Pour prolonger le débat sur la littérature contemporaine, l’avis de Pierre Michon :
Quel regard portez-vous sur la littérature contemporaine ?
La littérature contemporaine, j’ai le nez dessus, je suis dedans, comment voulez-vous que j’en juge sainement ? Il me semble tout de même que si on excepte la sous littérature, la world fiction et tout ce qui, étant pure invention du marché, relève seulement de l’économie, si donc on passe là-dessus et qu’on s’en tient à la littérature proprement dite, on voit à l’échelle mondiale deux grandes tendances. D’abord, les auteurs plus ou moins enracinés, impliqués dans une problématique nationale ou humanitaire, politique au sens restreint du terme, une littérature si vous voulez qui mise sur le planétaire, sur l’événementiel planétaire immédiat et la plupart de ces auteurs sont bien entendu anglo-saxons ou du tiers-monde, ou souvent les deux à la fois. Et une autre grande catégorie, apparemment plus désimpliquée, sans appartenance, enracinée dans la lettre seulement, plus frivole ou plus historienne, flaubertienne si on veut, qui préfère interroger la vieille catégorie de l’universel plutôt que celle du planétaire. Il n’y a pas de quoi s’étonner que ce soit dans les langues romanes, les alentours de Rome, qu’on trouve le plus d’auteurs de ce type, et notamment en langue française. Alors, bien sûr, dans les deux catégories, il y a de très grands talents et des talents moindres.
Pierre Michon, Le roi vient quand il veut, Albin Michel, p.156.
« Le nez dessus », bien sûr ; le rappeler. Et ces deux tendances, planétaire / universel ; certainement. Et la référence à Flaubert, ère du soupçon sur le roman avant la lettre ; toutes les littératures n’ont pas eu Flaubert.