Tintin (Les aventures de), tome 15 : Tintin au pays de l'or noir
de Hergé

critiqué par Shelton, le 28 octobre 2005
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Au prix du pétrole...
La première version en couleur de cet épisode des aventures de Tintin date de 1949. Mais, en fait, si on veut remonter à la genèse de Tintin au pays de l’or noir, il faut remonter à 1939. C’est, en effet, le 25 septembre de cette année que commence le feuilleton dans le Petit Vingtième, après Le sceptre d’Ottokar. Malheureusement pour Hergé, et pour toute l’Europe, la guerre vient interrompre les publications… Mai 1940, Hergé est obligé de laisser son histoire, sans l’avoir terminée, et surtout sans pouvoir lui donner de suite avant la fin de la guerre…
La guerre, elle, connaîtra bien quelques nouvelles histoires de Tintin : Le crabe aux pinces d’or, L’étoile mystérieuse, Le secret de la Licorne, Le trésor de Rackham le rouge… Après la guerre, on aura encore deux nouvelles histoires, Les 7 boules de cristal et Le temple du soleil… Durant ces épisodes, on verra Tintin rencontrer le capitaine Haddock et le professeur Tournesol, nouveaux personnages qui n’existaient pas lors de l’ébauche de Tintin au pays de l’or noir et à qui il faudra donner une petite place, ne serait-ce que pour rester cohérent, principe auquel tenait beaucoup Hergé qui pourtant y dérogera parfois, en particulier à la fin de cet album…
Nous allons donc étudier cet album en partant de l’édition de 1949/1950, tout en expliquant les différences, fort importantes, avec celle de 1969 qui servit de base à la traduction en anglais…
Nous commencerons par parler en quelques instants de la couverture même si nous l’avons déjà fait par ailleurs. En effet, la jeep conduite par Tintin va de la droite vers la gauche, sens inhabituel de lecture… Erreur du maître Hergé ? Non ! Mais comme sous le titre de l’album, Hergé met quelques lettres qui semblent sortir de l’abécédaire arabe, langue qui se lit de la droite vers la gauche, pour une fois la voiture de Tintin va dans le sens contraire de la lecture occidentale… Mais ce que l’on peut rajouter, c’est qu’en fait sur la couverture de 1950, les lettres ressemblent à de l’arabe mais ce n’en est pas vraiment. C’est sur l’édition de 1969 qu’Hergé, ou Bob de Moor, fait l’effort de mettre des vrais mots arabes…
D’ailleurs, la question qui reste posée dès le départ de cette histoire, c’est bien de savoir dans quel pays nous allons aller… Le pays de l’or noir ? C’est où ? L’Arabie Saoudite, penserez-vous… et vous ne devriez pas en être trop éloignés car dans la version de 1969 Hergé parle, à travers ses personnages, de l’Arabie Khémédite… Alors que dans la version de 1949, on parle de pays, de territoire, sans le nommer, tout en signalant simplement qu’il est occupé par les Anglais… Mais en lisant les planches à partir de l’arrivée dans le port de Haïfa, on comprend bien que l’on parle de la Palestine avant l’indépendance d’Israël… C’était d’actualité en 1949, pas en 1969, ou plutôt pas de la même façon… Mais revenons à notre histoire…
Tout commence en Belgique avec deux planches à la gloire des Dupondt, certes, mais qui nous font plonger dans l’histoire pétrolière, dans l’énigme qui ne trouvera sa solution qu’en fin d’album… D’ailleurs, les Dupondt seront des personnages importants de cette histoire car très présents…
Les voilà qui viennent faire le plein de leur voiture, une Citroën 5HP de 1924. Belle pièce qui ne survivra pas très longtemps, car après un plein partiel, trois litres seulement – je ne sais pas si c’est pour montrer la pingrerie des policiers, mais ce serait bien possible de la part de Hergé qui n’aime pas mes policiers –, elle va tout simplement exploser… sans blesser les deux Dupondt. Il est à noter que l’entreprise de dépannage, Simoun, que vont utiliser les Dupondt et qui aura un rôle important en début d’histoire porte un nom proche des noms juifs ce qui va bien avec l’idée d’un album ayant pour cadre la Palestine. Le nom ne changera pas en 1969. M. Simoun, le directeur de la compagnie, dont les affaires semblent très bien marcher et pour cause, puisque toutes les voitures semblent avoir des moteurs qui explosent, est dessiné par Hergé sous les traits d’un riche homme d’affaires, possesseur d’une très belle voiture dont les Dupondt s’occuperont personnellement…
