Depuis quelques mois, cela ne vous a pas échappé, la question lancinante et persistante n’est plus « Est-ce que tu as trouvé du travail ? » mais « Qu’est-ce qu’un français ? ». Il est important de savoir ce qui nous unit, ce qui nous rassemble dans la communauté française, ce qui empêcherait d’autres de rentrer dans ce groupe, les Français !Je sais bien que tout le monde ne raisonne pas ainsi et j’exagère le propos en transformant cela en provocation… car, au fait, vous sauriez répondre à la question, vous donneriez une définition du Français ? L’identité nationale puisque c’est bien de cela qu’il s’agit n’est certainement pas une valeur figée dans le temps et c’est ce qui a poussé Thierry Gloris à écrire une série de cinq bandes dessinées consacrées à 5 batailles essentielles de notre histoire : Castillon, Valmy, la Bérézina, Camerone et Dunkerque !
Sans vouloir écrire un récit national, mythique et fondateur, il nous propose à travers ces cinq combats, des femmes et des hommes mus par un état d’esprit, animés par l’envie de vivre ensemble, prêts à mourir ensemble… Ils donnent naissance, sans toujours sans rendre compte, à une Nation en mouvement… Cette série Champs d’honneur mérite donc un coup de projecteur pour tenter non de comprendre mais plutôt d’approcher la notion d’identité nationale…
Alors, révisons un peu notre histoire… Castillon ? C’’est en quelque sorte la fin de la guerre de cent ans. Au départ, un conflit familial, une dispute autour d’une couronne… A la fin, une bataille en Aquitaine qui sera le point de départ définitif des Anglais du sol français. Mais quand ils étaient arrivés, suite au mariage entre Aliénor d’Aquitaine et Henri II d’Angleterre, on ne parlait pas de France. Cette bataille de Castillon permet au roi, Charles VII d’assoir son pouvoir sur des fiefs qui n’étaient alors que très éloignés du pouvoir central… c’est aussi un des premiers grands combats avec artillerie, arme qui sera un atout royal à Marignan en 1515… Ah, j’ai oublié de préciser la date de Castillon, le 17 juillet 1453… pas loin d’un 14 juillet !Valmy ? Peut-être un peu plus connu, mais bataille que l’on ne connait pas très bien malgré tout. Nous sommes en septembre 1792. Sur le plan strictement militaire, ce n’est pas un gros évènement, beaucoup de monde sur le terrain, peu de victimes – une c’est toujours trop mais cette fois-ci les combats furent très limités – et au bilan une date forte quand même pour la France révolutionnaire. Il faut dire que cette bataille laisse à la France le sentiment d’avoir vaincu les armées professionnelles et des rois d’Europe et c’est bien à partir de ce moment-là que l’on se débarrasse en France du Roi, que l’on abroge la Monarchie, que la France devient Républicaine… Si la France avait perdu Valmy… mais, là, c’est une tout autre histoire !La Bérézina, novembre 1812, est une bataille paradoxale. D’une part, elle démontre les limites de ce petit empereur : il n’est pas invincible, il se fait avoir par le Tsar russe, il sacrifie de très nombreux jeunes soldats, il s’enlise en Russie et il commence à signer là la fin de son Empire… Mais, d’autre part, la Bérézina est une victoire sanglante et tragique car au prix d’énormes sacrifices de soldats qui donnent leurs vies pour en sauver d’autres, Napoléon parvient à franchir cet obstacle aquatique, il préserve une partie de son armée, rejoint son Empire : il a perdu la Campagne de Russie mais gagné la Bérézina !
Camerone ? Alors là on est encore dans le plus confidentiel car en dehors des légionnaires qui célèbrent toujours cette bataille, le reste des Français ignore tout de cette bataille, de cette campagne au Mexique. Pourtant, alors que la mission était anodine, une unité de la Légion va se battre jusqu’à la mort pour permettre à un convoi logistique de passer à travers les forces mexicaines… cela ne changera pas l’issue de la campagne mais l’honneur est sauf : ils ont rempli leur mission ! Cameron est une défaite, au sens militaire, aucun doute, mais c’est le symbole de l’abnégation du militaire, du légionnaire en particulier…
Je ne vous parlerai pas du dernier volet qui n’est pas encore sorti mais les quatre premiers volumes sont très bien réalisés. Il y a un dessinateur différent à chaque bataille, Gabriele Parma pour Castillon, Emiliano Zarcone pour Valmy, Andréa Mutti pour La Bérézina et Joël Mouclier pour Camerone… A chaque fois on suit la bataille par des personnages qui vivent l’évènement et cela n’a rien de didactique, on est dans le récit, dans l’histoire, dans le destin humain et national et ça passe très très bien !
Enfin, côté historique, c’est soigné, précis, étayé, et le fait que Thierry Gloris soit historien de formation, qu’il soit passionné par la question n’y est pas étranger… Très beau travail !