Des bandes dessinées pour Noël, pourquoi pas ! Mais comment choisir dans cette jungle immense qui propose chaque année pas moins de quelques milliers de nouveaux titres en langue française ? Nous allons vous accompagner dans cet univers de bulles avec une première étape que nous nommerons, Les grands classiques…
Certes, il ne s’agit pas là que de nouveautés au sens habituel du terme car nous pouvons avoir des rééditions, des éditions Collector enrichies de nombreux documents, de reprises par d’autres auteurs que les créateurs, de recueils de séries, les Intégrales, comme on dit, et pour terminer cette longues listes, de spin off, histoires parallèles à la série mère par les créateurs ou d’autres auteurs… Le plus délicat dans tout cela, c’est qu’il peut y avoir de bonnes lectures partout, mais de mauvaises aussi…
Enfin, précisons bien que pour le lecteur il y a une bonne part de subjectif. En effet, si vous avez été formés à la lecture de Picsou dans votre jeunesse, relire du Picsou aujourd’hui c’est un peu replonger en enfance… Et qui résiste à ce bonheur ?
D’un point de vue strictement intellectuel et commercial, reconnaissons que tout ce marché autour des héros de jadis est aussi une vaste manœuvre financière qui peut nuire à de jeunes auteurs, limiter la création, brider la prise de risque des éditeurs et, à terme, défavoriser l’évolution de la bande dessinée. Mais, comme me le disait encore récemment un libraire, une nouveauté d’Astérix fait revenir à la bédé un public qui l’avait perdue de vue…
Prenons donc ce premier choix comme le moyen de mettre côte à côte des publics de tous les âges : certains retrouveront les héros de leurs enfances, d’autres découvriront la bédé préférée de papy tandis que les derniers se diront qu’après tout ces histoires sont mieux que ce qu’ils croyaient… La BD deviendrait alors un lieu de rencontre intergénérationnelle et familiale…
Le retour d’Astérix
Face à ce dernier album d’Astérix, Astérix chez les Pictes, le premier sans la participation d’Uderzo (à la retraite) et Goscinny (décédé), les lecteurs ont tous eu le sentiment de retrouver les aventures de leurs héros gaulois préférés. C’était un peut comme au temps d’Astérix chez les Helvètes, Astérix en Corse ou Astérix chez les Bretons. Certains ont souri, d’autres ont ri de bons cœur et le charme s’est reconstruit… On a bien entendu quelques voix ici ou là pour dire que l’album n’apportait pas grand-chose à la série déjà en place, que l’on aurait du cesser tout cela à la mort du scénariste génial…
Quant à moi, je garde l’idée qu’il s’agit d’un bon album, qui fait rire et qui donnera, peut-être, aux plus jeunes de découvrir cette série qui a fait rire aux éclats leurs parents et grands-parents… On verra alors certains de ces jeunes découvrir Astérix et le tour de Gaule ce qui serait une belle transmission interculturelle et intergénérationnelle… Non ?Oh, j’allais oublier de préciser que le scénario était de Jean-Yves Ferri et le dessin de Didier Conrad !
L’éternel retour de Blake et Mortimer
Eternel retour ? N’exagérons rien, mais c’est vrai que les ayant-droits d’Edgar P Jacobs ont décidé depuis longtemps que le couple Blake et Mortimer survivrait à son créateur. Pour cela, il a fallu créer une fondation et faire un choix drastique car dessiner une telle série demande une précision et un talent qui n’est pas donné à tout le monde. C’est peut-être là, d’ailleurs, que réside le problème majeur.
En effet, ce dernier Blake et Mortimer, qui vient de sortir, L’onde Septimus, est réalisé avec un talent incroyable. A tel point que l’on finit par oublier que la narration graphique n’est pas signée Edgar P Jacobs, qu’elle est le fruit du travail conjugué de Jean Dufaux, Antoine Aubin et Etienne Schéder…
Seulement voilà, le dessin ne fait pas tout dans une histoire racontée en bande dessinée. Avec cet album on se retrouve dans la suite de La Marque Jaune, en quelque sorte, ce qui exaltant pour certains lecteurs comme moi… Une histoire qui se prolonge comme si les années cinquante étaient encore là… Sauf, que très honnêtement, à part pour la nostalgie, il vaut mieux offrir la version de départ, La Marque Jaune, l’album génial de Jacobs, la référence presque absolue de la narration ligne claire…Ligne claire ? Oui, je sais, cela fait un peu technique… C’est une façon de raconter les histoires avec du texte et du dessin, une façon simple que Hergé, le créateur de Tintin, définissait comme étant la façon de raconter avec du dessin en ne mettant dans le dessin que les éléments indispensables et incontournables pour comprendre l’histoire. On va donc s’appuyer sur des codes, des couleurs, des façons de dessiner qui permettront à tous de comprendre. Cela allège le dessin, est très expressif et facile à comprendre, mais certains trouvent cela un peu simpliste… Moi, j’avoue que j’aime beaucoup la ligne claire !
