Cyclo
avatar 20/12/2021 @ 21:19:38
j'ai vingt ans,
c'est l'été, je pars en promenade dans les bois
je me déshabille dans un coin discret
je me promène nu dans un coin de fougères
j'en aplatis quelques-unes, m'assois
je sors un livre de la poche de mon sac
c'est "L’idiot" de Dostoïevski
je me reconnais dans le personnage principal
je suis simplet, naïf, innocent, candide
prêt à m'emballer pour une cause perdue,
pour un amour improbable,
une amitié juvénile enthousiasmante
je cherche mon Vendredi dans la lecture
et je m'endors sous le soleil ardent

j'ai vingt ans,
j'ai découvert mon île déserte dans la forêt landaise
chatouillé par herbes et insectes
je pense au film que je viens de voir la veille à la télé
je suis Gelsomina la jeune fille crédule et ignorante,
je la suis les routes dans la carriole de Zampano
je suis aussi Baptiste le mime énamouré
et j'ai les yeux grands ouverts sur la vie
je sonde le mystère des êtres
et je m'éveille frais et dispos

j'ai vingt ans
que vais-je faire de ma vie ?
trouverai-je un "idiot" pour m'aider à me comprendre,
une Gelsomina égarée prête à me suivre sur mes chemins obscurs
un Robinson solitaire pour me guider
je me sens encore si proche de l'enfance
je ne sais rien
mais pourtant j'accompagne le chant du vent dans les arbres
je chante à perdre mon souffle
j'ouvre mon carnet de notes et de poèmes
je rêve à un avenir incandescent et ignoré

j'ai vingt ans
et des poussières maintenant...
j'ai relu "Robinson Crusoé" et "L'idiot"
j'ai revu "La strada" et "Les enfants du paradis"
j'ai vécu toute une vie de Baptiste affamé d'amour
et j'ai aimé ma Gelsomina
le prince Muychkine est entré de nouveau dans ma peau
et j'ai fait de Robinson mon Vendredi
le temps s'est figé
je n'ose plus me mettre nu
pourtant mes vingt ans sont restés là, présents, encore palpables;

oui, j'ai toujours vingt ans

AmauryWatremez

avatar 20/12/2021 @ 21:24:02
Joli texte bien sympathique

Antinea
avatar 21/12/2021 @ 11:12:35
On sent la progression, des vingt ans pour de vrai vers les vingt ans et des poussières, de l'insouciance et du champs ouvert des possibles, à la retenue et presque la désillusion.

Je m'y retrouve un peu, ici aussi. Pas rassurant. Mais Tina Turner a dit "50 ans c'est les nouveaux 30 ans", alors, vivement 50 ans ! ;)

merci pour ce texte communicatif.

Marvic

avatar 21/12/2021 @ 12:14:42
Vingt ans, l'age où l'on peut encore rêver sa vie à travers les personnages de nos lectures.
Le temps passe, nous avons fait des rencontres capables d'évoquer ces personnages.
Et finalement, je suis sûre que nous sommes toujours capables de nous laisser emporter par de belles pages.
Beau texte.

Eric Eliès
avatar 21/12/2021 @ 17:59:11
Joli texte, qui me donne le sentiment d'osciller entre la célébration d'une éternelle jeunesse et le refus de vieillir. Je pense qu'il faut arriver à faire du temps qui passe le facteur d'épanouissement de tout ce qui était potentiel en nous, comme une sorte d'accomplissement. Personnellement, j'ai l'impression que l'homme que je suis aujourd'hui, à 47 ans, est bien mieux, dans son corps et sa tête, que le jeune homme que j'étais à 20 ans, assez chétif et fragile, plein de questions et de doutes...

