Dans le nombre incroyable d’actions collaboratives, c’est-à-dire toutes ces entreprises humaines où on entend covoiturage, collocation, travail partagé, achats groupés… il en est des moins connues qui, pourtant, d’une part sont des moyens de recréer du lien social, d’autre part sont une forme de consommation différente et probablement teintée de philosophie DD (développement durable, bien sûr !).
Une d’entre elles a retenu notre attention car atypique, collaborative, DD et profondément humaine ! Il était une fois… Un artiste, Laurent, a proposé une résidence dans un quartier populaire, pour réaliser un travail en commun…
« Quand Laurent s’est pointé à la première réunion et qu’il nous a dit « Moi je suis là pour vous permettre de faire un projet participatif, qu’est-ce que vous voulez faire ? », je vous avoue que l’on ne savait pas du tout où aller… Les gens du quartier avaient la nostalgie des vieilles kermesses et petit à petit l’idée de faire une animation de ce genre est née et elle a plu à Laurent et aux bénévoles du quartier qui étaient motivés pour agir pour redonner un peu de vie au quartier… »
En partant de rien qu’une idée, avec un budget très minime pour ne pas dire moins, voilà des dizaines de bénévoles qui se regroupent et qui finissent par décider de construire un manège à l’ancienne, entièrement ou presque, avec des matériaux de récupération…
« Par exemple, le silure géant qui est sur le manège, c’est une vieille bâche récupérée et à l’intérieur des bouteilles en plastique et des vieux journaux apportés par les familles du quartier. La rosace, elle, c’est du recyclage de vieux tapis de sol des écoles, les décorations sont faites avec des vieux jouets donnés, les boites intérieures du haut du manège, elles, ont été faites par les écoles du quartier… Bref, tout le monde s’y est mis, tout le monde a récupéré, découpé, créé, collé, mis en place… et le résultat c’est ce manège à l’ancienne… »
Mais un projet qui se veut aussi conforme à l’esprit du développement durable doit trouver une source d’énergie propre ! Ce sera donc l’énergie humaine et pendant que les enfants prendront place sur le manège, deux parents (ou grands frères) se mettront sur les deux vélos récupérés, eux-aussi, et intégrés à l’ensemble comme « moteur » !
Enfin, je voudrais signaler que des adultes handicapés ont participé au projet et que certaines anecdotes sont touchantes : « Il fallait resserrer un boulon. La personne ne se sentait pas capable de la faire mais une bénévole lui a parlé, l’a motivé et il a accepté de le faire. Les deux petits coups de resserrage qu’il a fait déclenchèrent une joie pour toute l’équipe. Maintenant, quand il passe, il regarde si son boulon tient toujours et il est fier de montrer ce qu’il a fait ».
Nous sommes allés à la fête du quartier, on a vu les enfants faire du manège et les parents pédaler pour donner de l’énergie à l’ensemble. Il y a même un vieux lecteur de quarante-cinq tours qui crache sa musique avec cette même énergie et dès que les parents ralentissent, la musique aussi…
Belle harmonie collective, beau projet, belle illustration que l’argent n’est pas le seul moteur de notre monde. Un groupe de parents dans un quartier et la vie peut reprendre avec de magnifique couleurs et une chaleur humaine qui les rend tous indestructibles, même si les temps sont difficiles…
Au départ, comme il fallait donner un nom au projet, on parlait du Manège en chantier. Maintenant qu’il fonctionne, après une réunion de tous les bénévoles, on parle du Tourbillon des Gigougnoux ! Mais ne me demandez pas pourquoi…
Enfin, petite précision, on ne paye pas pour faire un tour de manège !
Le reportage a été effectué lors du Quartier de lune en avril 2015 aux Aubépins, quartier de Chalon-sur-Saône.