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“On n’a pas tous les jours 20 ans “ c’est le titre de la chanson ancienne d’une certaine Berthe Sylva qu’elle vient d’entendre à la radio interprétée par un chanteur populaire actuel. Elle lui trotte depuis dans la tête de façon lancinante...
Certes, ces 20 ans , qui se fichent le jour de l’anniversaire puis s’effacent aussi rapidement , ont à peine le temps de s’imprimer dans la mémoire. Elle a beau se triturer l’esprit pour essayer de se rappeler un moment quelconque particulier, une fête par exemple, un cadeau, une joie , non rien ne lui vient . Pourtant 20 ans c’est semble -t-il le bel âge, c’est ce moment charnière où l’on sort en principe de l’adolescence pour devenir ce qu’on appelle un adulte...
Il est vrai que son anniversaire se situe tout à la fin de l’année et d’une certaine façon il a toujours été noyé avec la fête de Noël. Mais bizarrement lui vient comme une sorte de pincement qui la chatouille au cœur de la poitrine , quelque chose qui s’infiltre progressivement sans vouloir vraiment s’installer mais contre laquelle elle sent qu’elle va devoir lutter. Quelque chose qui fait mal et qu’elle sent arriver à toute vitesse et qu’aucune construction ne parviendra à arrêter au point que sa tête se met à tourner. Elle comprend pourquoi elle l’a enfoui aussi profondément mais c’est l’évocation de ces 20 ans qui a tout déverrouillé ...
Elle se souvient qu’elle les attendait ces 20 ans et que, exceptionnellement ils devaient être fêtés, parce que dans la famille on ne fêtait réellement que les dizaines. Elle allait recevoir un livre, c’était certain, puisqu’on lui avait demandé conseil pour le choix, et sans doute une nouvelle boite de peintures . Après la fête de famille elle pourrait rejoindre ses copains dans le garage de Mario où ils se réunissaient pour écouter la musique des Doors et les Pink Floyd ; Mario vivait chez sa grand-mère suite au divorce de ses parents , il avait refusé de choisir l’un au détriment de l’autre. En fait, il était en colère contre les deux...A coup sûr il arriverait avec le disque d’un nouveau groupe ; il était devenu en quelque sorte le Maître de musique de la petite bande, ensuite ils danseraient . Peut-être même qu’elle aurait un cadeau de Mario...Ils étaient très proches depuis quelques temps au niveau des goûts et des idées. Ils passaient des heures à discuter dans la salle à manger de ses parents qui n’était chauffée que par un appareil à gaz près duquel ils se rapprochaient oubliant l’heure, et c’était le toc toc à la porte, de sa mère pour aller dîner, qui cassait ce fil qui les réunissait. Ils se quittaient le rouge aux joues dû au chauffage et à l’intensité de la conversation...
Sa mère avait fait un gâteau avec les petits biscuits Lu assemblés par une crème au café qu’elle adorait ; sa sœur était là aussi avec ses deux enfants qui lui avaient fait de beaux dessins. Son père tout content et ému lui offrit “Un cœur simple” de Flaubert qu’il avait lui-même choisi, sa mère un pull tricoté main ; sa sœur un bijou, une jolie broche .
Le téléphone sonna alors que son père apportait le poulet bien grillé avec ses pommes rissolées. Il lui demanda d’aller répondre à sa place ce qu’elle fit volontiers en allant dans la salle à manger. Comme elle ne revenait pas, sa mère, inquiète , la rejoignit...
Elle ne sut jamais comment elle était parvenue à prononcer seulement ces deux mots : Mario est...
Il existe des 20 ans qui n’existent plus...
Certes, ces 20 ans , qui se fichent le jour de l’anniversaire puis s’effacent aussi rapidement , ont à peine le temps de s’imprimer dans la mémoire. Elle a beau se triturer l’esprit pour essayer de se rappeler un moment quelconque particulier, une fête par exemple, un cadeau, une joie , non rien ne lui vient . Pourtant 20 ans c’est semble -t-il le bel âge, c’est ce moment charnière où l’on sort en principe de l’adolescence pour devenir ce qu’on appelle un adulte...
