J’ai grandi en dessinant. Plus tard la profusion d’univers que je croisé en lisant des BD m’a amenée sur la voie du dessin. Et cette année en 2015, pendant le festival de la bande dessinée, l’équipe et moi-même avons mené nombres d’interviews d’auteurs et de dessinateurs. Durant les trente minutes que nous ont consacrées ces personnalités, j’étais souvent chargée de faire un portrait d’eux. Une expérience stressante et à la fois enrichissante.
En effet au début de chaque interview, on leur expliquait que j’allais les dessiner. La plupart des réactions des auteurs et autres dessinateurs a été d’ouvrir grands les yeux et de dire légèrement étonnés et septiques « D’accord… j’ai hâte de voir le résultat… ». Mais moi j’entendais « Mais quel est cet oiseau de malheur qui veut me dessiner… Avec quelle tête je vais me retrouver… ».
Je me mettais donc à l’ouvrage, assise à une table, sur un tabouret ou même debout. Pendant le temps qui m’était alloué, je dois bien avouer que je ne faisais pas du tout attention à ce qui m’entourait me concentrant uniquement sur ma feuille, mon stylo et mon modèle. Je n’avais qu’un seul objectif, ne pas louper mon dessin pour ne pas décevoir et être déçue et frustrée en retour.
La difficulté majeure est que chaque interviewé est différent. Ils bougent et se positionnent différemment. Et si certains sont plutôt calmes d’autres ont besoin de gestes amples pour s’exprimer.
Dans toutes les interviews réalisées, il ne m’est arrivé qu’une seule fois de recommencer le dessin que j’avais fait. J’aurais vraiment eu honte de présenter cette première ébauche. Une autre fois j’ai dû dessiner en même temps deux personnes en prenant moi-même part à l’interview, un petit challenge que j’ai relevé avec succès. A un autre moment encore j’ai dessiné la même personne une seconde fois dans un temps très court. Encore une fois j’ai réussi m’en sortir, bien que mon poignet commençait à me faire souffrir.
Puis venait la révélation, la fin de l’interview, le moment où je m’approchais anxieuse de l’interviewé pour lui montrer mon calepin ou le carnet dans lequel j’avais dessiné. Les réactions ont toutes été plus ou moins les mêmes, auteurs comme dessinateurs étaient impressionnés. « Je n’aurais jamais pu faire pareil » m’a-t-on félicitée. D’autres m’ont demandé si je faisais une école d’art, auxquels j’ai répondu que j’avais effectivement étudié en graphisme. D’autres étaient presque gênés de se voir dessinés ainsi et me complimentèrent sur ma vitesse d’exécution et d’observation.
Mais dans tout ça je crois que la personne la plus gênée, c’était moi. Recevoir tant de compliments, d’encouragements et de félicitations de la part de personnes dont j’admire le travail et dont le dessin est pour certain leur univers, c’était extraordinaire et surtout impensable. J’étais soulagée et vraiment très touchée de voir mes dessins plaire. Mais également émue d’être, en quelque sorte, reconnue par mes « pères ».