Fred Bernard sera bien présent lors du 1er salon de la BD de Chalon-sur-Saône. Bien sûr, l’auteur de Beaune n’aura pas trop de voyage à faire pour se retrouver sur les bords de la Saône mais c’est beaucoup plus complexe pour celui qui doit faire une synthèse de son travail car Fred Bernard a beaucoup produit et avec talent !
Pour beaucoup de lecteurs, c’est par l’album jeunesse qu’il est entré dans nos bibliothèques en compagnie de son ami François Roca. Difficile d’ailleurs de citer un ou deux albums sans immédiatement penser à un autre, puis un autre… Disons que parmi les grands albums qu’ils ont réalisés ensemble, il faudrait retenir Jésus Betz et L’Indien de la tour Eiffel… Ce dernier est d’ailleurs un chef-d’œuvre…
Tout d’abord, il s’agit bien d’un album illustré. Oui, mais ce n’est pas pour autant un livre pour enfants. Illustré ne signifie pas non plus un ouvrage pour ceux qui ne savent pas lire ! C’est une histoire, tragique, sanglante et désolante, qu’un artiste a enrichie de son émotion pour que nous soyons encore plus bouleversés, touchés, anéantis. Bref, c’est tout simplement un livre plein et entier comme la littérature sait en offrir…
Le cadre est cette bonne ville de Paris, en 1889 à la fin de la construction de la tour Eiffel. Pour réaliser ce qui allait devenir un des symboles de la capitale française, l’ingénieur génial est allé chercher un grand nombre d’ouvriers indiens qui s’étaient illustrés dans la construction des immeubles nord-américains. Ces « rouges » n’avaient pas le vertige et ils pouvaient travailler à n’importe quelle hauteur sans aucune protection… Billy Powona va donc ainsi s’installer à Paris… Un exilé de plus ! Un rejeté, victime du racisme, aussi.
Alice La Garenne, elle, est une chanteuse de cabaret comme on en comptait de très nombreuses dans ce Paris de la fin du dix-neuvième siècle. Elle chante si bien, elle déclenche tant d’émotion et de rêve, qu’on la nomme « le rossignol de Montmartre » comme la Castafiore d’Hergé sera « le rossignol milanais ». Ces rossignols m’ont toujours laissé perplexe car, en fait, je l’avoue, je n’ai jamais entendu un rossignol chanter. Qu’importe, faisons confiance à Fred Bernard, Alice La Garenne chantait admirablement bien…
L’histoire racontée et illustrée, commence par un article de journal, tiré du « Petit Parisien » qui annonce le crime odieux commis par un Indien, Billy Powona. Trois meurtres et neuf policiers blessés. Suit alors, le rapport du commissaire Bourdelle qui nous donne une première version, celle qui sera retenue par tous et qui est le fruit à la fois d’un travail de police bâclé, d’un racisme ambiant et d’un soulagement ambiant. Le coupable est l’autre, l’étranger, l’Indien.
On entre alors dans le récit proprement dit. De longs textes – preuve absolue qu’il ne s’agit pas d’un album pour enfants – et des illustrations pleine-page d’une qualité extrême qui nous mettent en contact avec les personnages, les faits et l’ambiance pesante de ce Montmartre nocturne où fête et angoisse, solitude et vie sociale se mêlent dangereusement…
Certes, vous aurez bien compris que l’histoire réelle sera quelque peu différente de celle de la police, mais vous découvrirez cela par vous-mêmes…
Un album admirable, touchant, prenant que l’on a envie de garder chez soi pour le lire, le relire et le prêter à ceux que l’on aime… Peut-être bien le moyen de voir l’album illustré d’une autre façon… Et comme Fred Bernard sera là à Chalon-sur-Saône, certainement une belle rencontre à inscrire sur vos agendas…
Fred Bernard est aussi un auteur de bandes dessinées, aussi très prochainement nous parlerons de lui comme auteur BD…