Mort et vie de Lili Riviera
de Carole Zalberg

critiqué par Monsieur A., le 31 octobre 2005
( - 58 ans)


La note:  étoiles
Le coeur de Lili
Un livre qui nous parle de désir, du désir des autres, du désir d’être aimé, du désir charnel aussi suscité par cette Lili Riviera, poupée de chair modelée à coup de bistouri pour devenir une star du porno, la femme « aux plus gros seins du monde ».
L’écriture au scalpel de Carole Zalberg va à l’essentiel pour décrire la grandeur et la chute de cette Lili, un être déchiré par la vie qui devient, à force de vouloir exister, une sorte de monstre de foire...
Un récit maîtrisé de bout en bout, inspiré au départ du sort de la fameuse Lolo Ferrari mais qui nous entraîne sur d’autres chemins, sensibles, qui atteignent la conscience et le coeur de chacun.
« Mort et vie de Lili Riviera » Carole Zalberg - Ed. Phébus, 12 euros.
Les bombes, ça finit par exploser. 9 étoiles

J’ai lu le jour de sa sortie, ce nouveau roman où Carole livre le meilleur d'ellei-même. Impression d’une descente aux enfers ou d’une crucifixion. Si Ella, elle a « ce tout petit supplément d’âme », Lili souffre de l’inverse : un déficit d’âme. Elle, ou plutôt l’environnement qui la produit. Car Carole décrit très bien cette sorte d’horrible déterminisme qui la façonne : famille, « société », ce Marc, âme damnée, ce Cédric qui se brûle lui aussi à la flamme de l’artifice, ce profiteur de Francky, l’abominable docteur Z… Et toujours cette écriture sobre, précise, efficace. L’alternance réussie passé / présent. Tout est joué depuis le début, Lili est déjà morte. L’histoire d’une autopsie, en somme. Un procès verbal. Le mot juste, toujours le mot juste, rien que le mot juste. Et l’émotion s’insinue chez le lecteur, et l’écoeurement, et jusqu’à la culpabilité (en tant que père de deux filles, je me suis vu dans la peau de Bruno, et je n’étais pas fier). J’ai de nouveau songé à Mauriac, et notamment à ce beau titre qu’il disait pouvoir être celui de son œuvre entière : Le désert de l’amour. Oui, l’amour manque à cette femme, à cette mère qui cherche un ersatz en son dieu, à cette famille purement socio-biologique, à ces hommes bouffés par le désir, à cette société plastique… J’ai refermé le livre avec un sentiment de noire tristesse. Petite sœur de Marilyn ? Oui, sans doute, avec autant de souffrance ici que là, autant de distance entre la petite fille et la poupée, entre l’enfant et la putain. Des bombes… et les bombes, ça finit par exploser.

Lucien - - 69 ans - 2 novembre 2005