Mais à travers les gags présentés, nous apprenons l’essentiel et ce n’est pas rien. Tout d’abord, nous sommes à la veille d’une guerre, les réservistes sont rappelés et mobilisés, ce qui permettra d’expliquer pourquoi le capitaine Haddock ne sera pas présent durant cet épisode, il a tout simplement été mobilisé par le ministère de la marine… En suite, une sorte d’épidémie d’explosions de moteur touche le monde automobile et pas seulement les autos conduites par Dupond… D’ailleurs c’est aussi son briquet qui explose, mais Dupont n’est pas en reste car c’est lui qui comprend à qui profite le crime : si on fait exploser les voitures c’est pour les dépanner donc c’est encore un coup de l’entreprise Simoun… Tintin est plus inquiet et il va mener son enquête chez la Speedoil et Hergé nous offre un cours de géopolitique pétrolière mais qui permet aussi à Tintin d’entrer en action : qui cherche vraiment à pourrir cette essence ? Pourquoi ? Et il estime qu’il faut trouver une solution avant qu’une guerre éclate, car faire la guerre avec ce carburant trafiqué serait impossible… Tout semble pousser Tintin à s’embarquer sur le Speedoil Star, un pétrolier qui changera de silhouette entre les deux éditions. Le premier ne ressemblait que de fort loin à un pétrolier et Bob de Moor prendra le temps de donner un air réaliste à celui de 1969.
Mais ce pétrolier verra aussi les Dupondt s’embarquer. Dans l’édition de 1949, ils sont en sombre, certes déguisés en marins à pompons, mais c’est dans l’édition de 1969 qu’ils portent le nom d’un paquebot célèbre… A vous de voir lequel ! (Réponse en fin de chronique)
La traversée sera mouvementée, surtout pour Milou qui a eu très chaud, un peu plus il se retrouvait à la mer, mais l’arrivée à Haïfa sera d’autant plus délicate que les forces anglaises arrêtent Tintin pour détention de documents secrets tandis que les Dupondt le sont aussi pour les mêmes raisons… Mais qui a pu mettre en place une telle machination, et, surtout, pourquoi ?
D’autant plus qu’à terre, les choses se précipitent et voilà Tintin au cœur de la guerre entre clans. Le convoi qui le transfère à la prison centrale est attaqué par des Juifs de l’Irgoun, puis après par des Arabes du cheik rebelle Bab El Ehr… qui attendait un espion à sa solde…
Dans la version de 1969, le port de Haïfa est remplacé par Khemkhâh, les Anglais par une police militaire arabe, et les documents dans les affaires des Dupondt par de la cocaïne… Tintin est alors directement enlevé par les combattants de Bab El Erh qui pense qu’il s’agit d’un émissaire devant lui apporter des armes…
Dans les deux versions, les Dupondt sont libérés et partent à la recherche de leur ami Tintin en jeep à travers le désert. C’est un grand moment d’humour qu’Hergé s’offre, non… nous offre, car, finalement, cette séquence de la perte dans le désert n’apporte pas grand chose au lecteur, à l’histoire, mais quelle imbécillité que celle de ces deux policiers… Et en plus, ils absorbent un cachet de ce fameux produit que tout le monde cherche sans savoir ce qu’il est…
Mais revenons-en à Tintin. Il connaît la soif, la chaleur, la fatigue extrême, il est abandonné en plein désert, lui aussi se perd… mais va se retrouver au cœur de l’histoire en assistant à un attentat sur un pipe-line… Mais c’est là que nous allons découvrir le méchant, et, comme Tintin, nous allons avoir la surprise de reconnaître ce méchant… D’ailleurs, à vous de vous souvenir de tous les albums dans lesquels il apparaît, car les méchants peuvent avoir la vie dure chez Hergé… (Réponse en fin de chronique)
