Lorsque l’on revient d’un festival comme celui de Saint-Malo, Quai des bulles, on ne peut que s’interroger sur le succès des auteurs, des albums, des genres… Il y a là un mélange entre mode, qualité, marketing, culture populaire… S’interroger ne signifie pas répondre à la question diabolique « Qu’est-ce qui va se vendre demain ? » car comme me disait un auteur « Tous les éditeurs cherchent la réponse et si l’un avait trouvé la réponse cela se saurait ! »…
Si j’ouvre cette réflexion c’est qu’il y a quelques bonnes raisons de s’interroger. Tout d’abord, une production pléthorique qui fait trembler les critiques qui ne pourront jamais tout lire, qui inquiète les libraires qui ne peuvent pas tout avoir en stock, qui pousse les éditeurs à toujours vouloir en faire plus avant leur concurrents, qui déstabilise les lecteurs qui ne savent plus ou donner de la tête et dont le porte-monnaie ne peut pas suffire à acquérir « l’essentiel »…
Côté des auteurs, chacun, globalement et sans entrer dans les détails, il est plus difficile de se faire connaitre, de vendre, de gagner sa vie ! Car, ne l’oublions jamais, un dessinateur de bande dessinée met grosso modo un an pour faire un album… Un an c’est long, très long, et s’il calcule ses revenus par mois, le dessinateur devient un ouvrier qualifié (parfois même hautement qualifié) au statut précaire et au salaire inférieur au salaire minimum…
Alors, quand le succès arrive, parfois après de longues années de galère, la question se pose : Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Combien de temps cela va-t-il durer ? Les autres auteurs, eux, se demandent sans aucune jalousie ni agressivité : Pourquoi lui ? Qu’est-ce que son album a de plus que le mien ? A quand mon tour ?
Alors, bien sûr, quand on reçoit près de 25 auteurs durant trois jours, ces discussions reviennent avec beaucoup de persistance et on entend des points de vue différents, complémentaires, parfois même des cris de révolte contre un système…
Comme me disait un auteur avec cynisme, l’argent et l’art ont toujours vécu ensemble et il faut faire avec c’est-à-dire trouver le moyen de survivre ! Et ce n’est pas si simple !
Lors d’un festival BD, il y a plus d’un an, un auteur un peu fatigué me confiait qu’il songeait sérieusement à arrêter car il ne pouvait plus vivre avec ses revenus de la BD… Oui, je dis « fatigué » mais il faut savoir qu’il y a déjà des cas de burn out dans le monde de la bande dessinée…
Dans le même temps, certains auteurs se sont lancés dans des reprises de personnages et séries et on voit actuellement des « nouveaux » Astérix, Schtroumpf, Boule et Bill, Alix, Spirou, Corto Maltese… et bientôt Blake et Mortimer… Souvent, là, les tirages sont assez honorables (grâce à un marketing poussé) et les auteurs concernés voient leurs revenus augmenter… Mais est-ce au détriment des créations ? Ces reprises sont-elles toujours de qualité ?
D’accord, je ne fais que poser les questions sans apporter de solution. C’est un fait. Mais, je voulais quand même vous dire que ces questionnements sont bien présents dans ce type de salon, que les « grands » éditeurs s’interrogent, que les « petits » éditeurs sont eux aussi très présents que certaines de leurs productions fonctionnent très bien et trouvent leur public… Certains éditeurs, on peut penser à Olivier Sulpice et Daniel Maghen, cherchent de véritables solutions pérennes pour mieux rémunérer leurs auteurs et donc leur donner un statut moins fragile… Bref, les choses bougent même si on est encore très loin d’avoir trouvé toutes les solutions humaines et financières pour que la bande dessinée aille mieux demain qu’aujourd’hui !
Je reviendrai sur le sujet en évoquant de façon plus complète certaines rencontres avec des auteurs mais posez-vous, vous aussi les questions et n’oubliez jamais que sans respecter les auteurs on les fait disparaitre et que sans auteur, plus de livre, sans livre plus de culture, sans culture plus de liberté… La mort quoi…
Bonne lecture à tous !