Oui, je le dis souvent, la bande dessinée est née ou presque avec un cri du cœur pas toujours facile à vivre : « A suivre ! ». Mais reconnaissons que Laurent Vicomte a quand même poussé le bouchon un peu loin… En 1997, il commence une série et c’est dans quelques jours que les lecteurs pourront découvrir la fin de cette histoire… Mais en plus de vingt ans, seulement quatre tomes pour une belle fiction qu’il faut découvrir…1997, c’est déjà un peu loin, enfermé dans nos mémoires. Pourtant, c’est aussi très près de nous si on compare avec la Préhistoire, l’Antiquité Egyptienne ou le Haut moyen-âge… Tout est relatif, c’est vrai ! Il n’en demeure pas moins qu’en 1997 je découvrais une magnifique bande dessinée, le premier tome de la série Sasmira, L’appel. C’était signé Laurent Vicomte et cela paraissait aux éditions Humanoïdes associés, une maison que j’affectionnais beaucoup…
Le temps a passé, le second tome n’est pas sorti, les Humanoïdes ont connu de très grosses difficultés financières, les lecteurs de la série sont restés sur le carreau… Pourtant, la critique comme le grand public avaient été séduits tant par le graphisme de Laurent Vicomte, que l’on connaissait du temps de la série Balade au bout du monde dont il avait dessiné les quatre premiers volumes, que par le scénario, et là on découvrait que Vicomte savait écrire les histoires…Puis les mois se sont écoulés, les années se sont entassées dans nos mémoires sans trace du tome 2 de Sasmira. Laurent Vicomte était aux abonnés absents… Il avait fallu 11 ans pour voir la réimpression du tome 1, il faudra presque 15 ans pour que le tome 2 arrive en librairie… Laurent Vicomte est alors accompagné au dessin par Claude Pelet… Polémiques, rumeurs, documentaire sur les onze ans d’écriture et de dessin… Tout est fait, de fait, pour transformer cette série en mystère, énigme… ce qui va bien avec cette série grandement énigmatique !Puis, de 2011 à 2016, nouvelle attente et le tome 3 sort avec cette fois Anaïs Bernabé au dessin… L’histoire n’est pas terminée mais la série Sasmira redevient presque une série plus ordinaire… Quoi que…
Alors, si vous le voulez bien, revenons-en cette fois-ci non pas à la petite histoire de cette série mais à son contenu. Je le trouve d’une très bonne qualité car il s’agit finalement de l’essentiel de la vie humaine : qui sommes-nous, d’où venons-nous, que se passera-t-il après la mort ? Dit comme cela on a le sentiment d’une bande dessinée philosophique, ésotérique, religieuse… Oui, c’est un peu cela mais pas que…
Il est question d’amour, de fidélité, de secret, de magie, de vieillissement, de temps, de mort, de pouvoir… et encore cela limite car chacun peut voir dans cette histoire ce qu’il veut bien voir comme dans toutes les grandes œuvres littéraires, ce qui permet de penser que Sasmira devrait pouvoir rejoindre La Comédie Humaine, Les Rougon-Macquart, Les caractères… et toutes les belles choses que vous avez rangées dans votre bibliothèque…
Stan et Bertille sont nos contemporains, Prudence est du dix-neuvième siècle et Sasmira est beaucoup plus vieille car elle serait née il y a plus de 4000 ans en Egypte… Pourtant, ces quatre personnes sont les personnages phare de cette série et ils vivent bien – du moins à un moment donné – dans la même époque… Illusion, magie, fantastique, délire… allez savoir…
Doux et poétique, historique et profondément humain, réaliste et fantaisiste… Oui, il y a bien de tout cela dans Sasmira et même beaucoup plus… J’ai retrouvé dans les tomes 2, 3 et 4 ce qui m’avait profondément intrigué dans le tome 1 : des vrais personnages forts, inquiétants, libres et enchainés, fatalistes et confiants, violents et doux, imprévisibles et programmés… Un peu comme de véritables êtres humains condamnés à vivre leurs destins… Et quels destins !!!
Je ne peux donc que vous conseiller de découvrir cette série Sasmira – d’autant plus que maintenant on la trouve complète chez le même éditeur – qui restera une belle et grande série de bédé contemporaine. Elle peut faire peur, on peut avoir été agacé par un rythme de sortie surprenant, on ne peut qu’être séduit par cette histoire et touché par le graphisme changeant de trois dessinateurs mais qui s’est enfin stabilisé avec l’arrivée d’Anaïs Bernabé qui maitrise très bien l’ultime album de cette belle histoire…