Le festival international de la bande dessinée d’Angoulême s’est tenu il y a quelques semaines pour le plus grand plaisir des lecteurs, collectionneurs et curieux du septième art. Avant de parler de rencontres, de découvertes, de lectures ou de dédicaces, il est indispensable de parler du marché de la bande dessinée et des difficultés rencontrées par certains auteurs, certains éditeurs sans oublier les libraires dont certains disparaissent au fil des ans…
Dans un monde culturel où tout est en baisse, y compris le jeu vidéo qui accuse une chute de 7%, la bande dessinée s’en sort plutôt bien avec une légère hausse de 1,4%. Bien sûr, on peut se réjouir de cette situation et se contenter d’annoncer les 37 millions d’albums vendu en un an ! Mais ce serait oublier ou passer sous silence que les ventes de bandes dessinées en 2013 ont été boostées par un nouvel Astérix, un nouveau Blake et Mortimer, sans oublier l’année anniversaire de Spirou avec de nombreuses rééditions… Oui, le chiffre final masque de grandes inégalités dans les ventes mais rassure un tant soi peu quand on regarde le chiffre global du livre qui est de -2,9% !
Les éditeurs sont en train de se remettre, les uns et les autres, des restructurations, réorganisations et autres ventes de départements qui ont marqué ces derniers mois. Rue de Sèvre prend ses aises – département BD de l’École des Loisirs – tandis que Delcourt continue sa montée en puissance avec l’absorption de Soleil. Casterman tente de survivre, mais on peut s’inquiéter de voir ses éditeurs et auteurs travailler avec d’autres noms comme Gallimard, Rue de Sèvre, Delcourt… Enfin, la nouvelle est maintenant définitive, Emmanuel Proust rejoint Paquet… Le paysage de l’édition de bandes dessinées se dessine sous nos yeux et il semblerait que pour la première fois depuis longtemps le nombre de nouveautés dans l’année soit en baisse. Pourquoi autant de prudence pour l’affirmer ? Tout simplement parce qu’il est très difficile de distinguer les véritables nouveautés des rééditions dans d’autres formats, avec des bonus, des compléments, des systèmes d’intégrales…
Et les auteurs ? Cette année, on a entendu un collectif d’auteurs manifester son mécontentement devant la situation des auteurs. La menace est même simple et forte : si rien n’est fait d’ici le festival de 2015, ce sera un festival sans auteur ! Les auteurs ont de plus en plus de mal à survivre, le salaire moyen est au-dessous du SMIC, les tirages sont en baisse malgré les ventes totales en hausse. Le mécanisme est simple : beaucoup plus de parutions ces dernières années et un pouvoir d’achat des lecteurs en baisse, donc moins d’argent pour chaque auteur. C’est une évidence mathématique et économique… Espérons qu’un mécanisme de solidarité sera mis en place et que les choses rentreront dans l’ordre…
Enfin, saluons l’engagement qu’à pris Guy Delcourt de participer à la création d’une école de la bédé à Paris. C’est d’ailleurs plus qu’une simple participation car il a décidé de s’impliquer fortement dans cette aventure, de mettre à la disposition de cette formation sa force d’éditeur, donc l’ensemble de son équipe, des auteurs aux éditeurs en passant par tous les professionnels. Mais nous reviendrons sur cet aspect innovant avec une interview de Guy Delcourt lui-même nous a accordé lors du festival…
Voilà pour le panorama général, pas la joie délirante, pas la morosité désespérante, juste une situation préoccupante comme d’ailleurs l’ensemble de la vie économique… Heureusement, cela n’a pas trop affecté la nature des rencontres durant le festival et c’était bien l’essentiel pour l’ensemble des lecteurs qui attendent tout au long de l’année ce rendez-vous hors-normes…