Généralement, je vous parle plus du contenu des bandes dessinées que du prix de vente des planches originales des artistes BD lors des grandes ventes aux enchères en France ou à Londres… On sait que parfois des records hallucinants sont atteints mais ces phénomènes sont assez éloignés de la réalité de la création BD. Je vais continuer à travailler dans ce sens même si, aujourd’hui, je vais quand même vous parler, un peu, de la grande vente aux enchères BD qu’organise Daniel Maghem. Certes, il s’agit bien d’une vente exceptionnelle mais qui mérite notre attention et pas seulement par l’aspect quantitatif, c’est-à-dire 226 œuvres exceptionnelles qui sont exposées dans la galerie de Daniel Maghem jusqu’au vendredi 11 octobre à 13h… Oui, je sais, c’est un peu court pour aller à Paris… Mais ce n’est pas l’aspect le plus important !
Daniel Maghem est un galeriste parisien, installé maintenant rue du Louvres dans le 1er arrondissement, qui depuis quelques années s’intéresse tout particulièrement à la bande dessinée. Sa passion – difficile d’utiliser un autre mot – l’a progressivement poussé à devenir un éditeur. Certes, éditeur, mais pas tout à fait comme les autres… Je m’explique !
Tout d’abord, pour lui, un album de bande dessinée n’est pas un objet banal. S’il est prêt à éditer un ouvrage c’est qu’il adhère au projet, qu’il envie de le défendre, qu’il est fier de cette aventure… Du coup, pour chaque album publié, il s’investit à fond du début à la fin, il soigne la forme comme le contenu, et, en final, il obtient une magnifique bande dessinée, un objet de qualité qui fait autant sa fierté que celle de ses auteurs… Alors, bien sûr, il ne produit pas autant que certains gros noms de la BD mais il n’a pas pour objectif de les manger, les remplacer ou les concurrencer sur n’importe quel segment du marché… Il veut poursuivre son chemin qualitatif et obtenir la confiance de certains auteurs qui viennent chez lui pour un projet qui leur tient à cœur et qui devient son projet aussi…
Une BD c’est un coup de cœur, une rencontre, du travail acharné et une publication à défendre par toute l’équipe, de l’éditeur à l’attaché de presse en passant par l’auteur et les autres collaborateurs…
Donc, Daniel Maghem tente d’établir avec « ses auteurs » – attention, ils ne lui appartiennent pas et il les respecte beaucoup – une relation de confiance. Cela passe par le respect de leur travail et donc sa valorisation de façon saine et équitable. Or, on le sait bien, ce n’est pas simple… Comme il ne peut pas les rémunérer de façon à leur permettre de vivre décemment de leur seul art, il est toujours à la recherche d’une meilleure solution…
Pour cela, en dehors de tenter de limiter ses dépenses et frais généraux, par exemple en limitant son équipe – de qualité et très motivée – il développe un système d’accompagnement de ses auteurs : 1 livre, 1 exposition, des ventes d’originaux, une défense de l’ouvrage efficace et opiniâtre…
D’ailleurs, mardi soir à Paris dans sa galerie, il fallait voir les nombreux auteurs présents. Il y avait ses auteurs édités mais d’autres qui le seront peut-être bientôt et ceux qui voyaient leurs œuvres mises en vente lors de cette vente exceptionnelle aux enchères… Il faut vivre de son art et pour cela il faut aussi qu’il y ait un marché aux originaux, un marché solide et bien agencé avec un organisateur honnête et qui aime les auteurs…
Mardi – et jusqu’à vendredi 13h – ces originaux étaient tous accrochés aux murs et on avait le sentiment d’assister à l’ouverture d’un musée spécial de la BD. Certes, un musée éphémère mais représentatif de la diversité de la production du neuvième art. Il y avait une vedette centrale, André Juillard, de nombreux autres auteurs et même quelques dessins de grands maitres aujourd’hui disparus comme Jacques Martin, Hergé, Morris, Hugo Pratt, Franquin… Dans la foule des auteurs présents, on voyait Franck Bonnet, Hubert, Gaétan Nocq, Manchu, Gatignol, de Loustal… et je ne vais pas tous vous les citer…
Cette vente est bien exceptionnelle mais on voit aussi un éditeur qui veut se battre pour les auteurs et les aider à vivre mieux de leur art. C’est ce que je veux retenir et ce sera peut-être plus efficace que la commission qui va donner fin novembre un énième rapport sur le statut des créateurs alors que les auteurs bédé et de littérature jeunesse sont pour beaucoup dans la mouise…
Je voudrais quand même terminer en rappelant que sans moyens dignes donnés aux auteurs pour vivre il n’y a aura plus d’auteur, sans auteur il n’y aura plus de livre et sans livre notre société mourra en douceur et dans le silence !
Bonne lecture à tous !