L’hirondelle ne fait pas le printemps de même que le trentième anniversaire de la collection Aire Libre ne peut pas résumer à lui seul l’année de la bande dessinée. Certes. Néanmoins, on peut dire que dès janvier la barre était placée haut en célébrant cette collection qui a produit durant trois décennies quelques belles bandes dessinées, quelques beaux chefs-d’œuvre. Impossible de tous les citer donc gardons seulement en mémoire quelques beaux titres… SOS Bonheur, par exemple avec Jean Van Hamme au scénario et Griffo au dessin… D’autant plus pertinent que l’année 2017 avait vu sortir le premier tome d’une seconde saison avec Desberg au scénario cette fois-ci… Il s’agissait de nous faire réfléchir à l’avenir de l’humanité… et c’était remarquable !Pourrais-je réaliser une sorte de top 5 de cette collection ? Je pourrais dire – du moins aujourd’hui – que ces albums seraient : Dali de Baudoin (2012), Le photographe de Guibert, Lefèvre et Lemercier (2003), Lune de guerre de Van Hamme et Hermann (2000), Quelques mois à l’Amélie de Jean-C Denis (2002), SOS bonheur de Van Hamme et Griffo (1988)… et j’ai déjà mangé mon quota !!! Quelle tristesse quand je pense à tous les autres que j’ai dévorés avec plaisir !!! Disons pour être parfaitement honnête que je n’ai pas pris en compte dans mon choix les deux derniers albums lus en janvier 2018, deux merveilles que sont Cinq branches de coton noir de Steve Cuzor et Yves Sente et Jolies ténèbres de Fabien Vehlmann et Kerascouët…
Et je souffre déjà de ne pas avoir cité L’enragé de mon ami Baru (2004)… ni aucun album de Cosey… Voyez, en trente ans cette collection a drainé de tels ouvrages qu’il est impossible de se limiter à juste une liste banale…
2018 cela aura donc été les trente ans de cette magnifique collection et pour moi la lecture de cet ouvrage de Steve Cuzor et Yves Sente, Cinq branches de coton noir… Cet album m’avait échappé et c’est un ami qui m’a poussé à le lire… Grand bien m’a fait de l’avoir écouté car c’est bien une grande bande dessinée… Une très grande…Steve Cuzor est un dessinateur que j’ai rencontré la première fois autour d’une série chez Casterman, Blackjack, au début du vingt-et-unième siècle… j’avais beaucoup aimé sa façon de dessiner ses personnages. Je l’avais lu dans la série Quintett pour laquelle il avait dessiné le tome 3 puis, je l’avais perdu de vue…
L’histoire de ces Cinq branches de coton noir est à la fois simple et complexe car elle se déroule sur plusieurs époques et plusieurs lieux. Pour faire simple, sans pour autant vous priver du suspense, on peut dire que nous allons partir à la recherche du premier drapeau des Etats-Unis, celui conçu par George Washington lui-même, celui créé par Betsy Ross, celui modifié par une certaine Angela Brown… C’était en 1776…
Ce drapeau a connu toute une vie perturbée car il fut pris par l’ennemi, s’est retrouvé en Allemagne, en Angleterre, en France… Et voilà que des soldats américains reçoivent comme mission de le reprendre à un dignitaire nazi qui l’a récupéré… Nous sommes pendant la Seconde Guerre Mondiale…
Je n’ai pas envie de vous en dire beaucoup plus car le scénario est tellement bien dosé et calibré au millimètre que pour vous sauvegarder la lecture il faut savoir se taire un peu… Attention, quand même, ne croyez pas qu’il s’agit d’un simple hommage aux Américains, à leur bannière étoilée et aux guerriers… En fait, le propos de l’album est beaucoup plus large, beaucoup plus humain, beaucoup plus profond…
Il est question d’une histoire qui prend ses racines dans l’histoire des Etats-Unis et qui va parler de l’humanité entière car elle aborde les notions, concepts et réalités de la nation, de l’amitié, de la fidélité, de l’égalité des hommes, du travail, de la guerre, de la vie, de la mort, de la transmission, de l’autorité… Oui, tout passe en revue, le lecteur se laisse prendre, n’oppose aucune résistance…
Il est maintenant temps de vous parler du graphisme de Steve Cuzor, des spécificités de sa narration graphique, de l’adéquation de son style à cette histoire ! Oui, j’ai le sentiment de voir un dessinateur arriver à son paroxysme et je ne voudrais pas dire par là qu’il ne fera plus rien après, seulement qu’il ne pourra plus faire comme avant ! La première chose qui saute aux yeux c’est que nous sommes ici dans une bande dessinée où les visages délivrent les sentiments, les émotions, les informations… Quand on était dans l’exposition, on sentait cela, quand on lit l’album on se pénètre de cette réalité et quand on referme le livre, que l’on tente de se souvenir… on voit le visage de Betsy, de Justin, de Lincoln, d’Angela, Johanna… et tous les autres car même les personnages secondaires sont bien dessinés ce qui les rend vivants, attachants, bien réels…
Et donc, encore un merci sincère à celui qui m’a poussé à lire cette bande dessinée qui sera donc dans mon top dix mais je ne vais pas donner de numéro dans ce top dans l’exercice est délicat… A suivre, bien sûr !