Enfin, certains scénaristes se sont déjà illustrés avec réussite dans les reprises de Blake et Mortimer. On ne peut que conseiller La machination Voronov d’Yves Sente avec André Juillard, probablement une des meilleures reprises de la série…
Spirou, le héros de septante-cinq ans
Je ne suis pas de la génération Spirou et je ne lisais pas ce magazine de BD quand j’étais jeune. Je croyais même que le personnage de Spirou était un héros belge… Ah ! Vous ne saviez pas que c’était un Français qui l’avait créé, un certain Rob-Vel, de son véritable nom Robert Velter. C’était le 21 avril 1938, à la veille de la guerre qui allait ravager l’Europe puis le monde… Cet auteur, atypique qui avait commencé dans l’hôtellerie avant d’enchaîner sur la marine pendant quelques années, avait la passion du dessin depuis son plus jeune âge. C’est après quelques petits essais que sa femme qui signe Davine lui offre le scénario de la première histoire de Spirou, parution dans le journal éponyme qui vient de démarrer [En fait, le nom avait été choisi pour le magazine par Emile-André Robert un ami de la famille Dupuis. Spirou est un mot wallon qui signifie écureuil, ou par extension espiègle]. C’est la guerre qui empêche Davine et Rob-Vel de prolonger les aventures de Spirou qui sont alors reprises par le grand Jijé qui est le créateur de Fantasio. La série Spirou sera alors poursuivie, à partir de 1946, par un jeune dessinateur inconnu, un certain André Franquin… C’est avec ce dernier que la série devient immensément connue et appréciée. Comme elle est la propriété de l’éditeur, elle est régulièrement reprise par de nouveaux auteurs. J’ai découvert Spirou et Fantasio à l’époque de Tome et Janry, ceux qui sont aussi les auteurs d’un spin off de qualité, Le Petit Spirou.A l’occasion de cet anniversaire, de nombreuses publications sont venues nous réjouir et j’en ai retenues trois. Tout d’abord, une réédition de grande qualité, en VO, version originale, de deux albums, Les pirates du silence et La quick Super. Grand format, dessins de Franquin comme il les a livrés à l’éditeur… Que du bonheur pour ces histoires des années cinquante !Mais comment passer sous silence la réédition des aventures de Spirou par Yves Chaland. Cœur d’acier de Chaland reprend une nouvelle vie avec cette réédition chez Dupuis, en noir et blanc et en format à l’italienne. En reprenant le célèbre personnage, là où l’avait laissé Jijé (en faisant abstraction de la période Franquin), Yves Chaland se lançait un pari audacieux…….. qu’il perdra car son album pré-publié dans le journal Spirou du 22 avril 1982 au 16 septembre 1982 restera inachevé du fait d’un imbroglio éditorial que nous conte Jean Louis Bocquet dans l’excellent dossier qui accompagne cette édition. Indispensable pour tous les fans de la série et belle histoire pour illustrer qui sont Spirou et Fantasio.
