Xylème
de Marcel Peltier

critiqué par Kinbote, le 31 octobre 2005
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Poème de la somme du tout et du rien
Dans Xylème, il est question de ce bois profond en nous, de cette force intérieure au-delà des apparences extérieures, nous précise d’emblée une note liminaire. Marcel Peltier fait sienne cette citation de Valéry, « le poème...cette hésitation en le son et le sens ».
180 pages de poésie bien dans la manière de Peltier, où se mêlent la fantaisie à la réflexion existentielle, le hasard à la nécessité, la liberté à la contrainte, l’oiseau de fièvre au rouge-gorge.

Dans la préface, Daniel Charneux se demande si Marcel Peltier est un homme ou un arbre, « ce réseau fabuleux qui permet la circulation de la sève brute ». C’est bien vu car ces poèmes débordent de force et peuvent se lire comme des machines énergétiques qui se serviraient des mots comme carburant (« Voici le mot voici la phrase/ Voici le tohu-bohu de la déraison ») pour allumer nos imaginaires, produire des étincelles de sens, un feu continu d’interrogations et de ravissements. Fort de sa connaissance de l’histoire de la poésie, ce poème de la somme du tout et du rien, comme la qualifie l’auteur, peut se lire comme un voyage dans la poésie et la peinture modernes où Marcel Peltier ne cesse de se ressourcer avec bonheur. Pour en somme faire barrage, par déploiement de feuillage, au silence et à la solitude qui enserrent nos racines et tenaillent nos ciels.

« Les masques arrachés

singuliers présages
les mots devenus pluriels
juste à portée de la main généreuse

le verbe éclaté
en des millions de soleils de feu

mots
de la démesure

mots des enfants. »

(Les masques arrachés)

Le livre est complété par une couverture pleine page et une remarquable iconographie sur les arbres (l’arbre-volcan, l’arbre- plénitude, l’arbre-sphère...) signée Salvatore Gucciardo.

Les éditions Chloé des lys : http://www.membres.lycos.fr/chloedeslys/
Xylème, poème de l'homme - arbre. 9 étoiles

« Le poème… cette hésitation entre le son et le sens » rappelle Valéry dans l’épigraphe.

Pas d’hésitation, répond Eluard. « Jamais une erreur, les mots ne mentent pas… » : « La libellule ulule, me dit la tourterelle ». Et c’est la liberté du poète de ne pas hurler avec les loups, et d’entendre ululer la libellule sous la cupule de la lune, pourquoi pas, pour la plus grande joie de ces grands enfants, les lecteurs de poèmes.

Pas d’hésitation, mais ces yin et ces yang dont se nourrit l’arbre Marcel Peltier, cet incessant balancement entre hasard et nécessité, automatisme et contrainte, déterminisme et liberté, nature et culture, ombre et lumière, vie et mort, présent et passé, guerre et paix, tsunami et rouge-gorge…

« Il est venu
le rouge-gorge
a-t-il la fièvre ?

Il est venu
me dire qu’il fait froid
puis il est reparti

Solitaire »

Solitaire comme le poète dans la nuit. Solitaire et angoissé, parfois, par ce qui vient :

« Quels sont
ces pas entendus derrière la porte ? »

Comme le poète qui écrit contre l’horreur, soixante ans après l’horreur concentrationnaire (« Le travail ne rend pas libre ») et que tente pourtant le silex du silence :

« Silence
Silex taillé à vif

Et cet écho

Silex taillé à vif
Silence »

Du silex au xylème. De l’étincelle au bois sec qui l’attend. Et Marcel Peltier qui entretient la petite flamme poétique, à petits souffles quotidiens, pas à pas, main dans la main avec la vie.

A noter aussi - Kinbote oublie de la mentionner - la belle postface d'Eric Allard.

Lucien - - 69 ans - 1 novembre 2005