AmauryWatremez

avatar 20/12/2021 @ 20:17:58
Dgilly Claude existe ce texte est une sorte d'hommage...


« Bienheureux les fêlés ils laissent passer la lumière »


L'idole a toujours vingt ans


Dgilly Claude était assis sur son canapé en skaï blanc, son petit chien Kenzo à côté de lui se léchait minutieusement les parties en grognant un peu. Le peignoir blanc sale de Dgilly lui-même était entrouvert sur les siennes. Son peignoir était fatigué, il l'avait piqué dans un grand hôtel de Cannes du temps sa splendeur quand il était le prince du « souvenir Claude François », le numéro un des interprètes de l'inoubliable auteur de « Comme d'habitude » et « le téléphone pleure ». Avec Paola , sa « clodette », sa femme depuis les années 80 il affirmait qu'ils étaient le « couple mythique des années 80 ».


Il ne s'appelait pas vraiment Dgilly Claude, Dgilly c'était pour le public, pour ses fans forcément de standing, Claude c'était pour le « business » et rappeler quelle était sa source d'inspiration principale. Il s'appelait Gilles Soufflard en vérité, c'était moins glamour. Il était auvergnat, pas glamour non plus l'Auvergne...


Trop de coincés du cul en Auvergne....


Ça l'avait rapidement agacé que la presse parle de lui comme d'un sosie, il n'était pas un sosie mais un interprète de Claude François qui était le seul à être comme pénétré par son modèle avant de rentrer sur scène. Personne ne voulait vraiment comprendre. Ce n'était pourtant pas compliqué !


Médias de merde !


C'était Willy Claude qui l'avait découvert tout gosse en l'écoutant chanter par la fenêtre de l'appartement familial, il l'avait pris sous son aile et l'avait même fait chanter devant Claude qui vérifiait que ses « imitateurs » ne massacraient pas trop son répertoire. Il avait à peine commencer de chanter « Si j'avais un marteau » que Claude lui dit :


« Arrête, tu peux continuer ».


Dgilly nageait dans l'euphorie il n'entendit pas Claude demander à ce que l'on sorte vite les deux ringards...


Dgilly regardait « Melody » sur sa télé, la chaîne qui repassait en boucle les émissions des « Carpentiers » qu'il aimait tant quand il avait vingt ans. Il voyait France Gall, Julien Clerc et Michel Sardou se trémousser en pantalons pattes d'eph' dans des teintes pastel. Et bien sûr son modèle, son idole absolue : Clo-clo.


Il était fasciné par Claude, son « ange blond » depuis « Belles, belles, belles ». Son idole était toujours entouré de jolies filles depuis toujours, elles lui arrachaient ses vêtements, elles se jetaient sur lui.


Il avait une amante différente chaque soir ! Les filles se bagarraient pour lui !


En regardant « Melody » Dgilly avait toujours vingt ans, comme du temps de ses premiers spectacles. Comme du temps où des filles l'attendaient lui aussi à la sortie des salles de spectacle, dans les arrière-salles des restaurants et des boites échangistes où il se produisait. Avant Paola c'était toujours « sexe de suite », parfois avec deux filles en même temps. Du moins c'est ce qu'il prétendait à ceux qui voulaient l'entendre...


Un verre de Jack Daniels et il y allait ! Il se vantait encore des prouesses de son membre viril.


A cause de la pandémie du Covid, Dgilly n'avait plus aucun engagement nulle part : « saloperie de virus ». Lui il s'en foutait pourtant complètement des gestes barrières, sa vie c'était chanter devant le public. Dehors il ne mettait pas le masque, les policiers ne l'embêtaient pas c'était un original local dont on tolérait les lubies. Même si son public était souvent distrait, à quelques exceptions comme lors de la mort de Claude à la « fête de la cacahuète » à Romagnat en 1978. Tout le monde pleurait à chaudes larmes. C'était tellement triste. L'ange blond était mort électrocuté dans sa baignoire, il avait voulu redresser une applique...


Lui il savait la vraie version mais il n'allait pas le révéler comme ça aussi facilement.


Après la mort de Claude il s'était rapproché de « Chouffa » la mère de son idole. C'était une écervelée qui jouait tout l'argent de son fils dans les casinos disait les mauvaises langues. Derrière les pétarades de Dgilly elle avait vu le brave type qu'il était vraiment. Il s'était trouvé, c'était une consécration à ses yeux.


