Hier soir, je suis allé écouter, voir et vivre un concert particulier de la compagnie La constellation. C’était annoncé comme un opéra rock et j’avoue avoir pris un certain plaisir avec cette œuvre que j’ai trouvé aboutie, construite et originale. Outside, puisque c’était le nom donné à cette pièce de 50 minutes n’a pas plu à tout le monde et en particulier à une journaliste du Journal de Saône-et-Loire, et c’est bien son droit. Mais comme dans son article j’ai trouvé deux ou trois éléments assez injustes, je vais me permettre, une fois n’est pas coutume, de présenter le spectacle et, en même temps, de répondre à quelques arguments de Meriem Souissi.
Tout d’abord, ce spectacle du In était annoncé comme un opéra rock, c’est à dire comme un spectacle musical. Alors comment peut-on écrire à quelques mots d’intervalle « Rien de bien original » et « La musique… est originale et intéressante ». La musique, donc, pour commencer, est bien une musique jouée en direct, plutôt originale car elle mêle le rock – rendu ici par la guitare électrique et les percussions – et le chant lyrique avec deux chanteurs, une femme et un homme. Puisqu’il n’est pas question de masquer les faiblesses du spectacle, reconnaissons comme notre consœur du JSL que la cantatrice avec quelques difficultés à maitriser certains sons particulièrement aigus. En même temps, si elle était censé symboliser le chant des sirènes, ce que je pense avoir compris, j’avoue qu’elle le faisait bien et qu’elle fascinait à émettre une telle voix au milieu de cette musique rock. Quant au chanteur, je l’ai trouvé parfait…
Toujours côté musique, ce n’est pas parce que les percussions sont réalisées sur des futs métalliques de plus de 200 litres, qu’il faut immédiatement se permettre de dire que c’est une copie sans saveur de ce que font les Tambour du Bronx. Certes, La constellation utilise ce type de percussion comme, aussi, la compagnie Metalovoice. Chaque réalisation de ces groupes d’artistes part de l’industrie, du travail manuel, des contraintes et des nuisances de ces activités humaines, pour arriver en final à une œuvre d’art. La musique construite et interprétée par La constellation n’est pas du tout de la copie conforme des Tambours du Bronx. Elle est bien originale et intéressante et ce mélange opéra et rock m’a beaucoup plu.
La journaliste parle d’un « ensemble kitsch à souhait ». Si cela veut dire que trois costumes sont avec quelques dorures, oui, je peux le concéder. Est-ce que cela a un sens, une importance ? Pour moi, oui ! On veut le croisement de deux disciplines, le rock et l’opéra, et il se trouve que j’ai toujours trouvé les décors et costumes de l’opéra quelque peu kitsch. Cela fonctionne donc bien, cela fait plus opéra et je trouve que cela reste quand même du détail par rapport à l‘ensemble de l’œuvre.
On a l’impression, d’ailleurs, que Meriem Souissi s’est attachée plus aux détails qu’à l’ensemble. Le titre de son article est « Symphonie pour meuleuse ». Or, d’une par les fameuses quatre meuleuses n’entrent en action que deux petites minutes, elles n’ont aucun rôle musical et ne permettent que de déclencher quelques gerbes lumineuses qui donnent, à ce moment-là, une touche de couleur appréciable. En aucun cas on peut parler de musique industrielle dont la meuleuse serait l’instrument d’exécution. J’ai personnellement assisté à des concerts pour perceuses, meuleuses ou marteaux piqueurs et c’est bien autre chose…
Reste maintenant le sens de ce spectacle car, je l’avoue, c’est pour moi l’essentiel. Il s’agit d’une adaptation de la grande tragédie grecque, une fois de plus d’ailleurs. C’est comme si l’homme n’avait rien inventé de neuf depuis que Sophocle ou Eschyle avaient mis en forme les grandes interrogations humaines. Dans ce spectacle, il y a l’homme, enfermé dans sa vie. C’est cette petite cage du départ où l’homme se débat comme il peut, c’est à dire de façon inefficace. Les Sirènes peuvent le tenter, le faire dévier de ses intentions… Les tonneaux qui roulent sans rien provoquer de constructif rappellent le mythe de Sisyphe. L’homme agit sous la contrainte mais n’est pas libre… Pour acquérir sa liberté et son bonheur – encore que Camus disait qu’il fallait imaginer Sisyphe heureux – il doit transgresser, il doit traverser les limites de sa prison, de son humanité. Et c’est ce qu’il va faire, poussé par la musique…
Je vous parle de ces fameux futs qui ici ne sont donc pas que des instruments de musique. En effet, certains acteurs vont, au fur et à mesure du spectacle, construire une voie ferrée – lien indiscutable avec la société industrielle et métallurgique, le travail enchaine lui-aussi – sur laquelle les tonneaux rouleront…
Comme le dit la journaliste du Journal de Saône-et-Loire, « ça en jette plein les yeux » mais, en plus, ça remplit la tête et aide à comprendre la vie, comme la Tragédie depuis des siècles. Ce n’est pas qu’un amusement, c’est de la philosophie, tout simplement !
Il ne s’agissait pas pour moi de critiquer sans raison un article sur un spectacle, mais, plutôt, de montrer que les approches, les compréhensions, les ressentis, face à une même œuvre, peuvent être fort différents sans qu’il ne se dégage une seule vérité. On est presque dans une épreuve de philosophie du bac, mais cela démontre, si besoin était, que les arts de la rue ne sont pas du tout des arts mineurs !
Je suis totalement d’accord avec vous. Lorsque l’on va voir un spectacle pour trouver la petite bête qui ne nous plait pas, qui ne va pas, cela ne sert à rien ! Autant ne pas y aller ! « Outside » nous fait vivre plein d’émotions, entre les voix magnifiques des deux chanteurs, les percussions jouées à la perfection et la guitare qui ne fait qu’enrichir les superbes morceaux écrits et interprétés par la Constellation. De plus, nous ne pouvons pas dire que « Outside » est une copie des « tambours du bronx » car, il faut bien le rappeler, dans les tambours du bronx il n’y a que des percussions. Cela ne peut donc être comparé, étant donné qu’ « Outside » met en scène percussions, chanteurs lyriques et guitare électrique. Donc lorsque l’on ne maitrise pas un sujet Meriem Souissi, on ne se permet pas de faire une comparaison qui ne peut être faite.