Garance62
avatar 21/12/2021 @ 18:08:07
Je l'ai vu Cyclo. Je t'ai vu à vingt ans, dans les beaux méandres de ta recherche de vérité, de regard sur le monde, d'attente de la douceur de l'amour, d'espoir de quelque chose de grand qui pourrait t'emporter, d'inquiétude un peu aussi.
Je t'ai vu, touché par la beauté de la nature, chatouillé par les mots du poète et venant, aujourd'hui, les déposer, à vingt ans et un jour.
Tout est bien ! La vie, l'âge, les mots et l'amitié d'ici.
Merci Cyclo ! Ton texte était doux à lire. C'est si agréable.

Pieronnelle

avatar 21/12/2021 @ 20:33:30
Ah comme je l'aime ce joli texte ! C'est comme un album photo qu'on feuillette avec les légendes, mieux qu'un film car on a le loisir de s'y attarder dans ces moments de vie...oui cela se sent Cyclo que tu as toujours vingt ans et le coeur immense...Merci

Magicite
avatar 21/12/2021 @ 20:48:30
ça te va vraiment bien cette forme de narration en lignes de poème/slam.
Je suis rentré vite dans le texte et m'y trouve facilement dans cet hommage 'romanesque'. Je pense que ça plaît à tous ceux qui ont leur île déserte avec des rangées de bibliothèques emportée dessus et qui forcément ont toujours 20 ans car chaque page est une découverte et qu'il existe tant de personnages intéressants à découvrir.

Nathafi
avatar 22/12/2021 @ 09:18:02

Très touchant ton texte, Cyclo, et la forme est très plaisante, elle te permet d'énumérer tes idées à chaque étape de la vie, par petites phrases.
C'est frais, c'est léger à la lecture, bienveillant, et ce retour en images sur ta vie t'annonce comme un homme accompli.

Merci Cyclo !

Frunny
avatar 22/12/2021 @ 12:18:49
Belle prose !
20 ans est aussi (et surtout ? ) un pacours littéraire.
20 ans en littérature, un joli titre pour un roman ou un essai , non ?

Tistou 22/12/2021 @ 21:58:59
Cyclo a choisi la forme poétique et c'est vrai que ce format court et percutant lui réussit bien. On voit bien le "pour de faux" avec les vingt ans ... et des poussières (une paille !).
Un texte en forme de bilan, raccourci, d'une vie, centré sur littérature et cinéma, autrement dit sur le rêve. Et j'ai bien l'impression que malgré les poussières, notre ami Cyclo continue de rêver (d'ailleurs, vue l'époque, il vaut mieux !).

Alors Cyclo, lui il s'est enregistré sur C.L. en 2008, le 16/04/2008 et sa première apparition sur Vos Ecrits ne s'est faite que 7 ans plus tard, le 02/11/2015. Bon, il a rattrapé du retard depuis.

http://critiqueslibres.com/i.php/forum/…

Lobe
avatar 23/12/2021 @ 21:29:28
Elles sont belles ces phrases Cyclo. En plus ton pseudo, sûrement au départ dérivé du vélo, tombe à pic pour ce texte sur le cycle de la vie, où les fictions d’hier ont des résonances avec les réalités d’aujourd’hui. Et, quoi que tu en dises, ou peut-être était-ce « pour de faux », ce serait presque à une sensible mise à nu sur papier/pixels à laquelle tu procèdes ici.

Minoritaire

avatar 25/12/2021 @ 22:10:24
C'est une chance d'avoir ainsi des compagnons de papier ou de celluloïd. Ça marche aussi avec le vinyle; ça marchera encore avec les mémoires informatiques. Ce n'est pas le support qui importe, ce sont les sentiments que ces compagnons ont fait naître ou dont ils ont été témoins. Nous les gardons en nous et ils nous gardent à l'âge où nous les avons éprouvés.
Beau texte, Cyclo.






Bluewitch
avatar 30/12/2021 @ 14:15:33
Très beau texte, Cyclo, qui me touche, dans sa rêverie vivante du monde qu'on se crée, "quand on est jeunes", avec nos personnages de papier.
La forme et le fond ont une belle et sensible subtilité.

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