Ou comme lors de cette soirée où une fan très excité lui avait fait pipi dessus...


Il était comme les plus grands quand il avait vingt ans. C'était mythique. Lui aussi il était une idole.


C''était le bon temps des photos volées devant l'Arc de Triomphe, ils arrêtaient la R5 au milieu de l'avenue et prenaient le temps d'une pose fière et altière à jouer les stars. Idem devant la Tour Eiffel. Il rentrait encore dans ses pantalons de cuir à l'époque. Puis il avait beaucoup grossi, trop de loukoums, d'aubergines farcies, trop de Whisky aussi, trop de sucreries. Il enchaînait les shows les uns après les autres à Zarzis au Maroc, ils vivaient constamment à moitié nus en dehors des soirées. Il s'était acheté une djellaba qu'il portait comme les gens du pays.


Sans rien en dessous.


Un jour de sieste et contre sa volonté Paola l'avait épilé intégralement afin de ressembler un peu plus à Claude. Il lui en avait voulu puis après quelques spectacles où les femmes semblaient encore plus excitées quand il montait sur scène il avait trouvé cette idée géniale.


C'était à cette époque qu'il s'était enhardi à chanter une chanson de sa composition. Sur la pochette du 45T il était à peu près lui-même. Excepté les simili « clodettes » autour de lui. Ça s'appelait « Au secours ». On ne peut pas dire que ça avait été un tube, rien ne s'était passé comme il le fallait. Le jour de l'enregistrement il pleuvait à torrents, il était de mauvaise humeur, pas d'entrain. C'était la faute à pas de chance...


Il y a quelques années ils étaient passé à « Confessions Intimes » avec Paola. Il était question des conjoints trop perfectionnistes, et Dgilly était un perfectionniste. C'était un nombre précis de coups de peigne qu'il devait se donner avant chaque spectacle, il réveillait sa femme dans la nuit pour qu'elle note chacune de ses idées pour interpréter au mieux les chansons de Claude, les arranger au mieux. Il n'allait rien laisser au hasard.


Quand elle était énervée après lui Paola l'appelait Dgilly, elle le malmenait, elle lui mettait des coups de pied au derrière moraux. Quand elle était vraiment en colère il était Soufflard. Elle l'appelait de moins en moins Gilles en ce moment. Elle n'aimait pas vraiment le disco ou la variété française, elle son truc c'était plutôt le Hard Rock mais elle aimait son Dgilly et lui passait tous ses caprices.


Ce n'était pas de sa faute si le virus paralysait le monde du spectacle, mais ils avaient dû quitter leur ancien logement, un luxueux appartement au sommet d'un immeuble avec une terrasse à 360 degrés. Ils étaient tous les deux au RSA avec quelques indemnités d'intermittents du spectacle et le reste de la vente de leur ancien logement. Et Dgilly était de plus en plus souvent affalé devant la télévision à regarder « Mélody » en boucle le regard dans le vague son verre de « Jack » à la main.


Il avait 72 ans, leurs vingt ans étaient bien loin derrière eux.


Mais quand elle le regardait, elle avait encore de la tendresse pour lui. Elle oubliait leur précarité, elle oubliait qu'il était sans doute alcoolique. Il n'y avait que son homme qu'elle aimait envers et contre tout. Et qui sait ? Peut-être qu'en 2022 on les laisserait monter une dernière « Cloclo Dance Party » et son Dgilly pourrait encore montrer à son public comme il l'aimait.


Elle s'assit à côté de lui, elle se pelotonna contre son flanc, il mit son bras autour de ses épaules et l'embrassa comme distraitement. Sur l'écran passait encore Claude François qui chantait « Alexandrie, Alexandra » et sur un air d'Alexandrie après quelques verres de Jack partagés à deux ils décidèrent qu'il allaient partir habiter sur la côte d'Azur, les petites misères sont moins tristes au soleil se dirent-ils.


Cyclo
avatar 20/12/2021 @ 21:34:20
Un vrai fan de son idole et un beau clin d’œil à l'époque de "Salut les copains".