Il est vrai que son anniversaire se situe tout à la fin de l’année et d’une certaine façon il a toujours été noyé avec la fête de Noël. Mais bizarrement lui vient comme une sorte de pincement qui la chatouille au cœur de la poitrine , quelque chose qui s’infiltre progressivement sans vouloir vraiment s’installer mais contre laquelle elle sent qu’elle va devoir lutter. Quelque chose qui fait mal et qu’elle sent arriver à toute vitesse et qu’aucune construction ne parviendra à arrêter au point que sa tête se met à tourner. Elle comprend pourquoi elle l’a enfoui aussi profondément mais c’est l’évocation de ces 20 ans qui a tout déverrouillé ...
Elle se souvient qu’elle les attendait ces 20 ans et que, exceptionnellement ils devaient être fêtés, parce que dans la famille on ne fêtait réellement que les dizaines. Elle allait recevoir un livre, c’était certain, puisqu’on lui avait demandé conseil pour le choix, et sans doute une nouvelle boite de peintures . Après la fête de famille elle pourrait rejoindre ses copains dans le garage de Mario où ils se réunissaient pour écouter la musique des Doors et les Pink Floyd ; Mario vivait chez sa grand-mère suite au divorce de ses parents , il avait refusé de choisir l’un au détriment de l’autre. En fait, il était en colère contre les deux...A coup sûr il arriverait avec le disque d’un nouveau groupe ; il était devenu en quelque sorte le Maître de musique de la petite bande, ensuite ils danseraient . Peut-être même qu’elle aurait un cadeau de Mario...Ils étaient très proches depuis quelques temps au niveau des goûts et des idées. Ils passaient des heures à discuter dans la salle à manger de ses parents qui n’était chauffée que par un appareil à gaz près duquel ils se rapprochaient oubliant l’heure, et c’était le toc toc à la porte, de sa mère pour aller dîner, qui cassait ce fil qui les réunissait. Ils se quittaient le rouge aux joues dû au chauffage et à l’intensité de la conversation...
Sa mère avait fait un gâteau avec les petits biscuits Lu assemblés par une crème au café qu’elle adorait ; sa sœur était là aussi avec ses deux enfants qui lui avaient fait de beaux dessins. Son père tout content et ému lui offrit “Un cœur simple” de Flaubert qu’il avait lui-même choisi, sa mère un pull tricoté main ; sa sœur un bijou, une jolie broche .
Le téléphone sonna alors que son père apportait le poulet bien grillé avec ses pommes rissolées. Il lui demanda d’aller répondre à sa place ce qu’elle fit volontiers en allant dans la salle à manger. Comme elle ne revenait pas, sa mère, inquiète , la rejoignit...
Elle ne sut jamais comment elle était parvenue à prononcer seulement ces deux mots : Mario est...
Il existe des 20 ans qui n’existent plus...
Comme un parfum de vécu dans cette histoire. Mais peut-être que je me trompe. Pas que ce soit invraisemblable, hélas, mais qu'on ne le souhaite à personne.
Vécu ou imaginé, il y a dans le premier cas, la distance nécessaire et dans le deuxième le réalisme indispensable. Mais peut-être as-tu fait comme moi, souvent à l'époque : t'inspirer du réel pour mieux convaincre le lecteur. J'ai l'impression aussi que tu as mis le temps (20 ans ! :-) pour peaufiner ton texte et en rendre sa lecture -si pas agréable étant donné le sujet- attrayante. Tu nous berces dans le climat doux et tiède de cet Anninoël jusqu'à ce que, brutalement, la neige se change en pluie froide et drue.
Beau contraste, beau travail.