Enfin, il est juste de parler du dernier sorti de la série traditionnelle des aventures de Spirou et Fantasio, Dans les griffes de la vipère de Fabien Vehlmann et Yoann. Ces deux auteurs sont comme des gamins à qui on aurait offert leur jouet espéré et qui se donneraient à cœur perdu dans une partie fantastique… Du coup, le lecteur est emporté par une vague incroyable de bonheur et de simplicité. Il ne pense à plus rien, il est dans une histoire de Spirou et Fantasio, tout simplement…
Michel Vaillant
Je sais que certains ont quitté depuis longtemps cette série, mais je dois avouer que j’ai été séduit par la reprise de Philippe Graton (le fils du créateur), Denis Lapière (génial créateur de la série Charly), Marc Bourgne (Etre libre et Frank Lincoln) et Benjamin Benéteau (Alter Ego)…Cette reprise est forte car le sportif automobile de très haut niveau est encore dans son sport mais il est aussi le père d’un jeune, Patrick, qui lui cause beaucoup de soucis…Ce qui est touchant dans cette série c’est que l’on retrouve tous les personnages clefs, avec quelques années de plus, avec des familles qui se sont agrandies, avec des corps qui n’ont plus vingt ans… bref, c’est la série de la vie, tout simplement, même si tout le monde n’est pas pilote de F1 ou de Rallye… cette fois-ci, Michel va devoir battre le record du monde de vitesse avec un moteur électrique… une petite pointe de développement durable, dans cette série aussi !
Buck Dany
Là, pour le coup, je suis fan de cette série aéronautique et militaire depuis que je la connais. Avec les autres séries Tanguy et Laverdure (reprise en cours aussi) et Dan Cooper (pour le moment arrêtée), j’ai eu le sentiment de décoller et de vivre des aventures sans équivalent… Le dernier Buck Dany, Cobra Noir, le cinquante-troisième de la série, on retrouve nos pilotes de l’aéronavale américaine dans un conflit qui n’en porte pas le nom entre les Etats-Unis et l’Iran. En fait, dans l’histoire on nommera l’Iran Basran pour ne pas vexer un certain état à tendances totalitaires…Ce n’était pas si simple de faire vivre cette série depuis que la guerre froide a cessé, depuis que le monde vit sur un rythme différent avec terrorisme et conflit larvé. Je reconnais que l’on retrouve dans cet album une énergie que l’on avait avant, une envie d’aventures qui avait un peu disparu, une envie de lire qui manquait à certains qui avaient fini par abandonner la série… Et si tout recommençait comme avant ? Ce sera parfait quand certains personnages auront fini de grandir, quand ils auront stabilisé leur caractère et ce n’est pas encore le cas de Sonny…Pour un peu j’oubliais de vous dire que le scénario était signé Frédéric Zumbiehl (ancien pilote de combat et scénariste de Team Rafale, Réseau sentinelles…) et le dessin Francis Winis qui signe-là son premier album de bande dessinée.
Et quelques autres encore du côté de l’histoire…
La bande dessinée historique est depuis très longtemps à la mode et les lecteurs sont globalement au rendez-vous. Pensez donc, Alix, le fier Gaulois-Romain, est né en 1948 avec Jacques Martin un des plus grands auteurs français de bandes dessinées.
Alix vit encore et le dernier album est sorti en 2013, La dernière conquête, avec Géraldine Ranouil au scénario et Marc Jailloux et Corinne Billon au dessin. J’ai même tendance à penser que les différentes reprises ont donné un coup de jeune à cette série qui reste pour moi une grande réussite… On n’est même pas obligé de lire les premiers (parfois un peu indigestes) pour se plonger dans les derniers albums…
Enfin, je dois signaler deux séries qui sont maintenant reprises elles-aussi, Jhen et Vasco.
Pour la première, la reprise est partielle car le dessinateur initial, Jean Pleyers, il est encore là mais bien secondé. Il faut dire qu’il est trop long pour produire un album par an, rythme minimal pour satisfaire les lecteurs de plus en plus impatients. Donc, l’avant dernier, Le Grand Duc d’Occident, était scénarisé par Hugues Payen (rappelons que la série avait été créée par Jacques Martin) et dessiné par Thierry Cayman, tandis que le dernier, L’ombre des Cathares, lui, est dessiné par Jean Pleyers avec le même scénariste. Les deux albums sont très bons et se déroulent à la fin du Moyen-Age.Enfin, évoquons dans cette page historique la série Vasco. C’est Gilles Chaillet qui a créé cette histoire avec son personnage éponyme, en 1983. Malheureusement, il décède en 2011 et c’est Dominique qui vient de reprendre la série alors que Gilles Chaillet la faisait déjà dessiner depuis 2007 par Frédéric Toublanc.
Ce dernier album, Les enfants du Vésuve, est très bien construit, agréable à lire et surprenant pour qui suit la série depuis longtemps… Une partie de la jeunesse cachée de Vasco…
Voici donc quelques idées pour renouer avec nos héros d’autrefois, ceux qui ont animés les séries bédé de nos enfances…