Eric Eliès
avatar 21/12/2021 @ 17:32:17
Un joli portrait plein d'ironie, de dérision mais aussi de la tendresse pour ton personnage un peu " has been "... Je note que Claude Dgilly semble bien informé des causes réelles de la mort Claude François : ce n'était donc pas en bricolant une ampoule les pieds dans l'eau ?! :P

AmauryWatremez

avatar 21/12/2021 @ 17:58:34
Le personnage incite à la dérision.
L'homme est un naïf.
Oui je l'aime bien finalement.
C'est un vestige des années 70/80.

Nathafi
avatar 22/12/2021 @ 09:37:37

Surprenant ton texte, Amaury, tu nous fais découvrir un personnage hors du temps, qui dans sa tête a toujours vingt ans, obnubilé par son idole et cultivant son souvenir, s'identifiant à lui aussi...

Je ne connaissais pas cet artiste, merci pour cette découverte !

AmauryWatremez

avatar 22/12/2021 @ 09:45:37
Il ne vit que pour chanter.
Même s'il n'est pas un très grand chanteur.
Il est émouvant.

Minoritaire

avatar 22/12/2021 @ 10:56:42
La nostalgie a souvent l'âge des premiers amours. Ici, celui qui unit Dgilly à Cloclo, et qui l'unit aussi à son public. Et comme tout amour, il peut naitre d'un malentendu, ou d'un non entendu...
"il n'entendit pas Claude demander à ce que l'on sorte vite les deux ringards..."
Finalement, je préfère Aznavour.
les petites misères sont moins tristes au soleil.

Tistou 22/12/2021 @ 14:19:48
Je suppose que les "20 ans, mais pour de faux" c'est parce que Claude Dgilly a 72 ans et que la mort de son imitateur, Claude François (ou peut-être est-ce l'inverse ?!), remonte à plus de 20 ans ?
Toujours est-il que tu nous fais découvrir un personnage dont je ne soupçonnerais même pas l'existence ; faut dire que nos horizons musicaux sont passablement éloignés !
Si j'ai bien compris, tu pars de réalités connues (cf les liens que tu donnes) et tu les complètes voire les réinterprètes ? Pourquoi pas ? C'est fait dans une cohérence certaine. Il y a du pathétique et du grandiose dans le personnage. En fait on doit tous avoir, autant que nous sommes, notre part de pathétique et de grandiose. Le tout c'est qu'on puisse vivre avec.

Amaury est né à C.L. le 03/11/2011. Il est passé sur Vos Ecrits 7 mois plus tard, le 07/06/2012, pour une de ses passions ; c'est là :

http://critiqueslibres.com/i.php/forum/…

Je me souviens qu'il avait participé à l'aventure Bohain avec beaucoup d'enthousiasme, ayant lui-même connu Bohain (et je ne l'avais pas fait exprès). Voilà, maintenant il ne reste qu'à dire "soigne-toi Amaury" ...

AmauryWatremez

avatar 22/12/2021 @ 21:01:36
Je suppose que les "20 ans, mais pour de faux" c'est parce que Claude Dgilly a 72 ans et que la mort de son imitateur, Claude François (ou peut-être est-ce l'inverse ?!), remonte à plus de 20 ans ?
Toujours est-il que tu nous fais découvrir un personnage dont je ne soupçonnerais même pas l'existence ; faut dire que nos horizons musicaux sont passablement éloignés !
Si j'ai bien compris, tu pars de réalités connues (cf les liens que tu donnes) et tu les complètes voire les réinterprètes ? Pourquoi pas ? C'est fait dans une cohérence certaine. Il y a du pathétique et du grandiose dans le personnage. En fait on doit tous avoir, autant que nous sommes, notre part de pathétique et de grandiose. Le tout c'est qu'on puisse vivre avec.

Amaury est né à C.L. le 03/11/2011. Il est passé sur Vos Ecrits 7 mois plus tard, le 07/06/2012, pour une de ses passions ; c'est là :

http://critiqueslibres.com/i.php/forum/…

Je me souviens qu'il avait participé à l'aventure Bohain avec beaucoup d'enthousiasme, ayant lui-même connu Bohain (et je ne l'avais pas fait exprès). Voilà, maintenant il ne reste qu'à dire "soigne-toi Amaury" ...

