Un monde si tranquille, tome 2 : Anticyclone
de Étienne Davodeau

critiqué par Kinbote, le 1 novembre 2005
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Déréliction
Une femme chargée de l’entretien dont l’emploi est menacé et un chauffeur de camion dont le poste est également en balance sont confrontés au sein d’une même entreprise et en viennent à des actes extrêmes B.a.-ba de la culture politique, il ne faut pas que les délaissés de la société se battent entre eux. Plus facile à dire qu’à mettre en oeuvre quand on sait que les vrais ennemis sont dans notre camp, de notre milieu, et que les " puissants" le savent et en jouent.
« Jusqu’où seriez-vous prêt à aller pour garder votre travail ?" interroge la quatrième de couverture.
Davodeau montre que rien ne s’intègre dans des cases, que la vie n’est qu’effusions en partie incontrôlables.
Le scénario est souple, ne semblant pas suivre un plan convenu. Quand le DRH kidnappé par les deux protagonistes de cette histoire est sur le point de faire l’amour avec l’héroïne, un moustique les en empêche. Et malgré ce rapprochement, l’employée campe sur ses positions.

Le dessin des divers personnages ne les enferme pas dans des contours stricts, comme si en s’écartant constamment de leurs traits distinctifs, ils affirmaient leur non définition sociale. Tout dans cette BD semble ne répondre à aucun plan établi, comme dans la vie de plus en plus soumise aux aléas du grand jeu économique.
Par ces apparentes irrégularités, son mélange des genres, une sorte d’inachèvement qui imprègne l’ensemble, cette bd et son auteur résolument engagé ont capté mon attention et l’ont soutenue. Jusqu’à la fin.

Voir le site de l’auteur : www.etiennedavodeau.com
La jungle sociale 7 étoiles

Si l'on se contente d'une lecture au premier degré, narrant simplement une "aventure" avec sa succession d'incidents, l'intérêt est correct mais laisse sur sa faim en raison d'une fin peu claire.
Plusieurs point interpellent sur la cohérence du déroulé en dehors du fait que l'on ne connaît pas bien l'antériorité de la vie de l'héroïne principale. Le fait, par exemple que les employés grévistes utilisent les camions de la société de leur propre chef et mènent une chasse à l'homme sur les routes. Le fait que les camions s'avèrent plus rapides qu'une simple camionnette. Le fait que des oeuvres d'art précieuses voyagent sans précautions particulières.
On se demande également ce qui pousse cette femme à chercher à retrouver les deux protagonistes principaux afin de les aider.
La fin n'est pas vraiment très claire non plus.

Par contre, si l'on ressort de cette lecture en en prenant les aspects symboliques, si l'on s'attarde aux aspects symboliques plus qu'à l'histoire brute elle-même, la BD prend une autre dimension. Les sujets abordés se révèlent être un regard social.
On y trouve la précarité de l'emploi et la difficulté des mères isolées, le poids des nécessités de rentabilité dans une entreprise, la prédominance du financier sur l'humain, la bataille féroce interne entre les employés eux-mêmes pour garder ou trouver un emploi, les conduites extrêmes pour justement garder cet emploi. Les solitudes également que l'on trouve à tous les niveaux : de la mère célibataire qui doit de battre pour s'en sortir à celui qui ne vaut, à aucun prix, retourner dans la rue, via le DRH isolé entre sa propre personnalité et les implications de sa fonction.
Ensuite, cette personne qui s'attache à retrouver les deux personnages principaux dont la vie part en pleine déconfiture peut être l'allégorie des associations humanitaires.
Enfin, la fin peut être considérée comme l'illustration que jamais rien n'est sûr dans ce monde du travail.
Le titre évoque bien l'intention de l'auteur. Apparemment tout va bien mais dès que l'on gratte un peu c'est une jungle qui apparaît, à tous les niveaux : du directeur de l'entreprise qui fait face à la concurrence aux employés aux emplois constamment menacés en passant par le DRH qui doit faire abstraction de sa sensibilité pour appliquer les directives au risque de mettre en danger son propre emploi.

Au final, un ouvrage avec ses faiblesses mais plutôt intéressant, au graphisme agréable et plutôt réaliste, suffisamment descriptifs sans être surchargé de détails inutiles. Les personnages sont aisément identifiables toujours grâce à ce crayon efficace.

Mimi62 - Plaisance-du-Touch (31) - 71 ans - 19 avril 2024