Vécu ou imaginé, il y a dans le premier cas, la distance nécessaire et dans le deuxième le réalisme indispensable. Mais peut-être as-tu fait comme moi, souvent à l'époque : t'inspirer du réel pour mieux convaincre le lecteur. J'ai l'impression aussi que tu as mis le temps (20 ans ! :-) pour peaufiner ton texte et en rendre sa lecture -si pas agréable étant donné le sujet- attrayante. Tu nous berces dans le climat doux et tiède de cet Anninoël jusqu'à ce que, brutalement, la neige se change en pluie froide et drue.
Beau contraste, beau travail.
Merci beaucoup Mino ça me touche. Oui il y a du vécu et c'est bizarre c'est la premiere fois que j'ai pu l'aborder avec le vrai prénom et au coeur d'un cocon et surtout grâce à cette opportunité des 20 ans ,même si ça ne s'est pas passé le jour même...
Le non dit, à la fin du texte, a la densité des instants essentiels, qui marquent une vie. A lire ta réponse à Mino, on ressent que c'est un texte qui ne joue pas à faire semblant, même si les émotions sont forcément mises à distance par l'écriture...
A l'appel de Tistou, j'ai essayé de me souvenir de mes vingt ans, mais bizarrement rien n'est remonté...
Ici, triste fin et évocation d'un souvenir douloureux lors des 20 ans... La réminiscence fait mal quand elle surgit, je comprends que mettre des mots sur cette histoire n'a pas dû être évident, mais tu as réussi, avec émotion, à nous la transmettre .
Merci Pieronnelle !
En commençant la lecture de ton texte, je me suis dit que nous avions les mêmes idées !
La fin est brutale et douloureuse. Certaines dates ne pourront définitivement plus être synonymes de fêtes.
Souvenirs tragiques très bien racontés.
La fin est brutale et douloureuse. Certaines dates ne pourront définitivement plus être synonymes de fêtes.
Souvenirs tragiques très bien racontés.
Alors là c'est un "pour de faux" qui a pris un autre pli, un pli amer, très amer. D'autant que comme Minoritaire l'avait subodoré, il y a du vécu là-dessous, sniff !
Un texte très Pieronnellien, toujours engagés et chargés d'émotion.
Au contraire de toi Pieronnelle, et de Nathafi, personnellement je me souviens très bien de mes 20 ans. Une fête avait été organisée et c'était le prélude à mon premier voyage de vacances, seul et en autonomie. Vive l'Irlande et le vélo ! Mais bon moi j'ai la chance que mon anniversaire tombe au début de l'été. C'est plus facile à marquer.
Content que tu aies pu participer malgré tes migrations sud - nord et réciproquement ...
Pieronnelle est inscrite sur C.L. depuis le 07/05/2010 et dès le 21/06/2010, un peu plus d'un mois après donc, elle entre dans Vos Ecrits. Et avec quoi ? Avec un texte-exorcisme qui poigne toujours autant quand on le relit. Quand je parlais de texte engagé et d'émotions ? Dès le premier !
http://critiqueslibres.com/i.php/forum/…
Un texte très Pieronnellien, toujours engagés et chargés d'émotion.
Au contraire de toi Pieronnelle, et de Nathafi, personnellement je me souviens très bien de mes 20 ans. Une fête avait été organisée et c'était le prélude à mon premier voyage de vacances, seul et en autonomie. Vive l'Irlande et le vélo ! Mais bon moi j'ai la chance que mon anniversaire tombe au début de l'été. C'est plus facile à marquer.
Content que tu aies pu participer malgré tes migrations sud - nord et réciproquement ...
Pieronnelle est inscrite sur C.L. depuis le 07/05/2010 et dès le 21/06/2010, un peu plus d'un mois après donc, elle entre dans Vos Ecrits. Et avec quoi ? Avec un texte-exorcisme qui poigne toujours autant quand on le relit. Quand je parlais de texte engagé et d'émotions ? Dès le premier !
http://critiqueslibres.com/i.php/forum/…
Bien triste événement, qu'il se passe le jour d'un anniversaire ou un autre. Vieillir est une chance.
Texte très personnel, les détails le montrent. Cela n'a pas dû être simple à écrire.
Ravie de te relire, Pieronnelle !
