Je suis sorti enchanté et plein d’énergie du spectacle « Room with a view » et, pourtant, on m’avait promis le fin du monde… Mais, si je devais imaginer la fin du monde, à quoi ressemblerait-elle « ma fin du monde » ? Quand on se pose cette question, comme pour les livres que l’emporterait sur une île déserte ou ce que l’on va mettre dans sa valise pour ses vacances prochaines, on ne peut répondre qu’avec sa culture, ses expériences, sa mémoire, sa raison, ses sentiments… et c’est bien pour cela que parler d’un spectacle vivant, aussi intense que « Room with a view » ne peut pas se faire dans un texte neutre, froid, détaché…
Si je devais imaginer la fin du monde, il y aurait probablement des images aussi violentes que celles que l’on peut admirer dans certaines représentations de l’Apocalypse dans l’art chrétien. Ce serait comme souvent dans les scènes de jugement dernier, avec de la nudité, de la tension, du choc, du sexe… Ce serait violent, bien sûr, parfois très violent !
Il y aurait aussi du sentiment, de la douceur, de la poésie, des larmes… vous savez comme pour extirper le « encore une fois avant de partir ! ».
Tout commencerait, je pense, j’imagine, par un individualisme forcené, « s’il n’y en a qu’un qui doit survivre ce sera moi », avant un grand plongeon dans la désespérance… « A quoi bon, c’est la fin ! »…
Enfin, il y aurait une sorte d’agonie qui durerait longtemps, avec du doute, de l’incertitude… Puis, tout doucement, le collectif reviendrait, certes avec des rechutes, mais le groupe comprendrait que finalement ce ne pouvait être qu’ensemble que l’on pouvait se sauver… Ensemble !
A ce titre, le final du ballet était exceptionnel car les danseurs chantent et réussissent même à faire chanter le public malgré le masque !
Et c’est ce que j’ai cru voir dans ce magnifique spectacle de danse du Ballet national de Marseille, « Room with a view » lors du festival Transdanses de l’Espace des arts de Chalon-sur-Saône…
Alors, bien sûr, certains y ont vu plus la fin du « monde d’avant » avec la révolte de la jeunesse, la catastrophe climatique et écologique, un exercice de style plus politique qu’artistique… D’autres ne reteindront que cette musique totale et merveilleusement bien adaptée à cette danse sauvage, énergique, tonique et très maitrisée car visiblement posée sur une technique de haute volée… Et tout le monde a raison ! Oui, chacun a bien le droit de voir, ressentir, vivre, comprendre ce qu’il veut, ce qu’il peut, ce qu’il doit dans un spectacle vivant… Il n’y a pas de vérité absolue ! Chacun vit le ballet avec ses expériences, sa mémoire, ses fantasmes, ses révoltes, ses espérances, ses fantômes… et c’est bien ce qui rend le spectacle vivant essentiel, riche et profondément humain !
J’ai beaucoup aimé, j’ai passé une excellente soirée et je pense encore à tout ce que j’ai vu et entendu car il doit bien avoir encore quelques sens cachés à découvrir…
Et on pourrait même trouver dans ce spectacle de qualité les ferments pour la construction du monde de demain… Allez savoir !