Tintin ayant compris qui il avait en face de lui, il lui faut comprendre l’enjeu de cette lutte. Cela sera fait quand il pourra approcher, de façon délicate, Mohammed Ben Kalish Ezsab, émir du pays, l’Arabie Khémédite. Mais dans le salon d’attente de son altesse, il voit le professeur Müller qui sort d’une audience. Après les éminentes explications, il comprend le double conflit qu’exploite Müller, la rivalité entre Ben Kalish Ezsab et Bab El Ehr, les enjeux pétroliers et financiers entre l’Arabex et la Skoil Petroleum… Tout cela tombe dans le drame lorsque le fils de l’émir est enlevé. Oui, c’est le début des aventures du fameux Abdallâh, jeune garçon blagueur que l’on croisera pour le plus grand malheur du capitaine Haddock dans Coke en stock… Mais en attendant, pour que Tintin puisse mettre en échec le terrible professeur Müller, il lui faut avoir de l’aide. C’est le bon Senhor Oliveira da Figueira qui jouera ce rôle. Là encore, Hergé fait appel à des personnages déjà connu. On l’a rencontré pour la première fois dans Les cigares du Pharaon et on le retrouvera, bien sûr, dans Coke en stock et de façon moins évidente, en allusion, dans les Bijoux de la Castafiore… Mais en sa compagnie, impossible de mourir de soif, car sa réserve de rosé du Portugal est presque inépuisable… Enfin, surtout quand le seul invité est Tintin. Quand Haddock s’en mêle c’est quelque peu différent… Mais dans quel album Haddock fait-il la connaissance de ce bon vin ? (Réponse en fin de chronique)
Tintin se transformera alors en neveu du commerçant portugais, un peu simplet, ce qui lui permettra de s’introduire chez l’horrible professeur Müller, enfin Smith dans cette histoire. Alors tout pourra prendre fin pour le meilleur, comme d’habitude.
Nous signalerons quelques petites choses de la fin de cet album qui n’est pas, de toute évidence, le meilleur, à commencer par les tentatives du pauvre Haddock que l’on convie en fin d’épisode et qui veut raconter sa mobilisation… mais ce sera à vous d’imaginer ce qui a bien pu lui arriver… On peut aussi parler de la voiture de l’émir que Tintin va utiliser (il ne conduit que très rarement ses voitures, il emprunte beaucoup…) pour poursuivre Müller, une Lancia Aprilia de 1947, une voiture que Hergé posséda réellement ! Dans cette poursuite capitale, le méchant Smith fuit en compagnie de son otage Abdallâh dans une Buick Roadmaster de 1949, auto qui finira en flammes… pour la plus grande joie d’Abdallâh…
Pour finir, tout rentrera dans l’ordre, enfin, presque, car pour les Dupondt, l’absorption du tristement célèbre N-14, cachets cachés dans un tube d’aspirine, a des conséquences surprenantes qui se prolongeront au cours de l’aventure lunaire…
Il semble important de comprendre qu’Hergé, qui n’a jamais eu d’enfant, nous montre l’enfant roi et se pose quelques questions sur l’éducation… Faut-il tout laisser faire ? Doit-on corriger un jeune enfant, juste un peu trop coquin et facétieux ? Le père d’Abdallâh, toujours en pleine admiration nous montre, nous laisse deviner un Hergé dubitatif devant certains pères et mères de son entourage…
Et Tournesol, me direz-vous ? On ne le voit pas, on ne peut que lire sa lettre finale à Tintin où il donne des éléments sur le fameux N-14… mais surtout, on voit la photographie du château Moulinsart entièrement ravagé par les expériences de ce Tournesol de malheur… C’est là où Hergé ne manque pas d’air en faisant dès l’album suivant comme si de rien n’était… Le château est de nouveau en bon état… Ah ! et nous qui pensions que Hergé était un auteur réaliste et rigoureux… Enfin, on n’a qu’à dire qu’il avait oublié que le château avait tant souffert…
Finalement cette aventure est assez sympathique, se lit facilement même si elle n’appartient pas à ma série des albums fétiches. Le sujet pétrolier est assez d’actualité, ce qui explique un certain regain de cette aventure dans le désert Khemed, surtout auprès des jeunes lecteurs qui l’avaient oublié…


