir, l'auteur s'est efforcé d'en décliner plusieurs aspects, à l'exemple de l'exploitation du héros par un impresario sans scrupules, de la censure exercé par les maîtres de la pensée unique ou de l'abandon des connaissances faute d'interlocuteur en quête de savoir.

Malheureusement, une impression de fouillis se dégage de cette BD où les différentes scènes ne semblent pas toujours raccords. Car si on comprend bien le sens des scènes détachées du cadre général du livre, en revanche, il est malaisé de saisir totalement la manière dont elles s'articulent les unes par rapport aux autres.

Un ouvrage louable de par son sujet, mais qui pêche par son coté fourre tout.

Heyrike - Eure - 56 ans - 3 août 2006