Dgilly n'est pas vraiment ma tasse de thé musicale. C'est le personnage qui est intéressant ; la plus grande vedette imaginaire de tous les temps.
Ils ont tué ma passion pour l'enseignement.
Tout m'est un peu tombé dessus depuis 2019. Y compris une dénonciation calomnieuse du genre à conduire à l'irréparable.
Heureusement j'ai une amoureuse solide comme un roc, comme Dgilly.

Magicite
avatar 23/12/2021 @ 12:23:20
Beau portrait plein de passion et douceur dans les déconvenues et les succès, beaucoup d'humain dans cette histoire sous ta plume.

AmauryWatremez

avatar 23/12/2021 @ 13:06:39
L'humain est passionnant.

AmauryWatremez

avatar 23/12/2021 @ 13:16:38
Beau portrait plein de passion et douceur dans les déconvenues et les succès, beaucoup d'humain dans cette histoire sous ta plume.

L'humain est tout ce qui devrait compter. Comprendre la nature humaine c'est accepter qu'elle est loin d'être parfaite. Et que c'est justement son imperfection qui la rend intéressante. C'est chiant les gens parfaits. Qui de toutes façons n'existent pas.
C'est chiant de vouloir gauchir la nature humaine vers ce que l'on croit être plus de perfection.
On a tous nos moments de ridicule, comme Dgilly...

Frunny
avatar 23/12/2021 @ 14:48:40
Oui, beaucoup d'humanité dans ce portait du fan absolu.
J'ai pourtant beaucoup de mal avec ce type de personnage qui "gomme sa vie " au profit d'un artiste à succès.
Je trouve ça pathétique pour être franc.

Marvic

avatar 23/12/2021 @ 17:23:24
Je n'avais jamais entendu parler de Dgilly; suis allée faire un tour sur FB; s'il est heureux et qu'il rend des gens heureux...
Cela me rappelle une chanson de Michel Berger, La groupie du pianiste.

Quant aux gens parfaits, on est d'accord, ils n'existent pas et c'est tant mieux. là encore cela me rappelle un autre titre "la femme parfaite est une connasse": On a les références qu'on mérite :-))

Anecdote personnelle, le "vrai" Claude François est mort l'année de mes 20 ans.

AmauryWatremez

avatar 24/12/2021 @ 00:33:44
Oui, beaucoup d'humanité dans ce portait du fan absolu.
J'ai pourtant beaucoup de mal avec ce type de personnage qui "gomme sa vie " au profit d'un artiste à succès.
Je trouve ça pathétique pour être franc.

C'est pathétique. il est dans le déni du réel.
Je ne dis pas le contraire.
Je n'ai jamais compris les fans.
Mais la personne qu'il est transpire le besoin de se faire aimer.
Nous qui dans notre pseudo fan club nous foutons de lui souvent nous avons fini par bien l'aimer.
Malgré tout.

AmauryWatremez

avatar 24/12/2021 @ 00:36:32
Je n'avais jamais entendu parler de Dgilly; suis allée faire un tour sur FB; s'il est heureux et qu'il rend des gens heureux...
Cela me rappelle une chanson de Michel Berger, La groupie du pianiste.

Quant aux gens parfaits, on est d'accord, ils n'existent pas et c'est tant mieux. là encore cela me rappelle un autre titre "la femme parfaite est une connasse": On a les références qu'on mérite :-))

Anecdote personnelle, le "vrai" Claude François est mort l'année de mes 20 ans.

Dgilly adore la scène. Il aime ça. C'est sa vie. Il aurait voulu que ce soit autrement que dans l'ombre de Cloclo...
Mais c'est toujours ce qu'on lui demande.
Le Covid a été un drame pour lui.
Plus d'engagements plus de scènes, juste regarder Melody...

AmauryWatremez

avatar 27/12/2021 @ 23:17:03
J'attendais impatiemment l'avis de Pieronnelle, je suis déçu. Allons laissons lui le temps.

Lobe
avatar 05/01/2022 @ 13:21:43
J'attendais impatiemment l'avis de Pieronnelle, je suis déçu. Allons laissons lui le temps.


Peut-être elle-même attend-elle ton avis sous son texte ?

AmauryWatremez

avatar 05/01/2022 @ 16:06:20
J'attendais impatiemment l'avis de Pieronnelle, je suis déçu. Allons laissons lui le temps.



Peut-être elle-même attend-elle ton avis sous son texte ?

je vous remercie pour votre commentaire sur mon texte, c'était juste une petite taquinerie.

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