Il y a des spectacles qui sont plus qu’un amusement, plus qu’un simple moment de passé à se distraire, car ils nous invitent à réfléchir, à comprendre, à agir…
La compagnie Kumulus nous avait déjà, du moins pour certains d’entre nous, offert un spectacle extraordinaire avec Les pendus. C’était une pièce de théâtre très « bavarde », une pièce écrite qui ne laissait aucune place à l’improvisation des artistes, et dont le public sortait silencieusement, incapable d’enchainer derrière le moindre spectacle. Il fallait que chacun cherche un sas de récupération, souvent abimé dans son for intérieur…
Pour beaucoup, revenir à un spectacle de la compagnie Kumulus, c’était prendre le risque de s’exposer, encore une fois, à la sagacité de ces femmes et hommes qui nous entrainent dans de grands spectacles de rue qui ne laissent personne indifférent !
Et tout commence devant un container d’ordures où la société de consommation a entassé ses déchets. Les rebuts, les objets abandonnés sont nombreux et il y a parmi eux, aussi, des êtres humains. L’humain, quand il a servi, quand il est usé, quand il ne peut plus rendre le moindre service, est rejeté – maison de retraites, chômage, rues – comme le plus grand ou le plus riche des objets, tous appelés à être remplacés dans la foulée par un objet – ou un humain – de meilleure qualité, de meilleur rendement…
Et c’est là que l’on commence à percevoir le poids de ce spectacle. Ce rebut, ces encombrants, sont vivants ! Les êtres humains, d’abord, certes vieux, usés, malades, lents, sont encore capables de choisir dans le container des objets, de leur donner une mission, un rôle, même si nous nous éloignons très vite de l’usage habituel, du moins de celui que lui avait donné le fabricant, le diffuseur, le vendeur…
Les acteurs sortent, sans jamais se lasser ces objets et les trainent, les glissent, les lancent, les installent… sans un mot ! Et c’est bien là que nous voyons que la troupe a souhaité changer de registre après Les pendus. Un spectacle « bavards » est suivi d’un spectacle taiseux…
Silencieux ? Non, pas vraiment, soyons honnêtes. En fait, nous assistons pendant toute la durée du spectacle (1h40) à une symphonie étonnante. Chaque bruit est là pour se lier à celui d’à-côté en créant ainsi une harmonie objective qui porte le spectateur. Quand le glissé, le frotté, le percuté, le tombé, le lancé se combine on obtient des mouvements symphoniques admirables. Ici, pas d’allegro, plutôt du moderato. Car, c’est l’éloge de la lenteur, du temps économisé, de la récupération qui submerge la foule qui, un instant avant, courrait pour ne pas raté le spectacle…
Tout dans le festival est boulimie, comme dans notre société, et, soudain, nous revenons à l’essentiel. Les objets nous alourdissent, nous enchaînent, nous rendent esclaves. On a beau être usé par le travail et la vie, réduit à trier les déchets… nous trouvons encore le moyen de tenir à ces déchets, nous voulons les garder, les collectionner, les installer, capitaliser en quelque sorte… Comme ces habits que les acteurs gardent sur eux, manteaux sur pulls, chapeaux de toute nature, accessoires qui embellissent ou dénaturent le tout…
D’où pourrait venir la libération totale, celle qui nous affranchirait de ces objets et de ce matérialisme ambiant ? Les acteurs vont nous montrer le chemin car, au fur et à mesure du spectacle, ils vont s’alléger des objets, qu’ils laissent trainer et de leurs vêtements. Cette nudité va les libérer, les alléger, jusqu’au moment où ils pourront quitter les lieux du tri des déchets et redevenir des femmes et des hommes libres !
Je précise bien qu’il ne s’agit pas d’un spectacle érotique et que la mise à nu est totalement symbolique…
Le spectacle n’est plus joué à Chalon, il faudra attendre le 26 juillet à Alençon, le 2 août à Périgueux, le 16 septembre à Cergy-Pontoise ou le 13 octobre à Port-Saint-Louis pour passer un tel temps de spectacle, hors du commun mais aussi hors du temps…
J’ai tout simplement adoré, a-do-ré !!!
Silence encombrant de la compagnie Kumulus
www.kumulus.fr
Bravo !
Bravo aux artistes et au journaliste !
Nous aussi, on a adoré !
Difficile au départ car le rythme est lent et il faut s’y faire…
Après on entre dans cet univers et on a bien du mal à en sortir…