Toujours dans ma préparation des interviews que je vais réaliser lors du prochain festival Quai des bulles à Saint-Malo, escale ce matin en compagnie d’un romancier que j’aime beaucoup, Jonathan Swift. Malheureusement, trop souvent, quand on parle des voyages de Gulliver, on se limite aux escales à Lilliput et Brobdingnag (et je rappelle qu’il s’agit là du pays des tout petits, puis de la terre des très grands). Mais les voyages de Gulliver ne s’arrêtent pas là et les auteurs de cette adaptation (Bertrand Galic pour le scénario et Paul Echegoyen pour le dessin) nous proposent la troisième partie du roman de Swift, celle qui va mener de Laputa au Japon avant de rentrer à Londres et à la maison…
Dès le départ, on comprend que Gulliver ne voyage pas pour le simple plaisir de quitter sa femme et ses enfants. Seulement, voilà, pour vivre il faut un peu d’argent et une nouvelle expédition va lui apporter les revenus nécessaires et, d’autre part, il est si curieux de ce qu’il y a dans le monde qu’il a bien du mal à s’empêcher de ne pas partir fureter ici ou là à la moindre opportunité… Mary et les enfants l’attendront !
Le roman de Jonathan Swift était considéré à sa sortie en 1726 (il a été terminé en 1721 par l’auteur mais l’éditeur a demandé plusieurs coupes pour la première édition) comme un roman satirique, comme une critique de la société anglaise… Aujourd’hui, beaucoup de critiques n’ont plus beaucoup de sens et Bertrand Galic a su garder ce qui était pertinent pour que l’ouvrage garde des critiques politiques valables aujourd’hui et des éléments philosophiques rappelant le siècle des lumières et l’humanisme du XVIII° siècle !
Alors, oui, on parlera d’art, de démocratie, de vie éternelle, de travail, de répartition des richesses… Les choix sont excellents et l’ensemble est si cohérent que l’on finit par oublier que le texte initial a déjà trois siècles !!!
Dès le premier regard sur la couverture on sent que l’illustration dans l’ouvrage va être un plus indiscutable. La narration graphique est efficace, alerte, poétique et pousse à l’introspection et à la rêverie solitaire (pour imiter Rousseau autre auteur du même siècle). Bien sûr, le dessinateur, Paul Echegoyen excelle quand le vaisseau doit aborder la tempête ou quand il s’agit de décrire les « folies » de l’académie de Lagado. Là, chaque dessin pourrait se retrouver dans mon salon accroché aux murs sans que j’en souffre le moins du monde… Attention, je n’ai pas demandé à mon épouse ce qu’elle en pensait…
De plus, quand vous aurez terminé ce voyage exceptionnel, vous aurez, qui sait, l’envie de vous plonger ou replonger dans « Les voyages de Gulliver », péripéties dont on ne revient pas indemne, c’est une certitude, mais beaucoup plus grand !
J’aime beaucoup, dans la bande dessinée et dans le roman d’origine, les passages sur la réflexion à propos de l’éternité… et c’est vrai que l’éternité c’est quand même assez long, surtout si on a perdu toutes ses dents…
Vous comprenez donc que je sois indiscutablement impatient de rencontrer les auteurs à Saint-Malo pour une édition du Kiosque à BD que vous pourrez suivre prochainement sur RCF en Bourgogne !