Quelques réponses…

1. Les Dupondt portent une tenue qui pourrait laisser croire qu’ils appartiennent à l’équipage du Titanic.
2. Le docteur J. W. Müller, puisqu’il s’agit bien de lui, est connu aussi sous le nom de Smith et Mull Pacha. Il est apparu dans L’île noire, trafiquant de fausse monnaie, on le retrouve dans Le pays de l’or noir comme sorte de mercenaire au service d’une grande multinationale pétrolière et, enfin, on va le croiser, très furtivement, dans Coke en stock, lorsqu’il aura récupéré un poste important au Khemed, au près du cheik Bab El Ehr…
3. C’est dans Coke en stock que Haddock dit : « Euh… il paraît que votre rosé est très rafraîchissant… ».
Au pays de l'or noir 7 étoiles

Dans ma jeunesse, c'est un des Tintin que j'ai le moins lu. En le relisant, je me suis rendu compte qu'il n'était pas aussi ennuyant que je le pensais mais c'est loin d'être le meilleur de la série. Dans ce tome, le monde est sur le bord de la guerre et il y a un sabotage étranger qui fait que l'essence explose pour rien.

Ce que j'ai moins aimé, c'est l'absence du Capitaine Haddock pour la moitié de la BD. C'est lui qui amène l'aspect comique de Tintin. L'histoire quant à elle est plutôt ordinaire.

Le positif c'est que Haddock fait son apparition tout de même à partir de la seconde moitié. Autre point positif c'est que Hergé a vu l'importance du pétrole qui même de nos jours peut faire tomber l'économie.

Exarkun1979 - Montréal - 44 ans - 10 mai 2011


Pas mon genre 1 étoiles

Quelqu’un trafiquerait l’essence, en la falsifiant. Les frères Dupondt en parlent à Tintin qui va aussi se renseigner sur l’affaire.

Je ne sais pas si c’est à cause de la surdose de textes, le manque de couleurs (bleu, jaune, rouge), les personnages ou si le thème ne m’intéressait pas, mais je me suis ennuyée dans cet épisode-ci. On dit qu’Hergé aurait écrit cette bande dessinée avant les précédentes, je crois qu’il aurait dû la réécrire tant qu’à la continuer de cette façon.

Nance - - - ans - 3 décembre 2009


Un album divertissant, simplement divertissant 6 étoiles

Je trouve que Shelton va trop loin dans sa recherche de ce qu'il peut y avoir derrière, le sens caché à ceci cela. Je pense que Tintin est avant tout une BD tout public, simplement plaisante à lire. C'est mon avis.
Sinon au sujet de l'album, c'est certainement pas un des tout meilleurs d'Hergé, mais il se laisse lire dirons nous, et les gags sont comiques, l'aventure est prenante... Tout pour plaire, à tout lecteur.
Un bémol: Il sort d'où le capitaine Haddock là, il arrive comme un cheveu sur la soupe sans que l'on sache pourquoi...
Du Tintin moyen, mais de la bonne BD !

Soldatdeplomb4 - Nancy - 34 ans - 29 mai 2008


Traversée du désert ? 7 étoiles

Ce n'est pas le meilleur de la série, certes. Cette traversée du désert serait-elle un manque d'inspiration ? Cet album contient pourtant un certain nombre de gags, dont l'humour n'est pas au mieux de la finesse habituelle, l'intrigue relativement ordinaire, bien que le contexte soit intéressant, et fort bien rappelé par Shelton.

On passe un assez bon moment.

Veneziano - Paris - 46 ans - 29 mars 2008


Mauvais 1 étoiles

Je suis fan de Tintin, mais je n'ai jamais réussi à ne serait-ce qu'apprécier légèrement cette aventure. Je ne sais pas ce qui me déplaît le plus ici : les décors mornes et répétitifs du désert strié des traces de pneus...Abdallah, irritant et insupportable...le fait qu'Haddock apparaisse comme par magie à la fin et qu'Hergé lui-même n'a même pas voulu tenter d'expliquer par quel hasard Haddock, absent du reste de l'aventure, est sur les lieux à la fin...le running-gag du mirage, chiant au bout d'un moment...les Dupont(d) victimes d'une aspirine défectueuse...l'histoire en elle-même, enfin.
Désolé, mais voici un des trois albums de Tintin que je hais (les deux autres sont "Coke En Stock" et "Les Bijoux De La Castafiore").

Bookivore - MENUCOURT - 41 ans - 29 mars 2008


Un Tintin amusant 6 étoiles

Quelle critique (je l'ai lue attentivement d'ailleurs) ! Chaque critique de Shelton est un petit bijou d'infos et nous permet d'aborder de façon différente l'oeuvre de Hergé !!
Ce Tintin est assez amusant mais n'est certainement pas le meilleur. En effet, l'intrigue n'est pas des plus passionnantes et je n'ai jamais beaucoup aimé les Dupondt (qui sont très présents dans cet opus) préférant largement le capitaine Haddock. Mais j'avoue adorer Abdallah, gamin inventif et insupportable. Il est très drôle notamment lorsqu'il veut rester avec 'Mille sabords', son baby sitter fétiche. Néanmoins je m'étonne de l'âge d'Abdallâh, il est sensé avoir six ans et pourtant a pratiquement la taille de Tintin.
Un agréable Tintin tout de même mais certainement pas mon favori.

Manon - Paris - 35 ans - 28 octobre 2005