Texte très personnel, les détails le montrent. Cela n'a pas dû être simple à écrire.
Ravie de te relire, Pieronnelle !
Un conte de Noël à l'opposé ça surprend et ç'est touchant cette ellipse tout en pudeur.
Loin des idées reçues et pourtant... c'est la VIE avec son intensité.
L'intensité des 20 ans dans la Vie et la Mort.
Belle et douloureuse prose.
Merci Pieronnelle .
L'intensité des 20 ans dans la Vie et la Mort.
Belle et douloureuse prose.
Merci Pieronnelle .
Un coup de téléphone qui anéantit brutalement tout ce que peut représenter l'âge de 20 ans. Un récit sobre et émouvant, Très belle dernière phrase, qui en dit beaucoup.
Triste souvenir... Qui me renvoie aussi vers les Céliens disparus. Aria, Jules, Bolcho...
Que ce vécu ait un demi-siècle ne modifie en rien mon admiration que tu aies pu écrire ce texte, chaleureux puis glaçon triste. Il y a des coups de téléphone qui nous mettent à terre, se gravent en nous. Réussir à les mettre sur papier, dans leur contexte, même longtemps après, pfiou.
Vraiment merci pour tous vos commentaires car vous avez compris a quel point ,même après 50 ans, comme le souligne Lobe, l'écriture fut difficile, et ça me touche beaucoup. J'ai longtemps hésité à prendre la décision de le publier par crainte de plomber un evènement qui à priori aurait dû être festif...
Me croirez vous si je vous dis que ça m'a enfin libérée d'un chagrin jamais oublié même s'il reste toujours aussi vivace...
Me croirez vous si je vous dis que ça m'a enfin libérée d'un chagrin jamais oublié même s'il reste toujours aussi vivace...
Piero, comme tous, j'ai été très touchée par ton récit. Souvent ici nous avons dit à quel point les écrits nous aident, au regard des retours compréhensifs qu'ils génèrent.
C'est encore une fois le cas ici. J'ai lu attentivement les avis des uns et des autres et je suis aussi touchée par ces retours qui te donnent l'empathie nécessaire.
Et cette phrase de toi "Me croirez vous si je vous dis que ça m'a enfin libérée d'un chagrin jamais oublié même s'il reste toujours aussi vivace..."
Oui, nous te croyons Piero !
Écriture osée, écriture nécessaire, écriture libératrice.
Merci Piero. J'ai eu plaisir à te retrouver le temps d'un exo qui ressemble tant à des retrouvailles de coeur ! :)
C'est encore une fois le cas ici. J'ai lu attentivement les avis des uns et des autres et je suis aussi touchée par ces retours qui te donnent l'empathie nécessaire.
Et cette phrase de toi "Me croirez vous si je vous dis que ça m'a enfin libérée d'un chagrin jamais oublié même s'il reste toujours aussi vivace..."
Oui, nous te croyons Piero !
Écriture osée, écriture nécessaire, écriture libératrice.
Merci Piero. J'ai eu plaisir à te retrouver le temps d'un exo qui ressemble tant à des retrouvailles de coeur ! :)
Triste souvenir... Qui me renvoie aussi vers les Céliens disparus. Aria, Jules, Bolcho...
Je suis triste. Je n'avais pas su pour Jules et Bolcho.
Des souvenirs heureux.....
20 ans tragiques.
On a tort de dire que c'est "le plus bel âge", parfois c'est tragique.
(le gâteau au petits Lu et crème de café une de mes tantes le faisait aux "thé brun", c'était bon ça !)
On a tort de dire que c'est "le plus bel âge", parfois c'est tragique.
(le gâteau au petits Lu et crème de café une de mes tantes le faisait aux "thé brun", c'était bon ça !)
20 ans tragiques.
On a tort de dire que c'est "le plus bel âge", parfois c'est tragique.
(le gâteau au petits Lu et crème de café une de mes tantes le faisait aux "thé brun", c'était bon ça !)
Mais oui tu as raison ce sont bien les petits "the brun", merci de cet aide memoire!
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