Après avoir pris le temps de manger un sandwich assis sur les marches de l’église Saint Martial, en plein soleil, juste à côté d’une yourte consacrée à un personnage de bande dessinée, YaYa, nous décidons d’aller faire un tour au bâtiment Franquin qui accueille plusieurs expositions dont une spéciale en hommage à la collection « Ecriture » qui fête ses dix ans.
Une collection est un objet particulier. Certains lecteurs n’y font pas du tout attention tandis que d’autres sont aux limites du pathologique en cherchant à tous prix à pouvoir l’aligner entière et complète dans leur bibliothèque. Je suis plutôt entre les deux et j’avoue que dès le départ cette collection m’a touché en proposant des auteurs et des titres qui comptent encore pour moi. En dix ans je retiendrai Jiro Taniguchi, ce grand auteur japonais que je ne connaissais pas du tout, Craig Thompson et son fameux « Blanquets, manteau de neige », Catel et son « Kiki de Montparnasse, Charles Masson et « Le droit du sol » sans oublier Kim Dong-Hwa et tous ses ouvrages… oui, cette collection a compté dans ma vie de lecteur et même si l’exposition n’apporte rien de nouveau elle permet de revoir ces titres. Nous sommes trois à la visiter, à l’avoir lu et nous sommes très perplexes quant au choix du titre qui nous a le plus marqués… Voilà au moins une collection qui ne demande qu’à surprendre les lecteurs et les titres annoncés pour cette année devraient être à la hauteur…
Après cette accalmie, nous voici repartis à l’assaut des auteurs pour le grand marathon des interviews.
Tout va commencer avec Aude Soleilhac, une dessinatrice de chez Delcourt qui s’est mise en valeur avec le dessin des trois tomes du « Tour du monde en 80 jours » scénarisé par Loïc Dauvillier à partir du roman de Jules Verne.
J’avoue que j’ai beaucoup apprécié cette adaptation et que je suis très heureux de la rencontrer. Elle a aussi fait une « Guerre des boutons » mais j’avoue avoir eu un peu plus de mal d’autant plus que l’album est sorti dans une avalanche de « Guerre des boutons » au cinéma comme en librairie et abondance de biens peu nuire…
Comme souvent les dessinateurs, Aude n’est pas très bavarde. C’est par le crayon qu’elle s’exprime le mieux, alors on lui donne cette possibilité après les questions…
Après Aude, c’est au tour de Patrick Sobral, le créateur des « Légendaires ».
J’avoue bien humblement que je ne suis pas un lecteur convaincu, assidu et enthousiaste de cette série. Mais alors, pourquoi prendre le temps d’en interviewer l’auteur. Je comprends que vous puissiez vous poser cette question. Tout d’abord, je reconnais que la série fonctionne, qu’elle a une bonne assise scénaristique et que le dessin ne peut que plaire à ceux qui aiment le genre « manga ». Comme les héros sont redevenus en enfance, ça plait aux jeunes lecteurs ! Quant à l’auteur, je le connais depuis la parution du premier album et il est très sympathique, donc c’était bien normal de prendre le temps d’une rencontre…
Puis ce fut au tour d’Isabelle Dethan de se retrouver devant nos micros et caméras. Comme la pression et la température montaient considérablement à l’intérieur des « bulles » du festival, nous avons choisi un banc public pour une interview en plein air. Isabelle Dethan est une auteure d’Angoulême et je crois qu’elle fait partie des auteurs heureux de se retrouver au milieu des lecteurs, des professionnels mais chez elle.
Elle nous présente essentiellement le troisième et dernier tome du « Tombeau d’Alexandre » en l’absence du dessinateur Julien Maffre dont elle parle avec une réelle sympathie. Elle nous présente, aussi, sa nouvelle série « égyptienne », Les ombres du Styx, une histoire policière comme elle aime bien qui se déroule en Tripolitaine au début du troisième siècle de notre ère…
Comme nous nous plaisons bien à l’extérieur, c’est là que nous recevons, aussi, Richard Guérineau. C’est lui le dessinateur de cette série que j’aime tant, Le chant des stryges. Richard est en pleine forme et nous passons un excellent moment autour de ces êtres surprenants qui marquent sa vie depuis longtemps. Il faut dire que dès le départ, lui et son scénariste Eric Corbeyran avaient décidé de réaliser trois cycles de six albums. Dix-huit ouvrages, cela compte dans la vie d’un dessinateur qui passe un peu plus d’un an par album ! Alors qu’ils ont maintenant commencé le troisième cycle, ils voient l’issue arriver… Heureusement, Richard Guérineau n’a pas le sentiment d’être seulement le dessinateur des stryges et il a encore de nombreux projets à mener…
Pour clore cette belle journée, riche en rencontres avec des auteurs charmants et disponibles, je vais écouter François Schuiten nous présenter une expérience de réalité augmentée. Grâce à un travail commun avec Dassault Systèmes, en présentant une bande dessinée de Schuiten devant une webcam, on voit sur un écran une locomotive se mettre en marche, celle qui est dans l’album de bande dessinée. Cette machine non seulement va se déplacer, mais elle va obéir en quelque sorte au lecteur qui va la diriger, réguler sa vitesse…
Ce n’est qu’un début car pour le moment la bédé n’existe pas et le système n’est pas encore disponible sur Internet, mais on sent que de nouvelles voies s’ouvrent pour la bande dessinée avec interaction, immersion, et intensité des plaisirs… une belle démonstration qui permet surtout d’écouter ce raconteur d’histoire et dessinateur hors normes qu’est François Schuiten, coauteur des Cités obscures avec Benoît Peeters…
Voilà comment on s’occupe au festival d’Angoulême et surtout comment on se prépare à passer une bonne nuit…