Les Estivales de Brou 2016 se sont refermées par un concert magistral du groupe d’hommes de Saint-Pétersbourg, le Chœur du Monastère de la Trinité Saint-Alexandre Nevsky… avec ses deux vedettes majeures, le ténor et maitre de chœur Boris Satsenko et le baryton Oleg Palkin…Ceux qui ne sont pas habitués au chant russe peuvent être surpris d’un tel spectacle car la première partie fut entièrement consacrée au chant liturgique orthodoxe. Les chanteurs portent à ce moment-là la tenue des moines orthodoxe et ils demandent au public de ne pas applaudir entre ces chants qui sont de véritables prières. Surprenant mais pas tant que cela si on connait ces pays slaves où prière, art et foi sont intimement mêlés. D’une façon traditionnelle les chœurs d’hommes (Russie et Grèce) et les chœurs mixtes (Bulgarie), consacrent les premières parties au sacré et la deuxième au chant traditionnel… et c’est bien ce qui s’est passé à Brou.A Brou ? Oui, c’est bien dans l’église Saint-Nicolas du Tolentin du monastère de Brou qu’eut lieu le concert et ce fut magique d’entendre la voix de ces neuf hommes dans ce cadre magnifique… Il y en avait presque autant pour les yeux que pour les oreilles !La première partie, la religieuse donc, fut marquée par un chant anonyme, Quel Dieu est grand comme notre Dieu, qui a mis en valeur la voix d’Oleg Palkin qui a fait trembler les murs de l’église et vibrer les âmes des spectateurs. Je crois que tous garderont de ce morceau un sentiment de beau, d’absolu, de magie… Un très grand moment…La deuxième partie fut beaucoup plus légère, tout en restant très slave, donc pétrie de mélancolie, de profondeur, de mystique… Les chanteurs étaient en tenue de ville, comme on dit et le public eut le droit d’applaudir après chaque morceau…Tout a commencé par un hymne consacré à la Grande Russie, composé par Tchaïkovski lui-même, Dieu garde la Sainte Russie. Ce chant montre que ces chanteurs se sentent investis de la défense de la mémoire de la Russie d’autrefois. Nous avions ressenti ce même sentiment en voyageant à Saint-Pétersbourg. Cela laisse parfois le spectateur mal à l’aise, on hésite à traiter ces artistes de nationalistes forcenés, de croyants acharnés ou d’extrémistes. En fait, si on replace cela dans la construction slave, c’est normal même si cela peut être utilisé parfois par un dicteur, un tsar ou un illuminé… Quand c’est dans les mains d’un artiste comme Boris Satsenko c’est juste à vous couper le souffle !!!Puis les chants s’enchainent, on passe de la Russie à l’Ukraine et réciproquement, d’un compositeur anonyme, d’un texte de Tourgueniev à un de Pouchkine en passant par des chansons populaires léguées par une histoire lointaine… et tout se termine par le fameux chant des adieux que tous les voyageurs ont entendu au moins une fois lors de leur périple en Russie…
Le spectateur des Estivales 2016, sonné par une si belle soirée n’a plus qu’à se replonger dans ses souvenirs de festival, il a bien voyagé dans le temps et l’espace, dégusté des arts différents, des genres complémentaires… Il a gouté au religieux français du vingtième siècle ; il a découvert un talent futur de l’opéra, que dis-je, écouté une grande soprano qui malgré son jeune âge est déjà un talent confirmé ; s’est détendu avec une opérette merveilleusement interprétée ; a mesuré la profondeur du chant russe… Bref, il est tout simplement heureux et se dit qu’il n’a plus qu’un an à attendre pour aller participer aux 27èmes Estivales de Brou !!!